Jamais une opération de reboisement d’une forêt incendiée n’a suscité autant de débats. En effet, l’opération à laquelle avait appelé la direction de l’environnement d’Oran et quelques associations de circonstance pour le reboisement de la forêt de Madagh, fortement brûlée par le dernier incendie qui avait ravagé près de deux tiers de sa superficie, n’a pas eu l’impact souhaité par ses initiateurs.
Très critiquée par des spécialistes, elle a également été déconseillée par le premier responsable du secteur des forêts qui avait, dans un entretien accordé à la chaîne 3, affirmé qu’il est déconseillé de reboiser une forêt incendiée avant un délai de trois ans. Dans un post publié sur sa page facebook, l’ingénieur agronome Samir Slama, qui est une véritable référence en matière de patrimoine sylvicole à Oran, a appelé à laisser le temps à la forêt de se régénérer. « Laissons une chance à la forêt de se guérir de notre folie. Planter aujourd’hui participe à la destruction des végétaux et des graines éparpillées et enfouies sous la cendre et qui attendent de meilleures conditions climatiques pour repartir. Les arbres qui seront plantés dans ces conditions pédoclimatiques n’ont aucune chance de réussir dans un sol cuit et par conséquent trop sec et trop dur pour le développement des jeunes racines. Les arbres sont des êtres vivants, ceux qui vont être plantés ont été élevés dans des conditions idéales en pépinière, ils n’ont pas connu de sevrage qui leur permet de s’adapter et d’endurer les conditions pédoclimatiques d’une forêt incendiée », a-t-il indiqué.
Plus critique, Samir Slama qui est l’auteur d’un ouvrage sur les arbres urbains et qui a proposé une charte sur les arbres remarquables de la ville d’Oran a indiqué : « après un incendie, dans la plupart des cas, les agros-pasteur-forestiers qu’étaient nos ancêtres laissent faire la nature. Alors grande dame, la forêt finissait toujours par tourner la page en se régénérant par elle–même. Les arbres finissaient toujours par repousser même si le processus est plus long.
Certes pour retrouver des arbres de plus de 7 mètres de haut il faut attendre 50 à 80, voire même 100 ans. Mais 3 à 5 ans suffisent pour atténuer de façon significative l’impact visuel sur le paysage avec le couvert végétal produit par des herbacées et les premières repousses des espèces arbustives et arborées en général. Ces espèces ligneuses sont le produit de l’incendie ; elles sont issues directement des cônes et autres fruits éclatés par la chaleur de l’incendie.
Ce sont donc principalement ces graines qui ont été débarrassés par « les nettoyeurs» utilisateurs d’un nouveau genre d’une forêt que l’on veut désormais aseptiser.
L’autre priorité des anciens est d’assurer le retour de la faune. Lors de l’incendie, seuls quelques oiseaux et de grands animaux parviennent à prendre la fuite. Ils ne reviendront que lorsque la forêt commencera à se reformer garce à la repousse de la végétation qui constitue l’indispensable garde-manger. En général 2 ou 3 ans après l’incendie suffisent pour que lièvres perdrix et sanglier regagnent les lieux, mais à la condition que les gestionnaires de la forêt qui désormais ne sont pas forcément des forestiers mais des écologistes de bureaux laissent de côté leur prétention d’hypothéquer l’avenir de la forêt à travers un « lessivage » de la couche humifère ramassée au tractopelle. La population des petits mammifères et des insectes, à l’instar des abeilles, des fourmis et autres cigales, prend plus de temps pour revenir ».
Plusieurs associations qui luttent pour l’ecologie à Oran se sont également désolidarisées de cette opération qui risquait même de provoquer la perte définitive de la forêt de Madagh. En effet, on voulait participer à un nettoyage lundi et engager le reboisement le vendredi. La direction des forêts qui est au fait de tout ce qui touche le patrimoine sylvicole a opposé son véto, ce qui a permis d’éviter plus de tort à cette forêt.
« L’opération était une façon de mettre en avant une fédération non représentative d’associations de la société civile. L’intervention des spécialistes a permis de mettre en échec une opération populiste qui pouvait enterrer définitivement ce qui restait de Madagh », indiquent des associations oranaises.
Slimane Ben