Rencontrés à Marseille, Rabah et Sofiane sont deux jeunes Algériens survivants de la «harga», cette terrible épreuve de la traversée de la Méditerranée sur des embarcations de fortune. Ils ont survécu quand même. Ils nous ont assuré qu’ils ont vécu l’horreur et ont frôlé la mort à plusieurs reprises sur une mer très houleuse pendant de longues heures.
L’Europe a de tout temps connu sur son territoire une population étrangère sans papiers. En France par exemple, il est impossible de savoir si le nombre des migrants augmente ou diminue. Il varie notamment en fonction des crises majeures qui secouent le monde. Chaque année, des milliers d’émigrés clandestins quittent l’hexagone pour aller s’établir dans un autre pays,aussi des milliers sont renvoyés, soit dans leur pays d’origine, soit dans le pays par lequel ils sont entrés dans l’Union européenne. L’amplification de la lutte contre le séjour irrégulier à partir du milieu des années 2000 a conduit à la fois à davantage de renvois. Par contre, plusieurs cas de régularisations ont été effectués. Le dernier à faire assurément le buzz dans le monde, c’était celui du jeune homme malien qui a sauvé un petit garçon d’une terrible chute d’un bâtiment…
Aussi, certain nombre d’étrangers en situation irrégulière, et qui ne demandaient pas de titre de séjour, ont pu aussi régulariser leur situation avec plusieurs méthodes, la plus connue est celle du mariage à blanc, qui est devenu très coûteux car il vaut aujourd’hui entre 10 000 et 15 000 euros. Ou bien le contrat de travail, c’est l’autre option qui intéresse les sans-papiers. Sinon la «doublette», comme on appelle ici à Marseille, c’est une solution peu sollicitée par les sans-papiers, non seulement elle est coûteuse, mais aussi difficile, car l’intéressé circulera avec une fausse identité, contre 9 000 euros, il y a un réseau qui fabrique des documents falsifiés, des cartes de séjours, passeport et autres…
Sofiane raconte son péril
Ces dernières années, plusieurs milliers de «harragas »Algériens, candidats à l’émigration, ont tenté de rejoindre l’Europe par «El botté» (bateau), via la mer, une méthode particulièrement très risquée. Cette méthode était le seul choix de ceux qui n’ont pas pu obtenir un visa.
Selon les dires de certains jeunes harragas que nous avons croisés au Vieux-Port à Marseille, ils nous ont fait savoir qu’ils ont traversé un long chemin pour qu’ils soient aujourd’hui en France. Rabah et Sofiane deux jeunes Algériens nous ont raconté un peu leurs histoires de « harga », ils nous ont assuré qu’ils ont vécu l’horreur et ont frôlé la mort à plusieurs reprises sur une mer très houleuse pendant de longues heures.
Sofiane a brièvement raconté l’aventure de l’immigration clandestine au péril de sa vie lors d’une traversée à hauts risques, il dira : « Nous étions deux groupes de 20 personnes, nous avons fait deux départs, l’un à partir de Annaba et l’autre d’El Kala, la destination c’était l’Italie, on a fait presque deux jours dans la mer à cause du mauvais temps et j’avais très peur, après le départ, j’ai beaucoup pensé à ma mère, à ma famille, je ne pensait déjà plus à l’Europe. J’avais plutôt beaucoup de remords d’avoir embarqué, les heures passaient difficilement. Vous m’avez fait me souvenir les moments les plus difficile de ma vie», a-t-il dit avec un gros soupire.
«À notre arrivée en Italie, à la Sicile précisément, c’était la panique générale de tous les jeunes, on a tous perdu l’espoir quand les gardes des côtes italiens nous ont repéré et intercepté, après les procédures et paperasses, on était tous mis en prison et dans des centres de rétention bondés, pendant un mois. Heureusement, en Italie, ils nous ont relâché, et jusqu’à présent j’arrive pas à comprendre comment cela est arrivé avec nous, mais nous étions obligés de quitter le sol italien. Pour ne pas recroiser la police italienne, nous avons décidé d’aller ailleurs. Personnellement, j’étais très content parce que je pensais que j’ai vu le bout du tunnel, et malheureux car on s’est séparés et du coup je ne savais plus quoi faire.Quand j’ai quitté l’Italie, je pensais que ça serait le bonheure, mais là une histoire a commencé pour moi, je suis allé en Belgique, en Suisse, en Allemagne jusqu’à la France, j’étais totalement perdu car toutes les portes ont été fermées. Trouver un travail stable était quasiment impossible, j’ai travaillé tout et n’importe quoi avec des salaires minables malheureusement chez les Algériens. J’ai fait le porteur de «cageots» dans les marchés, vendeur à la sauvette…, pour ramener quelques euros salvateurs pour pouvoir survivre, c’était pas trop évident.» il ajouté : tu ne peux pas savoir d’où le bien te vient, quand j’avais 21 ans, un ami m’a proposé d’aller en Espagne, à Barcelone, et là c’était le bonheur. Une association espagnole appelée «la Casa cojida »m’ont pris en charge sur tous les plans. Ils m’ont assuré une formation professionnelle dans le domaine de l’électricité et la cuisine. En l’espace de deux années de formation rigoureuse.» Le jeune Sofiane dira qu’il a décroché un diplôme de cuisinier et d’électricien en bâtiment grâce aux espagnoles. Si tu veux savoir comment j’ai intégré le centre, c’est une autre histoire.»
Mohamed Wali