Jamais, depuis l’apparition de la Covid-19 dans notre pays, soit depuis février dernier, le nombre de personnes contaminées n’a atteint des proportions aussi alarmantes que ces derniers jours. Bien que depuis plusieurs semaines déjà les contaminations ne cessent de s’accroître, là on s’approche dangereusement de la zone à quatre chiffres. Une zone jamais atteinte par l’Algérie.
Invité, hier, de la Radio nationale chaîne 3 pour faire le point sur la situation épidémiologique actuelle, le président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), le docteur Lyes Merabet, a exprimé, a priori, l’inquiétude et signalé la fatigue dont souffrent les professionnels de la santé qui sont en première ligne dans la lutte contre la Covid-19 depuis plusieurs mois maintenant. « On est vraiment inquiet, fatigué, et constamment sous pression depuis des mois maintenant. Certes, que cela s’est relativement calmé à une certaine période mais la situation ne cesse de s’aggraver depuis pratiquement trois semaines, avec un afflux de malades de plus en plus important, au niveau des pavillons d’urgence des salles de soins, des polycliniques, et à présent tous les services affichent complet, y compris au service de réanimation. Nous avons donc des difficultés à trouver où placer un malade aux soins intensifs. Il y a une pression sur le personnel de la santé », a alerté le syndicaliste Mérabet.
L’intervenant a révélé que la corporation de la santé a payé un lourd tribut lors de l’accomplissement de sa mission de lutte contre la pandémie, au sein des différentes structures sanitaires du pays.
Décès de 136 membres du corps médical sur 10 000 contaminés
Il a fait savoir, dans ce sens, chiffre à l’appui, que cent trente-six (136) membres des personnels soignants sont décédés sur les quelques 10 000 à avoir été contaminés depuis l’apparition de cette maladie.
Pour remédier à cette situation et surtout protéger le personnel de la santé contre la Covid-19 pour ne pas pénaliser les hôpitaux et autres structures sanitaires de l’apport de ceux-ci, l’intervenant a manifesté l’urgence de les doter de moyens de protection qui font défaut actuellement, alors que le pays est dans une situation qui s’installe dans la durée.
« Il y a eu un relâchement général y compris pour les moyens de protection pour le personnel médical, dont le droit d’accéder à un dépistage en milieu professionnel. Chose qui n’a pas été faite jusqu’à présent, sachant pourtant que les professionnels de la santé sont un élément de propagation de cette maladie que ce soit à l’intérieur comme à l’extérieur des milieux hospitaliers », a constaté le Dr Mérabet.
Pour la prise en charge des malades, l’hôte de Souhila El Hachemi a estimé, et non sans regret, que les autorités auraient pu anticiper et aménager en amont des hôpitaux spéciaux Covid-19 et l’exploitation de la Safex -actuellement souhaitée par de nombreux spécialistes- était l’une des suggestions du syndicat dès le début de la maladie en raison de sa grande capacité d’accueil pour recevoir un éventuel afflux de malades et leur assurer une prise une charge idoine à travers notamment des sources d’oxygène, en plus du contrôle et du suivi des malades par des équipes pluridisciplinaires. « On aurait pu le faire il y a des mois ou semaines déjà pour répondre justement à ce besoin qui s’installe actuellement. Maintenant il y a une directive pour dégager des espaces dans les polycliniques (milieux extrahospitaliers) pour répondre à la situation parce que les services hospitaliers, déjà ouverts pour la Covid-19, sont saturés. Une directive d’ailleurs discutable et même contestable dans la mesure où cette démarche complique davantage la situation et pour le personnel de la santé et pour les citoyens », a affirmé l’intervenant.
« Cela ne va régler en rien le problème car il s’agit tout simplement de demi-mesures face à des problèmes posés de manière concrète. On a sous-évalué la situation et maintenant on est en train de payer les conséquences de cette gestion », a-t-il encore déploré. Pour le syndicaliste Mérabet, il faudrait penser à s’organiser autrement, mettre en place d’autres espaces, revoir le circuit de la prise en charge, revoir la stratégie du dépistage, assurer des endroits pour le confinement des personnes éventuellement porteuses du virus, et le confinement pour le personnel de la santé, mais aussi assurer la prise en charge pout routes les autres pathologies comme le diabète, et les AVC, les cancers entre autres.
« Il faut revoir notre stratégie de lutte »
Sur la question de savoir s’il faut s’attendre à un nombre plus important des cas compliqués, Dr Mérabet ne se voile pas la face pour prévenir et avec beaucoup de peine d’ailleurs, qu’effectivement les nouveaux contaminés arrivent et malheureusement dans des situations encore plus graves que d’habitude.
« En résumé, tant qu’il y a une augmentation des cas recensés, le pourcentage des cas compliqués s’accentue également avec malheureusement le risque que les décès montent aussi. Il faut donc absolument briser la chaîne de contamination avec le respect des mesures barrières, un confinement strict, notamment dans les wilayas les plus affectées », a suggéré l’invité de la chaîne 3.
Il est à relever, ajoute la même source, que partout à travers les wilayas du pays il y a des espaces à exploiter pour la réception des malades du Covid-19 en les dotant de tous les moyens nécessaires pour la prise en charge des patients. Avec notamment, explique le président du SNPSP, l’implantation des services de réanimation pour secourir les cas graves.
« Il faut aussi un dépistage ciblé autour des cas avérés, une enquête épidémiologique du terrain pour enfin dégager des recommandations pour que les autorités prennent à ce moment-là les mesures qui s’imposent comme le confinement d’un quartier, une commune, une wilaya, selon l’évolution de la pandémie dans la région visée en vue d’endiguer la propagation du virus corona », a conclu l’intervenant, invité de la chaîne3.
Brahim Oubellil
