Les membres de l’aile de l’opposition du FLN (Front de libération nationale) passent à la vitesse supérieure. Ils ont rendu public, hier, une déclaration dans laquelle ils répliquent à Saâdani et annoncent que 167 membres du comité central (CC) vont boycotter le 10e congrès du FLN, prévu du 28 au 30 mai en cours, lequel est considéré par ces opposants d’«illégal». Lundi dernier, le secrétaire général du FLN a indiqué que ses adversaires ne disposent pas des deux tiers du CC, dès lors qu’ils ont procédé à la saisine de la Justice par une requête, pour demander de disqualifier la tenue du congrès. Le même responsable s’est montré confiant envers la Justice, à tel point qu’il a prétendu même que sa direction politique aura gain de cause. Selon le groupe des redresseurs, dirigé par l’ex-ministre Abderrahmane Belayat, il ne s’agit, là, que d’une liste initiale, en attendant d’arrêter le nombre total des opposants à cette rencontre qui sera communiquée à la presse, a-t-on menacé dans le document. Samedi dernier, le même groupe, ayant tenu une réunion regroupant membres du CC, cadres et parlementaires du FLN, a fait appel au président du parti, Abdelaziz Bouteflika, à intervenir pour mettre un terme aux «dérives et transgressions des statuts du parti», a-t-on écrit dans la déclaration finale. À travers cette deuxième réunion, qui en appellera certainement d’autres, les adversaires au FLN «officiel» affirment leur détermination à user de tous les moyens réglementaires, dont ils disposent, afin d’aboutir «au blocage» de la réunion de l’instance suprême du parti. Le même document, portant la signature de Belayat, se veut, mais surtout une réponse à Amar Saâdani, secrétaire général du parti, qui a dénié le droit à ses détracteurs de parler au nom du parti, en affirmant que le statut de «coordinateur du FLN n’existe pas», comme l’a-t-il déclaré, lundi dernier, dans une réunion du bureau politique de son parti, consacrée à l’évaluation des préparatifs du congrès. À quelques jours du rendez-vous, il ne se passe pas une réunion sans que l’une des deux parties ne s’en prenne à l’autre dans une guerre à coups de communiqués inter-croisés et de déclarations publiques accentuant la crise au FLN. Amar Saâdani n’entend pas ses adversaires de cette oreille, il compte aller jusqu’au bout de son agenda. En effet, avant-hier mardi, son bureau politique a procédé à l’installation des sept sous-commissions issues de la commission nationale en charge des préparatifs du congrès. Elles devront se pencher chacune sur les questions relatives à «la réflexion, la résolution socio-économique, la politique générale, les affaires étrangères, les statuts, les élus et le redéploiement du parti». Ces sous-commissions sont chargées d’examiner les rapports établis par les commissions locales des mouhafadhas, et qui contiennent les propositions émanant des militants de base.
Les documents finaux devront être adoptés lors du congrès. Saâdani continue d’affirmer que les membres de ces commissions sont issus du CC, en réponse à Belayat qui met en avant et défend en compagnie de ses partisans «l’autorité et les prérogatives», seules qui puissent décider, selon eux, de la tenue du congrès. Dans le camp de Saâdani, on affirme que tout va bien dans la maison FLN, preuve en est que, ajoute-t-on, «les préparatifs du congrès vont bon train, le travail des sous-commissions installées suit sont cours et il devra s’achever avant le 20 mai prochain». Cette guéguerre qui implique les deux parties rivales au sein de l’ex-parti unique risque bien de compromettre le rendez-vous de fin mai prochain. Ce qui donne surtout froid dans le dos, c’est la réunion du CC annoncée par Saâdani lui-même pour la veille du congrès, soit le 27 mai prochain. Il va sans dire que l’avenir des positions des deux parties repose sur le nombre de partisans que comptera chacune d’entre elles, lors de cette réunion décisive, lesquels partisans sont appelés dès lors à choisir l’un ou l’autre camp.
Plainte des redresseurs : la décision de la Justice reportée
Joint par téléphone, Kassa Aïssi, membre du comité central et opposant au secrétaire général du FLN, parlera des actions menées par la coordination des redresseurs, afin de contrecarrer la démarche entreprise par Saâdani. Pour lui, les 167 membres du CC sont formels et ne reviennent pas sur leur engagement de se démarquer du «processus entamé par Saâdani». «Sur les 320 membres qui restent des 351 que compte initialement le CC, nous avons parmi eux 167 qui cautionnent et adhèrent à notre démarche, en confirmant par écrit leur engagement. D’autres encore nous ont contactés pour nous assurer de leur soutien, mais, jusque-là, ils nous ont seulement envoyé des messages depuis le téléphone portable, en attendant de nous signifier leur engagement en bonne et due forme», s’est targué d’annoncer notre interlocuteur, pour répondre ainsi à Saâdani qui leur a lancé le défi de réunir les deux tiers du CC. «C’est lui (Saâdani, ndlr) qui n’a pas la majorité du CC à ses côtés, sinon il aurait réuni ses membres avant de décider, à lui seul, de fixer la date sur l’organisation du congrès», a-t-il ajouté, avant de rappeler que le patron du FLN avait refusé de réunir le CC, pour la simple raison que ses membres n’ont pas cautionné son entreprise. Pour le responsable de l’opposition, la décision prise par Saâdani concernant l’organisation du 10e congrès au parti «est une manœuvre dilatoire, qui consiste à prendre en otage le FLN pour des desseins inavoués. Nous refusons l’injonction», dira-t-il. S’agissant de la requête introduite par le groupe des redresseurs auprès du Conseil de l’État, en vue de disqualifier le congrès, la décision est reportée à mercredi prochain, révèle notre interlocuteur. «Il y a eu déjà un antécédent», a déclaré le responsable du CC, en affirmant être confiant en la décision de la Justice, en rappelant, notamment avoir déjà eu «gain de cause», en août 2013, concernant la tenue du CC lors duquel le successeur d’Abdelaziz Belkhadem a été porté à la tête du parti. «Saâdani a forcé la main à la Justice et a tenu la réunion du CC», a-t-il accusé. En effet, à travers cette requête, «nous voulons mettre toutes les institutions devant leurs responsabilités», a-t-il clamé. Par ailleurs, notre interlocuteur a affirmé également qu’une action du même genre a été entamée par le groupe des parlementaires. De son côté, Saïd Bouhadja, membre du bureau politique et chargé de la communication au parti a récusé le réquisitoire de «l’opposition». Pour lui, il n’y a aucun désaccord de fond entre les adversaires. Tout en minimisant la crise, il a indiqué d’une manière laconique que les portes du parti restent ouvertes à tous, et que le congrès constitue une aubaine pour confronter les idées entre belligérants, d’autant qu’elles ne sont que des divergences de formes, a-t-il conclu.
Farid Guellil