La tension semble monter d’un cran entre les services du département de la Justice et le Syndicat national des magistrats (SNM), après une accalmie d’à peine deux mois, dans le sillage du scandale qui a eu lieu dans l’enceinte du tribunal d’Oran. En effet, après le précédent inédit à Oran, lors duquel les forces de l’ordre étaient entrées dans l’enceinte du tribunal pour s’en prendre aux magistrats qui ont observé une grève contre les mutations décidées par le ministre de la Justice, le calme s’est installé à nouveau entre le SNM et le ministre Belkacem Zeghmati. Mais, la trêve n’aura pas duré. Récemment une note de service émanant de l’inspecteur général du ministère de la Justice adressée aux procureurs généraux et présidents et présidents de cours en dit long sur ce bras de fer. Cette première correspondance, datée du 5 février, a fuité sur les réseaux sociaux, et les médias ont sauté dessus. Il est dit dans le document que « certains jugements rendus ne sont pas conformes à la loi et pourrait être interprétée par ailleurs comme une interférence de la tutelle dans le travail des juges ». Cette note en question a invité les magistrats à « dénoncer » même sous couvert de l’anonymat, les jugements qui seraient rendus «sans aucun fondement légal» et qui n’ont « ni queue ni tête ». Dans ladite note, l’inspecteur général « regrette de constater des jugements rendus sans aucun fondement légal. La mission du juge est de rendre des jugements au nom du peuple algérien et le peuple algérien ne peut en aucun cas accepter que soient rendus en son nom des jugements sans aucun fondement légal (…)», écrit-il, ajoutant que « dans le but de lutter contre ce phénomène et de mettre fin à ce genre de jugements, l’inspecteur général met à la disposition des juges de la République le numéro de fax de son bureau (…). Chaque juge, jaloux de sa patrie et aimant son métier, devra envoyer toute décision ou jugement au numéro indiqué, dans le secret le plus absolu. Il n’est pas tenu d’indiquer son nom ou sa fonction, il doit juste signaler ce qu’il estime être sans fondement légal, tout en motivant son appréciation », poursuit-il. De son côté, le SNM n’a pas tardé à réagir, rejetant et dénonçant cette note. En effet 24heures après que le département de Belkacem Zeghmati ait jeté le « discrédit » sur le travail des juges, le SNM s’en est pris, jeudi, ouvertement à l’inspecteur général au ministère de la Justice, « coupable de s’être érigé comme une autorité judiciaire en mesure de juger les décisions de justice alors qu’il est un simple fonctionnaire au ministère». Le président du SNM, Issad Mabrouk, a précisé dans un communiqué que «cette façon de faire est un dépassement dangereux des prérogatives juridiques de l’inspection générale et constitue une atteinte flagrante au travail des services judiciaires seuls habilités à juger et commenter les décisions de justice».
Belkacem Zeghmati désapprouve la note ministérielle
Le SNM considère ce courrier comme une «preuve de la volonté du pouvoir exécutif de maintenir ses interférences dans le travail du pouvoir judiciaire dans notre pays». Tout en appelant les magistrats à ne pas tenir compte de ce mémorandum-instruction qui «contredit expressément les principes de la loi», le syndicat exige du ministère son retrait «immédiat et la présentation d’excuses officielles» aux magistrats de la république du fait que ce document «porte atteinte à leur crédibilité ainsi que celle de l’Institution judiciaire». Juste après, le ministère de la Justice a, dans une correspondance adressée aux présidents et aux procureurs généraux des tribunaux des 48 wilayas, remis une nouvelle couche. En effet, le département de Zeghmati a remis en cause le contenu de ladite instruction émanant de son inspecteur général, et dans laquelle il avait exprimé sa «grande déception» par rapport au travail des juges. À vrai dire, le second courrier portant la griffe du SG du département de Zeghmati a instruit les présidents et les procureurs généraux des tribunaux des 48 wilayas de ne pas « tenir compte » de l’instruction datant de mercredi dernier.
Sarah Oubraham