Tayeb, un septuagénaire et valétudinaire, venait de perdre sa femme après cinquante ans de mariage. Il avait huit enfants, cinq garçons et trois filles. L’ainé avait quarante cinq ans, marié avec quatre enfants. Le benjamin en avait 19 ans. Les plus jeunes vivaient avec leur père et s’occupaient de lui correctement.
Par Lazreg Aounallah
Trois enfants avaient quitté le domicile et habitaient seuls avec leurs femmes et leurs enfants. Les autres étaient sous la coupe du père. Il faisait vivre toute sa famille avec sa maigre pension de retraite. Personne ne travaillait dans la maison. Le benjamin était en première année à l’université. Lés trois filles dont la plus jeune, Karima, avait 21 ans, était une très bonne couturière. Elle avait effectué des stages pour apprendre l’art culinaire. Les deux autres filles étaient respectivement âgées de 35 et 32 ans. Aïcha, la plus âgée savait parfaitement cuisiner et faire des gâteaux orientaux. C’était sa mère qui lui avait appris l’art de faire toutes les variétés de gâteaux. Houria, la cadette, excellait aussi dans cet art. Toutes les deux, s’entendaient très bien et attendaient impatiemment leur destin pour convoler un jour en justes noces. Elles attendaient leur destin pour convoler en justes noces. Elles s’occupaient de leur père et le traitait comme un bébé. Il était affecté de plusieurs maladies qui les avaient complètement terrassé. Il était devenu grabataire par la force du temps. De toute la journée, il ne quittait jamais le lit, juste pour faire ses besoins. Il commençait à en avoir ras-le-bol de cette vie morose. Il n’arrivait plus à la supporter car elle le faisait terriblement souffrir. Parfois à une heure tardive de la nuit, il criait de toutes ses forces quand il avait terriblement mal. Souvent, il divaguait. Il faisait réveiller toute sa famille et parfois quelques voisins qui n’avaient pas aimé être dérangés au milieu de la nuit..Des remarques avaient été faites par les mêmes voisins quand aux cris insupportables poussés par le père. Cela avait duré plusieurs années. Un vrai calvaire pour sa famille. Taciturne, Tayeb préférait être allongé tout seul dans sa chambre. Il ne supportait pas que quelqu’un dorme avec lui. Il voulait mener une vie solitaire et c’était son désir le plus absolu. Tellement les douleurs lui faisaient atrocement mal, il ne fermait pas les yeux de la nuit. Sa famille souffrait stoïquement avec lui. Ses enfants étaient obligés de s’occuper de lui pour qu’il ne manqua de rien. Il était très gâté par sa famille. Un jour, Tayeb pensait que ses enfants souffraient avec lui. La nuit, ils ne dormaient pas à cause de lui. Il les plaignait. Une idée lui traversa soudainement l’esprit. Pour mettre un terme à cette situation désobligeante dans laquelle ses enfants s’empêtraient, il décida ainsi de se remarier. Le lendemain matin, il en parla à ses enfants. Au début, ils avaient refusé de peur que cette femme leur fasse du mal ou leur créer des problèmes avec leur père. Ils préféraient le prendre en charge et en subir les conséquences que de souffrir aussi longtemps que possible avec cette femme étrangère. Tayeb demanda à sa fille aînée de faire des recherches un peu partout en utilisant ses connaissances pour lui trouver une femme âgée de 60 ans au minimum pour s’occuper définitivement de lui. Quelques jours après, Aïcha fut chargée par son père, à chercher la femme idéale pour son père. Il voulait convoler en justes noces dans les plus brefs délais car il voulait une femme en permanence qui s’occupait de lui de jour comme de nuit. Quinze jours après avoir effectué des recherches, Aïcha avait trouvé la femme pour son père. Elle était âgée de 58 ans, veuve avec deux grands enfants et s’appelait Mériem. Elle habitait toute seule dans un appartement. Aïcha avait longuement discuté avec elle pour lui expliquer sa mission en cas où elle viendrait à se marier avec leur père. Des conditions lui avaient été exigées pour s’occuper correctement de leur père. Le lendemain, Aïcha parla à son père de la nouvelle marâtre qui devait venir partager sa vie dans ces moments difficiles. Il dit qu’elle devait la faire venir et la présenter à toute la famille. Aïcha fit entrer la femme dans le salon tout en la mettant à l’aise en attendant de voir son nouveau mari. Quelque temps après, Tayeb entra dans le salon tout en marchant avec des béquilles, impatient de voir sa nouvelle femme. Toute la famille était sortie pour laisser le nouveau couple discuter librement. Après avoir longuement discuté, Mériem accepta toutes les conditions de son futur mari. Ils s’étaient mis tous les deux d’accord sur certains points restés en suspens. Ils se fixèrent le jour de la célébration du mariage en présence des deux familles.
Quelques jours après, la Fetha fut célébrée en présence de l’imam. Ce jour là, Mériem et Tayeb convolèrent en justes noces. C’était leur premier jour de mariage. Enfin, Tayeb avait trouvé la femme qui devait s’occuper définitivement de lui. Il était très content. Il remercia Dieu de lui avoir facilité la tâche pour refaire sa vie dans ces moments difficiles qu’il traversait contre vents et marées. Toute la famille de Tayeb avait peur que cette étrangère leur cause des problèmes. Elle paraissait gentille mais il ne faut jamais juger les gens sur la mine. Les choses pouvaient prendre une autre tournure. La vie réserve toujours des surprises. Il ne faut pas se fier aux apparences car elles sont souvent trompeuses. La première semaine s’était bien passée. Aucun incident des deux côtés n’a été constaté. La deuxième semaine avait mal commencé. Houria la cadette, en lavant la vaisselle dans la cuisine avait fait tombé par mégarde trois assiettes en voulant les essuyer. Mériem, leur belle-mère s’était mise en colère et commençait à vociférer. Houria s’était mise à pleurer en demandant pardon à sa belle-mère. Celle-ci, furieuse lui dit :
– La prochaine fois, si tu recommenceras, tu auras de mes nouvelles. Pourquoi as-tu fait ça ?.Tu es maladroite. Tu ne sais pas tenir correctement tes assiettes ? Où as-tu appris à laver des assiettes ? Attention à la prochaine fois, tu payeras très cher ta méprise.
Houria ne s’arrêta pas de pleurer. Aïcha, son aînée avait mal au cœur. Elle ne voulait pas se mêler dans cette affaire de peur qu’elle ne provoquât un problème qui pourrait lui être fatal. Aïcha et sa sœur rejoignirent leur chambre et pleuraient en silence. Orphelines de mère, elles s’étaient souvenues de leur chère maman qui les gâtait beaucoup et les chérissait. Cette étrangère était venue partager sa vie avec elles en montrant sa méchanceté. Ce jour-là, Karima n’était pas à la maison. Elle était partie pour passer un concours à Alger. Elle devait y passer un séjour chez sa grande sœur mariée à un officier des douanes à la rue Didouche Mourad. Elle était au courant que son père s’était remarié mais pas de l’incident qui s’était déroulé durant la nuit après le dîner.
Le lendemain, la marâtre convoqua toute la famille au salon pour leur expliquer les tâches à effectuer. Elle parla d’un ton dogmatique. Elle leur disiait qu’elles devaient suivre ses instructions sans protester faute de quoi, elle mettait son mari au courant de tous les complots fomentés contre elle pour la faire divorcer car elles ne pouvaient pas supporter sa présence. Elles refusent la discipline.
La défunte mère avait bien éduqué ses enfants. Elles avaient reçu une bonne éducation de leur mère. Tous les voisins étaient étonnés de leur éducation exemplaire. Elles étaient très gentilles avec tout le monde.
Très serviables et respectaient tout le monde, jeune ou vieux. Leur mère avait un cancer du sein qui l’avait emportée dans l’au-delà. Elle avait été souffert pendant six mois avant de rendre l’âme à l’hôpital Mustapha Pacha. Les médecins n’avaient rien pu faire. Un sein lui avait amputé. Cette maladie insidieuse l’avait complètement terrassée. Elle ne pouvait plus continuer à vivre ainsi car la maladie la faisait terriblement souffrir. Ses enfants avaient beaucoup pleuré quand ils savaient qu’elle allait les quitter définitivement d’un jour à l’autre. Elle avait passé des moments très difficiles durant la période où la maladie la rongeait. La marâtre voulait imposer sa propre discipline. Dès le début, elle voulait les intimider pour prendre le dessus sur elles. Mais les enfants avaient décidé de ne plus se laisser faire. Ils devaient se défendre corps et âme. Ils n’avaient pas accepté qu’une étrangère fît la loi dans leur propre logement dont ils étaient les véritables héritiers. Le soir, Aïcha et Houria préparaient le dîner dans la cuisine comme de coutume. La marâtre n’avait pas accepté que les deux sœurs s’entendent comme larrons en foire. Elle était très jalouse de leur entendement. Elles étaient toujours désopilantes. Mériem voulait à tout prix briser leur relation trop intime. Elle voulait les rendre des rivales pour qu’elles ne puissent pas comploter contre elle. Pour réussir dans son entreprise diabolique, elle devait trouver des astuces intelligentes pour leur jouer de vilains tours. Mériem devait réfléchir mûrement en attendant le moment propice pour mettre à exécution son plan machiavélique. Mais réussirait-elle dans son action malfaisante ? Pendant le dîner, Mériem appela Houria, la cadette, lui affirmant qu’elle devait discuter avec elle pour un projet la concernant. Aïcha pria sa sœur de ne pas y aller. Elle lui dit que la sorcière voulait lui jouer un mauvais tour et la mettre contre elle. Elle la conseilla de ne pas entrer dans son jeu diabolique.
«- Houria, n’y va pas. C’est une sorcière, elle veut nous faire du mal.»
Houria réfléchit un moment puis refusa l’invitation de la marâtre. Celle-ci, furieuse, gifla Aïcha et l’insulta. Aïcha la poussa de toutes ses forces sur le potager. La marâtre poussa un grand cri. Tayeb, le père malade, entendant les cris bizarres dans la cuisine, vint en pressant le pas avec ses béquilles pour voir ce qui se passait.
«Que se passe-t-il, ici ?» dit-il avec nervosité.
Aïcha et Houria expliquèrent à leur père que leur marâtre tenait des propos vulgaires à leur encontre. Le père agacé par cette mésaventure, chassa sa femme. Il lui dit quelle devait passer cette nuit chez eux et demain matin elle devra quitter la maison. Il ne voulait plus d’elle.
Il conclut que c’était une femme à problèmes. Elle devait être répudiée sur le champ. Aïcha et Houria acceptèrent avec joie la décision de leur père qu’elles avaient trouvée judicieuse. La vie reprenait comme avant. Depuis, Tayeb ne s’était jamais remarié jusqu’à sa mort.
L. A.