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La chaussure algérienne de Massinissa à la Sonipec

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Par Ali El Hadj Tahar

L’Algérie est devenue le souk du monde. Tout s’y déverse, tout ce qui se fabrique, tout ce qui se produit et se cultive sur cette planète se retrouve dans nos étalages, dans nos rayons, nos frigidaires. Nous consommons de la Terre entière sans rien donner aux autres. Nous connaissons tous les sigles, tous les noms des producteurs et personne ne sait si nous existons, car ce sont les produits industriels et culturels qui témoignent de notre existence en tant que peuple et civilisation. Même des produits vietnamiens, saoudiens et yéménites se retrouvent dans nos souks et magasins.
Les Algériens utilisent annuellement près de 70 millions de paires de chaussures. Sur ce volume commercialisé dans notre pays, 95% proviennent de l’importation, qu’elle soit légale ou anarchique. Or, la capacité de production nationale de chaussures est estimée à près de 120 millions de paires par an, soit près du double des besoins locaux, avec la possibilité de créer 500 000 postes d’emploi directs et indirects, selon le président de la commission chaussure affiliée à l’Association nationale des commerçants et artisans algériens (ANCA), Mustapha Benamar. Cet industriel insiste sur les dégâts économiques causés au pays et à la filière nationale, sans parler de l’absence de laboratoires d’analyse pour s’assurer de la compatibilité des produits importés aux normes sanitaires, sécuritaires et autres.
Le nombre d’ateliers locaux de fabrication de chaussures varie entre 800 voire 900 alors que les ateliers fermés ou en faillite oscillent entre
2 700 et 3 000 à cause de la concurrence, du manque de financement ou des taxes élevées appliquées sur la matière première. C’est une véritable sonnette d’alarme que tire le secteur, qui était pourtant un leader mondial. Or grâce à son capital expérience, à ses capacités en matière de création, de recherche & développement, l’immense potentiel local peut se replacer au rang des leaders dans le domaine de la chaussure, mais aussi de la maroquinerie et des peaux. En tout cas, la tradition nationale dans le domaine est millénaire, comme le prouvent le patrimoine matériel et les artefacts visibles dans nos musées. L’industrie algérienne du cuir a connu son essor avec les empires numide et mauritanien, à l’ère des rois et « aguellids » dont les armées et le peuple étaient chaussés localement. Ce sont des souliers locaux qui ont permis aux soldats d’Hannibal, en  218 av. J.-C., de traverser les Alpes pour tenter de conquérir Rome. C’est également chaussés et vêtus des produits du cru que les armées de Tarik Ibn Ziad ont conquis l’Espagne. Et également vêtus de cuir, de laine et de tissus locaux que les Fatimide ont conquis le Caire, dont le calife al-Mu‘izz al-Dîn Allâh fit sa capitale, nouvellement fondée après la conquête de l’Égypte.
Toute l’histoire de l’Afrique du Nord atteste de la grandeur de sa civilisation, et dont le pays portant actuellement le nom d’Algérie en représente le patrimoine culturel le plus riche, le plus diversifié. Il est grave que cet immense legs et savoir soit délaissé, au lieu de servir d’exemple et de modèle pour le développement d’une industrie. Il est plus grave encore que la filière cuir et tannerie soit délaissée au profit des industries étrangères. Les odeurs anciennes des « dar dbagh » (teintureries traditionnelles) d’Alger et de Constantine nous renvoient à un passé encore proche et un autre, beaucoup plus récent, où une entreprise appelée Sonipec couvrait tous nos besoins. Mais comment est née la Sonipec ? De la même idée que le président Tebboune veut mettre en œuvre pour relancer notre industrie manufacturière : en valorisant sur place les matières premières au lieu de les exporter à l’état brut. C’est en 1966 qu’est née la TAL, la Société nationale des tanneries algériennes, laquelle a jeté les bases d’une industrie du cuir et de la chaussure, qui se retrouve malheureusement en péril aujourd’hui.
A.E.T.

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