Alors que des manifestations ont eu lieu simultanément dans plusieurs villes du pays, à Alger, ils étaient hier matin des milliers de femmes, hommes, jeunes et moins jeunes à se rassembler devant le siège de l’Assemblée populaire nationale (APN), pour exprimer leur opposition à l’avant-projet de loi sur les hydrocarbures et le Projet de loi de Finances 2020. Un rassemblement qui intervient le jour, voire au moment même, où le Conseil des ministres tenait sa réunion pour l’adoption des deux textes de loi avant de les transmettre à l’APN pour débat et puis approbation ou désapprobation.
Répondant à un appel lancé sur les réseaux sociaux pour une action pacifique devant le bâtiment abritant la deuxième chambre du Parlement national, les manifestants, venus de divers horizons, ont exprimé un « rejet massif » de la nouvelle loi sur les hydrocarbures et le projet de loi de Finances 2020, en scandant : «Non au bradage des hydrocarbures», «L’Algérie AMANA (legs) vendue», «Loi sur les hydrocarbures et le PLF 2020 hypothèquent l’avenir du pays» ou encore «Loi sur les hydrocarbures, c’est un crime contre la nation».
Dès 10h00, une foule nombreuse a envahi le Boulevard Zighout Youcef, qui abrite le siège de l’APN et scandait : «Leblad ba3ouha, wellah ma n’voti (le pays, ils l’ont vendu, je ne voterai pas)», «Ali La pointe, l’Algérie est en danger», aux rythmes de chants patriotiques des marches populaires pacifiques des vendredis, à travers le pays.
Nombreuses hier, étaient les femmes au rassemblement contre les projets de lois en question devant le siège du Parlement. Une présence et une mobilisation qui se distinguaient au milieu de cette foule, par les youyous qui retentissaient de partout.
Un important dispositif sécuritaire a été mis en place dans les alentours du siège de l’Assemblée. Les services de la police ont bloqué les manifestants à l’Avenue Asselah Hocine, à quelques mètres de la salle de cinéma El Mouggar. Pour le reste, les manifestants ont scandé à l’adresse des parlementaires : «députés à la poubelle !», avant même que les élus du peuple ne se prononcent sur les deux projets de loi.
Appel à l’application des articles 18 et 80 de la Constitution
Les manifestants ont invité ainsi les parlementaires «à exercer leurs fonctions et missions principales en respectant la volonté populaire car ils sont censés nous représenter», nous a indiqué hier un enseignant à l’université, croisé sur les lieux. Notre interlocuteur poursuit par dire que «les manifestants sont là aujourd’hui pour dire non à la mascarade parlementaire, et qu’il ne faut pas qu’on touche aux richesses du pays, car c’est un bien du peuple et un héritage des futures générations», et d’ajouter que «les manifestants appellent à l’application de l’article 18 de la Constitution».
L’article 18 stipule que «la propriété publique est un bien de la collectivité nationale. Elle comprend le sous-sol, les mines et les carrières, les sources naturelles d’énergie, les richesses minérales, naturelles et vivantes des différentes zones du domaine minier et maritime national, les eaux et les forêts. Elle est, en outre, établie sur les transports ferroviaires, maritimes et aériens, les postes et les télécommunications, ainsi que sur d’autres biens fixés par la loi».
Son ami qui l’accompagnait, enseignant également à l’université nous dira que « 9 ans après l’indépendance politique de l’Algérie, le pays a fait un choix, qu’il fallait faire, c’est-à-dire, la volonté de l’Algérie de se développer économiquement pour accéder à son indépendance économique.
Donc, la nationalisation des hydrocarbures, est considérée comme un engagement de l’Algérie à avoir la souveraineté totale sur le Sahara et ses richesses naturelles pour lesquelles hier, nos martyrs se sont sacrifiés pour libérer le pays.»
«Je manifeste pour assurer un meilleur avenir pour mes enfants», a ajouté l’enseignant avant de souligner que «l’action pacifique d’aujourd’hui pour exprimer le rejet du peuple de la loi sur les hydrocarbures, est un devoir selon l’énoncé de la Constitution.» a-t-il précisé.
Un énoncé faut le rappeler, relatif à son article 80, qui stipule que «tout citoyen à le devoir de protéger la propriété publique et les intérêts de la collectivité nationale, et de respecter la propriété d’autrui. » Un jeune, également croisé parmi la foule sur les lieux, nous a indiqué qu’« il est temps que les biens reviennent aux Algériens, et seul le peuple a le droit d’en décider. Et c’est clair que s’ils voteront (les députés) ils finiront dans la poubelle de l’Histoire. »
Mohamed Amrouni