Il est exigé des diplomates qui siègent au Conseil de sécurité de l’ONU d’avoir des yeux de lynx. Ils doivent vérifier même les virgules qui changent le sens d’un texte. Souvenons-nous de la résolution 1973 adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU le 17 mars 2011 au sujet de la Libye. Rien dans les discours ne laissait penser que la résolution allait permettre les bombardements franco-anglais contre la Libye et l’assassinat de son leader Mâamar El-Gueddafi. Et pourtant, c’était bien la résolution votée par les membres du Conseil de sécurité qui a autorisé les interventions aériennes de la France et de l’Angleterre. Une petite phrase qui pouvait passer inaperçue est à l’origine des dégâts incommensurables subis par tout un peuple. Voici la phrase assassine : « Le Conseil de sécurité… autorise les États membres… à prendre toutes les mesures nécessaires… ». Glissée au milieu de neuf pages de texte, la petite phrase a permis à des pays tiers d’attaquer, en toute légalité, un autre pays. Depuis, la vigilance dans le choix des mots est de rigueur au Conseil de sécurité. Vendredi dernier dans ce même conseil de sécurité, une résolution américaine était en débat. Les commentaires allaient bon train. Les uns affichaient leur satisfaction de voir les USA revenir à de meilleurs sentiments et à un cessez-lefeu à Ghaza. Cessez-le-feu que les américains avaient toujours refusé auparavant. Dans le texte américain était mentionné, effectivement, le mot cessez-le-feu. Sauf que le mot ne voulait plus dire la même chose. Voilà ce qu’en disent les services de l’ONU : « le texte américain présenté vendredi au vote n’appelait pas à un cessez-le-feu immédiat et durable, mais affirmait plutôt que ce cessez-le-feu était impératif ». Ce qui change du tout au tout. Les Américains n’exigeaient pas le cessez-le-feu. Ils se contentaient d’invoquer sa nécessité. Un vœu pieux qui « ne mange pas de pain ». Pour la Russie c’est « hypocrite ». Elle a accusé les USA de vouloir « délibérément induire la communauté internationale en erreur ». La Chine a précisé que le plus urgent est « d’appeler » à un cessez-le-feu. Les deux puissances ont fini par utiliser leur véto. L’Algérie avait présenté, lors du vote précédent du Conseil, un projet de demande de cessez-le-feu, clair net et précis. Il avait été bloqué par le véto américain pour être remplacé par le texte américain. Tout comme la Russie et la Chine, l’Algérie n’a pas admis cette forme biaisée de la résolution américaine qui ne demande pas le cessez-le-feu. C’est pourquoi elle a voté naturellement contre. En définitive et si les États-Unis voulaient réellement que les armes se taisent à Ghaza et épargner les civils, il leur suffirait d’arrêter leurs livraisons d’armes à Israël. L’agresseur serait désarmé et l’agression stoppée faute de moyens. Le soleil ne se cache pas avec un tamis !
Zouhir Mebarki