Accueil Culture+ DISPARITION DE MORY KANTE : L’immense baobab de la culture africaine

DISPARITION DE MORY KANTE : L’immense baobab de la culture africaine

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Âgé de 70 ans, Mory Kanté est décédé vendredi d’une longue maladie. Il avait fait danser le monde entier dans les années 1980 avec son morceau de funk mandingue Yéké yéké.

Après Manu Dibango, Tony Allen et Idir, c’est donc une nouvelle étoile de la musique africaine qui vient encore de s’éteindre. Le chanteur et musicien guinéen, connu pour le tube planétaire Yéké yéké dans les années 1980, est décédé d’une longue maladie, vendredi, dans un hôpital de Conakry. Décédé vers 9h45 à l’hôpital sino-guinéen, le chanteur « souffrait de maladies chroniques et voyageait souvent en France pour des soins, mais avec le coronavirus ce n’était plus possible», a précisé son fils. «On a vu son état se dégrader rapidement, mais j’étais surpris quand même car il avait déjà traversé des moments bien pires», a-t-il dit.
Mory Kanté, surnommé le «griot électrique», a contribué à populariser la musique africaine et guinéenne à travers le monde. Ainsi qu’Alfa Blondy et Salif Keïta, il s’est produit en juillet 1985 à Alger. C’était lors d’un rendez-vous où la culture africaine tout entière était présente en Algérie, précisément à Ryadh El Feth, qui était alors un espace de rayonnement à dimension continentale. Son directeur général, le colonel Senoussi, avait fait de la capitale un promontoire de l’art africain. Né dans une famille de griots, ces conteurs traditionnels de l’Afrique de l’Ouest, Mory Kanté est repéré à 21 ans par le saxophoniste Tidani Koné. Ce dernier l’intègre au Rail Band de Bamako, un orchestre dirigé par Salif Keïta. En 1973, lorsque le Malien quitte le groupe, il en devient la vedette. Cet interprète qui chante avec le cœur, l’esprit et l’âme africains, est à lui seul un véritable homme orchestre. Jouant aussi bien de la kora et du balafon que de la guitare, il mixe les traditions guinéenne et africaine aux musiques des quatre coins du monde, et ce n’est pas pour rien qu’il obtiendra le grand prix des Musiques du monde en 2017. Son tube Yéké yéké, sorti en 1987, propulse le funk mandingue sur le devant de la scène internationale : vendu à des millions d’exemplaires, ce tube a atteint les sommets des hit-parades dans de nombreux pays, notamment aux Pays-Bas. Numéro 1 en Belgique, en Finlande, aux Pays Bas et en Espagne, Yé ké yé ké devient le premier single africain à se vendre à plus d’un million d’exemplaires. L’album dont il est issu, Akwaba Beach, est devenu le disque africain le plus vendu de son temps. L’album comportait également une chanson à caractère religieux, « Incha Allah », aux côtés du tube pop « Yé ké yé ké ». L’album comprenait également la chanson « Tama », qui a inspiré deux célèbres chansons indiennes de Bollywood, « Tamma Tamma » dans Thanedaar (1990) et « Jumma Chumma » dans Hum (1991), ce dernier film comportant également une autre chanson « Ek Doosre Se » qui a été inspiré par « Incha Allah ».
Emu par la perte de son ami Mory Kanté, le chanteur Youssou Ndour, dit ressentir « un énorme vide aujourd’hui avec le départ de ce baobab de la Culture africaine ». C’est Ryadh El Feth qui a propulsé cette étoile sur la scène mondiale. Dans les années 1981, il prend alors résidence à Paris. Dans les années 2000, sa musique devient plus acoustique. Dans son album paru en 2012, La Guinéenne, il réhabilite la musique ouest africaine ancienne : les chants sont dans la langue mandingue accompagnée de zouk, de funk et de reggae. Car il ne faut pas oublier que Bob Marley a exercé une grande influence sur tous les chanteurs africains de sa génération. Kanté, le chanteur solitaire, a édité près de 13 albums dont le dernier en 2017. Mais humble, il est resté attaché à son pays, auquel il a rendu de nombreux services. Il a d’ailleurs construit un complexe de jeux dans le village de Nongo, près de Conakry, avec un auditorium de 1500 places, deux studios d’enregistrement sophistiqués et un parc de loisir. Engagé dans la défense de l’Afrique, il a aussi donné des conférences dans des universités, pour faire la promotion des l’industrialisation culturelle, base du développement de la culture.
En 1994 lorsque le duo de techno allemand Hardfloor a créé un remix de danse de Yéké Yéké, Mory Konté a reçu un hommage et une renommée inattendus à nouveau. Ce tube immortel lui a permis également d’apparaitre en 2006 comme chanteur sur la sortie du DJ britannique Darren Tate, Narama. Kanté était parmi les meilleurs musiciens africains ̶ avec Tiken Jah Fakoly, Amadou & Mariam et le rappeur Didier Awadi ̶ qui se sont regroupés pour l’enregistrement de Africa Stop Ebola, une chanson offrant des conseils judicieux visant à sensibiliser à la crise virale. La chanson, sortie en novembre 2014, s’est vendue à 250 000 exemplaires, dépassant son caractère initial d’annonce à intérêt public. Tous les bénéfices ont été reversés à l’association caritative médicale Médecins Sans Frontières (MSF). En 2001, Kanté a été nommé Ambassadeur de bonne volonté de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Il a participé à la cérémonie de la Journée mondiale de l’alimentation de cette année au siège de la FAO à Rome, aux côtés de ses collègues chanteurs Majda El Roumi, Gilberto Gil et Albano Carrisi (qui ont également été nommés ambassadeurs).
Ali El Hadj Tahar

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