Accueil ACTUALITÉ «D’ICOSIUM à EL DJAZAÏR» : Deux mille ans d’histoire d’Alger en train...

«D’ICOSIUM à EL DJAZAÏR» : Deux mille ans d’histoire d’Alger en train d’être revisités

0

«D’Icosium à EL Djazaïr», c’est l’histoire millénaire d’Alger retracée de bout en bout par les archéologues algériens. De bouche à oreille, une épopée, celle dont peuvent s’enorgueillir les Algérois, mais aussi tous les Algériens, est en train d’être revisitée et contée par un travail d’archéologie à la fois minutieux et titanesque. Chaque débri retrouvé au cours des fouilles faites au niveau de la Place des martyrs (métro d’Alger) a du sens. Chaque mot représente une suite de sons ou de caractères graphiques qui, à son tour, est un témoin de nos richesses, qui fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui!

Rencontré, Kamel Stiti, archéologue et responsable de la fouille de la Place des martyrs, nous fait revisiter le travail de longue haleine mené par une équipe d’archéologues, sous la place des martyrs d’Alger, où git un héritage Amazigho-romain, un vieux quartier dénommé «Icosium».
Pour l’histoire d’«Icosium à Alger», elle recèle un trésor d’histoire riche de 22 siècles, devant être étudié et écrit. Le destin aura voulu que le livre d’histoire d’Alger s’ouvre au grand jour. Il retrace les grandes lignes de cette histoire et remet en question tout ce qui avait été pensé jusque-là et toutes les idées sociales reçues sur l’histoire de la capitale du pays. Sa découverte rappelle aussi combien les connaissances sur les origines des Algériens peuvent à tout moment refaire surface et apporter des détails minutieux susceptibles de faire éclore des non-dits. Pour notre interlocuteur, il est le responsable d’une équipe restreinte d’archéologues, la seule autorisée à consulter et à fouiller les vestiges historiques cachés sous la Place des martyrs.

Aux grandes lignes de l’histoire d’Alger
Dans le dernier document actualisé sur ce travail d’archéologie, dont nous détenons une copie, il était tout d’abord mentionné que l’actuelle Alger était une cité autonome dite «Royaume des Maures». La ville passera sous l’autorité du royaume de Juba 2 avant son annexion par Rome vers l’An 40 après J.-C. Elle devient alors une municipalité, sous le nom d’«Icosium», durant le règne de l’empereur Vespasien. «Icosium», comme toutes les cités d’Afrique du Nord, passe ensuite sous domination vandale (429-534), avant qu’elle soit reprise par les Byzantins.
Dans le même ouvrage, on pouvait lire que « les Béni Mezghenna refondent la ville vers 950. La ville d’«El Djazaïr» deviendra alors prospère grâce à son port et connaîtra son apogée à la période Ottomane entre 1510 et 1830. Elle s’impose enfin comme capitale de la colonie française (1830-1962), puis comme capitale de l’Algérie». En revenant à notre narrateur, par sa qualité d’expert en archéologie, il remonte jusqu’à l’année 2009. D’un ton de voix plein d’émotion, il explique que «l’emplacement de la place des martyrs est situé sur une zone à fort potentiel archéologique», et estime qu’«elle est aussi un gisement archéologique». «C’était sensationnel ! Ces vestiges de notre passé ont ressurgi sous nos yeux. Ils renferment plus de 22 siècles d’histoire», a-t-il ajouté.

Un quartier d’Icosium vieux de 2 000 ans
«Sa découverte est stupéfiante. Elle confirme que l’ancienne cité d’«Icosium», ancien comptoir punique, dont la localisation était supposée se trouver seulement sous la zone de la Marine. Elle était majestueusement encore plus grande que l’on croyait. Dans la seconde moitié du 2ème siècle apr. J.-C., la ville antique s’agrandit et un ilot complet de 60 m de long se met en place, détruisant au passage l’abside antérieure. Ce bâtiment est constitué de pavements et de mosaïques qu’un édifice très abimé par les sépultures postérieures, date de 4 siècles apr. J.-C.(344). Le tapis principal de cette mosaïque est compris entre les piliers. Elle sera restaurée avant d’être remise en place et présentée au public dans le futur musée», a-t-on expliqué dans l’ouvrage.

Retour aux premiers résultats de la fouille archéologique
«Comme les passionnés du domaine de l’archéologie le savent, et comme son nom le signifie, une opération de fouille archéologique a pour but de conserver une connaissance sur certains objets, devant se faire durant un aménagement du patrimoine. Mais ce que beaucoup ignorent, l’intervention des archéologues est souvent crainte par les aménageurs», c’est par ces mots que Stiti, tout en exhibant les vestiges exposés au public à la place des martyrs, explique pour dire : «On nous accuse souvent d’être des retardateurs contraignant l’avancée des projets. C’est difficilement acceptable !», a-t-il tonné ; histoire de montrer combien l’importance de l’archéologie va au-delà de ce que l’on pourrait bien réaliser sur le plan matériel. La raison dépasse le fait de dire que cette opération a été menée sur la zone de la basse Casbah d’Alger, classée comme patrimoine national, et inscrite en 1992 au patrimoine mondial de l’Unesco, donc érigée en secteur sauvegardé et dotée d’un plan permanent de sauvetage et sauvegarde.
Puisque, selon notre interlocuteur, la fouille archéologique préventive de la Place des martyrs est considérée comme l’une des plus importantes de ces dernières années dans le pays.

Qu’est ce que ce travail peut-il si bien apporter à l’histoire d’Alger et à celle des Algériens ?
«Les découvertes archéologiques de la Place des martyrs contribueront au développement du tourisme culturel de la fin du premier siècle d’avant Jésus-Christ, en passant par les époques byzantine et ottomane jusqu’à l’époque de la colonisation française», répond d’emblée, Stiti à cette question, en s’interrogeant davantage sur le «comment puis-je lire dans le passé?». Notre interlocuteur veut apporter son éclairage à tous ceux qui voudraient remonter dans le temps, à travers les objets retrouvés, dont la valeur culturelle vaut beaucoup plus que leur aspect matériel. Une obligation du reste que chaque spécialiste, dans l’étude des vestiges historiques ; doit assumer. «Épaulé par son équipe, un archéologue doit utiliser une méthode scientifique rigoureuse. Car, la démarche peut être « destructrice ». Puisque le moindre éclat d’objets peut être le dernier témoin d’un éclat d’âme, d’une technique, d’histoire et donc du patrimoine. Ce dernier est celui qui apporte la vérité», dit cet archéologue comme pour poser les premières règles d’archéologie et les méthodes auxquelles est astreint chaque homme du métier.
«Outre les résultats scientifiques obtenus, les découvertes seront le reflet pratique de la politique patrimoniale qui a pour but la protection du patrimoine culturel et la diffusion des connaissances», a-t-il défini le but d’un tel travail.

Du sauvetage archéologique à la fouille préventive
Sur la base des explications de Stiti, il est à noter que la fouille de la Place des martyrs a été l’occasion de mettre en œuvre et pour la première fois dans le pays, avec une telle ampleur, les techniques de la fouille préventive en zone urbaine. Cette opération a été réalisée en amont des travaux de génie civil. Elle a aussi suivi un planning spécial, après la modification du plan initial de la station du métro initialement prévue en R+2 sur 8000 m2. Dans ce sillage il nous précise que le plan de la station de métro de la Place des martyrs a été modifié après la prise en compte de l’importance et de la qualité des vestiges enfouis après des opération de sondage effectués en 2008». En revenant à l’opération de fouille, notre interlocuteur indique qu’«elle a été établie conjointement entre le Centre national de recherche en archéologie (CNRA), l’Entreprise du métro Alger (EMA), et a été également conduite par un groupement archéologique du CNRA et ceux français de l’Institut national de recherches archéologie préventives (INRAP), sur une surface de 3000 m 2». «L’opération de fouille a duré plus de 28 mois (de janvier 2013 jusqu’au mois d’octobre 2015)», continue Stiti, «du mobilier archéologique important a été ramassé (fragments de céramique, de verre, objets métalliques, ossement d’animaux etc.)», a-t-il souligné, pour faire savoir que le moindre éclat d’objets compte. Il ajoute que «chaque trace est un vestige. Donc, tout a été enregistré sous le numéro de l’unité stratigraphique à laquelle il appartenait (la couche dans laquelle il a été trouvé, ndlr). Par la suite, les fragments ont été déposée en caisses puis transférés vers le laboratoire de conservation et de restauration».

Et après la fouille?
Pour répondre à cette question, Stiti accepte de nous faire visiter le laboratoire du CNRA, situé à quelques mètres de la station du métro de la Place des martyrs. Il est dédié à la conservation et à la restauration du mobilier archéologique découvert pendant la fouille. «Dans cet endroit et sur la base de l’étude du mobilier trouvé et conservé» nous explique-t-il, «les archéologues sont en train de réviser les 22 siècles d’histoire de la ville». Tel qu’il nous l’a demontré, l’étude du mobilier découvert, vise à proposer d’abord une datation pour la couche archéologique dans laquelle il a été trouvé. Et cette datation s’effectue par comparaison avec d’autres sites du bassin méditerranéen où des objets semblables ont déjà été découverts.
« Un travail mal fait est la pire des taxes!». C’est par cette phrase qu’il mit l’accent sur l’importance de l’étape de conservation des objets trouvés. Puis, il nous explique que «les archéologues ont procédé à l’entame de l’opération de la dépose, le nettoyage puis au toilettage des objets ramassés du sol». Il continue ses dires ajoutant qu’«après les étapes ci-dessus, les archéologues ont procédé à l’assemblage du mobilier, pour leur permettre également d’interpréter les espaces fouillés».

Les vestiges découverts représentent une matière nouvelle pour l’archéologie et pour l’histoire de la ville d’Alger
Notre interlocuteur est aussi rédacteur des rapports sous formes de documents iconographiques et de catalogues de la totalité des vestiges mis à jour, qui sont en voie d’achèvement. Sur ces derniers (les rapports), Stiti nous affirme qu’«ils constitueront une première étape avant des publications scientifiques, qui constitueront des références à des travaux universitaires, destinés à approfondir certaines thématiques. Il est aussi envisagé que de jeunes étudiants puissent, dans le cadre de leur cursus universitaire, utiliser cette matière nouvelle».

Le musée de la station de métro promet de partager les profondeurs et l’histoire d’Icosium à El Djazaïr
Tel que nous l’a fait savoir Kamel Stiti, «plusieurs éléments découverts sont déjà prêts à être exposés au musée en relation avec l’actuelle station de métro de la Place des martyrs. Plus explicite, il affirme que « Ce dernier regroupera des vestiges significatifs de chacune des séquences historiques mises au jour, de la manière à ce que chaque visiteur plongera dans l’histoire de la ville.
Cela avant d’ajouter qu’«à cette fin, le futur musée en liaison avec le métro d’Alger de la Place des martyrs, ouvrira ses portes aux voyageurs, et abritera plusieurs éléments qui ont été laissés sur place, (les couches où ces éléments se trouvaient), à ce jour ; telle une fontaine d’époque moderne ou la mosaïque de la basilique, ont été déposés et seront également exposés après restauration». En attendant l’inauguration du musée, et selon notre narrateur, il est à noter que d’autres vestiges, comme l’atelier de ferronnerie, des moulages ont été réalisés pour être exposés au grand public.
Aussi, nous avons jugé important de revenir sur ces fragments découverts. Sont-ils, des «témoins» qui affirment le passage des hommes armés et vêtus en tenues qui appartenaient seulement à des civilisations passées, l’une après l’autre, sur ces terres des Maures? Pour savoir la réponse, ne ratez pas notre futur dossier, sur les résultats de la fouille de la Place des martyrs et qui, selon notre archéologue, «sont des preuves concrètes pouvant conclure et permettre de dire qu’Alger est loin d’être la Capitale pour l’Algérie.
La ville était la capitale de la Méditerranée !». Il nous révèle aussi que «toutes ces importantes découvertes montrent qu’Alger était une ville où les habitants vivaient tranquilles. Après l’alliance, les amazigho-romains avaient des belles maisons décorées de mosaïque, sous formes de «Domus, du latin féminin signifiant une maison». Au fait ce n’est pas tout. Nous allons remonter dans le temps pour vous parler d’un vase en céramique, vernissé contenant un trésor monétaire. Pour l’heure nous nous contenterons de vous dire que l’une des interprétations données à ce trésor monétaire suggère qu’«il s’agissait d’une preuve concrète du payement d’une rançon versée à des corsaires algérois aux alentours de 1630».
Mohamed Amrouni

Article précédentViolences faites aux femmes : Le Réseau Wassila organise une journée d’étude
Article suivantAprès avoir rejeté la revendication d’augmentation des salaires : Mohamed Aïssa face à la colère des imams