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Birdman est un éblouissant tour de force

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Le film d’Inarritu, qui détaille en profondeur les effets du show business sur la santé mentale d’un acteur-metteur en scène, est un éblouissant tour de force technique et artistique qui vient de triompher aux Oscars. Oubliez la bande-annonce, qui donne une fausse impression à la Brazil, avec son personnage principal évadé dans un monde imaginaire. Il y a un peu de ça, mais en substance, Birdman traite du sujet classique des rapports conflictuels de l’acteur avec la réalité, le tout dans un contexte très contemporain et sous une forme quasi expérimentale. On y suit Riggan Thomson, un acteur qui a connu son heure de gloire en jouant un super héros il y a une vingtaine d’années, et qui essaie de faire un come back en montant à Broadway une pièce de Raymond Carver. Ce qu’en fait Inarritu est bien sûr un film sur les acteurs : il y est question de célébrité, de sa nature éphémère, des illusions et des déceptions qu’elle occasionne. Plus généralement, il est aussi question de la douloureuse confrontation entre ambition et réalité, et aussi, comme l’indique la pièce de Carver qui est au centre du film, du besoin d’être aimé, avec tout ce que ça comporte de difficultés et de faux pas. Il y a aussi une dimension satirique qui permet à Inarritu de régler ses comptes avec la presse et le cirque médiatique en général. Mais il le fait avec lucidité et une certaine tendresse, sans l’ironie, les sarcasmes et la misanthropie d’un Robert Altman auquel on peut parfois penser (peut-être parce qu’Altamn a lui aussi adapté Carver). Pour coller à la nature très théâtrale de cette histoire qui se déroule durant les quelques jours précédant la première représentation de la pièce, Inarritu a conçu et écrit son film comme s’il se déroulait en temps en temps réel. Chaque scène est donc un long plan-séquence qui raccorde au suivant sans coupure apparente. Techniquement, ça a dû demander un travail d’équipe colossal, et particulièrement éprouvant pour les acteurs.
De ce point de vue, la distribution est impeccable. Michael Keaton était l’homme idéal pour incarner ce has been ravagé par le doute. En incarnant Batman pour Tim Burton il y a 20 ans avec un succès planétaire, il a contribué à lancer l’industrie du blockbuster de super héros. En tant que Riggan Thomson, il est présenté comme potentiellement fou, et Inarritu nous invite à partager ses hallucinations en nous donnant toujours des clés pour faire la part du vrai et du faux, même dans certains cas délicieusement ambigus, comme lorsque l’acteur principal de la pièce est victime d’un accident, que Thomson est persuadé avoir provoqué. Edward Norton joue un acteur plus jeune, très doué, mais incontrôlable et égocentrique, une menace pour Thomson qui n’en est que plus déstabilisé. On retrouve aussi Emma Stone, fille de Riggan qui sort juste de désintoxication et apporte un point de vue intéressant en révélant à son père avec une franchise cruelle que les mécanismes de la célébrité ont complètement changé avec les nouveaux réseaux sociaux. Elle est extraordinaire, et la mise en scène en plans-séquence lui permet d’exprimer en très peu de temps une stupéfiante variété d’émotions. A défaut de recourir au montage classique pour moduler le rythme du film, Inarritu a fait appel à un batteur qui donne la cadence des états émotionnels de Riggan. Cette solution purement musicale est une des nombreuses trouvailles de ce film extraordinairement stimulant, qui demande plus d’une vision pour être apprécié dans toute sa richesse.

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