Par Mohamed Abdoun
Les factions groupusculaires qui mènent campagne contre le quatrième mandat du président Bouteflika se sont encore une fois donné rendez-vous aujourd’hui, près de la Fac centrale. Mine de rien, donc, les meneurs de ce mouvement, qui n’a aucune chance de trouver le moindre ancrage auprès de la société algérienne, donnent l’air d’avoir parfaitement bien saisi la «leçon». Après le terrible fiasco du rassemblement de Bouzaréah, celui d’Alger-Centre avait semblé faire quelque peu recette. Le secret, en fait, n’était qu’un vulgaire… secret de Polichinelle. Place Audin, en fin de matinée, ce sont des milliers de badauds, d’étudiants, de flemmards, et autres joyeux et gais lurons qui arpentent et/ou empruntent ce boulevard passant. Sans doute, est-il le plus passant, le plus fréquenté et le plus populaire d’Alger. Il a donc suffi de peu, de bien peu même, pour que l’on confondît entre manifestants, aussi fort peu nombreux que lors de la première fois, et tous ces «figurants», qui en fait ne faisaient que passer. Il faut dire aussi que les policiers ont largement ?uvré à créer et à entretenir cette confusion. Pas mal d’innocents (ce qui ne veut absolument pas dire que l’on fût coupable, rien que pour avoir tenté de manifester contre un quatrième mandat en faveur du Président sortant), ont en effet été embarqués. D’autres citoyens, parfaitement neutres, se sont pris à sympathiser avec ce populo maltraîté, et méritant donc que l’on compatisse avec lui. Fort heureusement, la leçon donne, aussi, l’air d’avoir été comprise de l’autre côté. La «manif» d’aujourd’hui ne devrait donc pas être réprimée. Ils viendront. Seront quelques dizaines. Une centaine tout au plus. S’époumoneront à rejeter ce quatrième mandat sous l’?il amusé des badauds et, celui plus vigilant des policiers, avant de s’en revenir par où ils étaient venus. Avec le temps, au même titre que pour ces pathétiques sit-in de Saïd Sadi tous les samedis, ils finiront par revenir à leur anonymat. Certains d’entre eux comprendront même qu’il est pour le moins prétentieux et antidémocratique de s’arroger en tuteur du peuple, en prétendant décider à sa place de l’identité du futur président de la République algérienne. Certains de ces manifestants, les plus sincères d’entre eux en tout cas, comprendront même un jour qu’ils n’ont fait que servir ce même système qu’ils ont prétendu combattre. Disqualifier Bouteflika par la force, et ils l’auraient sans doute fait s’ils en avaient eu le pouvoir et les moyens, outre son caractère éminemment dictatorial, serait revenu à ouvrir une voie princière vers un candidat issu, lui aussi, du système, et qui n’a certainement pas l’intention d’y changer la moindre chose. En plus clair, cette poignée de manifestants tronque les vrais débats en en créant de faux. Verse carrément dans ce que l’on appelle de l’agit-prop. L’Algérie, qui a vécu son printemps il y a de cela plus d’un quart de siècle, ne retombera certainement pas dans les mêmes travers et drames qui en avaient résulté, et qui sont aujourd’hui le lot quotidien de plusieurs pays arabes et voisins, touchés de plein fouet (mais bien trop tardivement pour certains) par leurs propres printemps. Chacun a le printemps qu’il peut, et non pas celui qu’il veut. Triste loi de la nature darwinienne pour qui la sélection ne fait pas que des heureux. Non plus que des malheureux, au reste. La démocratie suppose que l’on donnât automatiquement le pouvoir à la majorité, mais dans le strict respect des droits de la minorité. Eh, bien, c’est le peuple qui décide de qui est minoritaire et qui ne l’est pas. La démocratie en Algérie, très affectée par ces terribles années de sang et de larmes, suivies par les actuelles, faites de rapines et de corruptions, n’est peut-être pas parfaite. Elle ne permet pas de s’exprimer librement, ni de manifester. Elle place des commis de l’État au-dessus d’élus, dûment choisis par leurs électeurs. Elle ne permet pas non plus à la justice de s’émanciper, d’agir en toute indépendance, et d’être rendue au nom du peuple algérien, de lui, et de lui seul. Mais elle n’en est pas moins là. Acquis chèrement payé dont ce serait pure folie de se départir comme ça, du jour au lendemain. Sans aller jusqu’à dire qu’il faut faire avec, il faudrait songer à ce que les améliorations se fassent graduellement, en douceur. La stabilité du pays en dépend. Avis !
M. A.