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Aïn Bessem et Sour El Ghozlane : deux villes si dissemblables et pourtant si complémentaires

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Brosser un tableau de deux villes voisines, mais si différentes l’une de l’autre, comme Aïn Besseem et Sour El Ghozlane, est une entreprise tentante, mais-ô combien-difficile ! D’abord tout les oppose : leur passé, leur économie, leur culture, leur climat! Et puis, en cherchant bien, en examinant ce qui différencie, en comparant les traits essentiels, on en arrive à des rapprochements étonnants. C’est le but de ce voyage inter daïras. A quel moment de son voyage, l’étranger qui emprunte la RN18 pour se rendre de Bouira vers Aïn Bessem remarque-t-il que le nouveau tracé se sépare de l’ancien ? A moins de disposer d’une carte qui mentionne spécialement ces aménagements ou d’un guide connaissant parfaitement la région, il passerait à côté de ces changements intervenus le long de cet axe sans rien remarquer.

Mais avec une carte ou un guide, il remarquerait que, depuis, qu’il arrive à hauteur du quartier Harkat, à la sortie ouest de la ville, il a laissé une route moins large sur la gauche. Celle-ci va courir en serpentant jusqu’à l’ancienne ferme Bastos avant de venir se confondre avec le nouveau tracé ou le nouveau tracé avec elle. Puis, jusqu’à Aïn Bessem, rares sont les points où les deux routes se séparent.Le projet, cependant, a permis d’économiser du temps, puisqu’il a rapproché de quelques bons kilomètres les villes de Bouira et de Aïn Bessem, ainsi que les deux villages, Aïn Laloui et Aïn El Hadjar, qui se trouvent entre elles. Il a, en plus, permis d’éliminer les nombreux virages dont certains étaient très dangereux et causés de nombreux accidents mortels. Au voyageur étranger, il offre des vues assez pittoresques comme les rives boisées et pleines d’ombres de oued Lakhal qui court, lui aussi sur la gauche jusqu’à ce que le terrain commence à s’élever, passé le village de Aïn Laloui. Mais il y a aussi de riches plaines et de belles collines à droite et à gauche qui ne laisseront pas l’observateur indifférent.La seconde question a également rapport au transport.
A quel moment de son parcours, le voyageur étranger, sans carte et sans guide, note la présence de talus sur sa droite qui court, avec de longues interruptions de Sidi Ziane jusqu’à l’entrée de Sour El Ghozlane ? Dès l’ancien barrage de la police. Mais quand reçoit-il la confirmation qu’il s’agit de travaux réalisés par l’homme et non d’élévations de terrain naturelles ? Incontestablement avant l’entrée du village Saïd Abid, à michemin de Aïn El Hadjar et de Bouira qui en est, cependant, le chef lieu de commune. Là un pont en fer enjambe Oued Garès qui coule aux pieds des premières maisons. Un bout de chemin renseigne sur sa nature. C’est une voie ferrée ! De fait, au début du siècle précédent, peut être vers les années 20, les localités se trouvant entre Sour El Ghozlane et Bouira étaient desservies par le transport ferroviaire. Mais c’est à deux ou trois km de l’entrée du Mur des gazelles que l’on peut admirer le plus bel ouvrage d’art de toute la région, excepté le nouveau viaduc de Oued Rekham, dans la commune de Djebahia, construit il y a quelques années sur l’autoroute est- ouest. Ce passage aérien soutenu par plusieurs piliers en pierres taillées s’élance dans le vide sur deux ou trois cents mètres avant de retrouver le plat. C’est une merveille offerte aux yeux curieux des voyageurs de l’époque, qui prenaient le train autant par nécessité que par plaisir.

Une complémentarité sans complicité
Le contraste entre ces deux villes voisines séparées quand même par une vingtaine de km de plaines, de collines et de forêts. Mais alors que Sour El Ghozlane est située dans les Hauts Plateaux et bénéficie du programme du même nom, Aïn Bessem est au milieu de plaines fertiles, les Arribs qui s’étendent sur quelques 3 000 hectares. Ces terres à haute valeur agricole favorisent la culture du maraîchage, mais aussi et surtout la céréaliculture. Ce sont des tonnes de blé ; ce sont des tonnes de maraîchers ; ce sont des tonnes de viandes rouges et blanches qui sont produits ainsi chaque année. Mais alors si une telle richesse, à laquelle il faut, pour être complet, ajouter des tonnes de raisin quand le 1/3 peut être des terres étaient des vignobles, justifiait le passage du train dans la région, qu’est-ce qui faisait alors qu’elle aille plus loin ? Eh bien d’abord que serait cette richesse elle-même sans les monts de Dirah qui ceinture Sour El Ghozlane, dont les sources vives alimentent le barrage de Oued Lakhal? Mais Sour El Ghozlane ne donne pas seulement l’eau de ses montagnes. Elle donne son pétrole. Dirah serait une éponge dégoulinant d’or noir ! Notre visite sur les lieux, nous a permis de juger de l’abondance de ce combustible qui émerge à l’air libre, comme en témoigne Oued Gatrini. Mais la ville des Gazelles fournit ses toisons de laine, son lait et sa viande de mouton, ses burnous et ses tapis.Aujourd’hui, les deux villes, longtemps divisées par une rivalité entretenue par leurs deux équipes sportives, se découvrent un destin commun qui est d’être complémentaires l’une de l’autre pour réussir leur décollage économique. C’est pourquoi, si le transport ferroviaire a été abandonné depuis bien longtemps, le transport par camions a pris une dimension sans égal dans les annales de la région. Nuit et jour, le CW127 qui relie Sour El Ghozlane à Bouira par El Hachimia, et les RN18 et 8 qui relie cette ville, la plus romaine par son passé de toutes les autres villes de la région à Aïn Bessem et Bir Ghabalou montrent l’importance des activités développées dans cette région et les échanges qui se font entre les villes et les villages voisins. Aujourd’hui, eu égard au développement économique local, on parle de réhabiliter le trafic ferroviaire.Cette communauté de destin créait, ainsi que nous le disions, une complémentaire, non une complicité. Quoi que solidaires économiquement, les deux villes restaient culturellement fortement opposées.

De la cité des arcades…
A Aïn Bessem le dépaysement ne se fait que graduellement et seulement lorsqu’on arrive sur la place publique. Mais alors que l’on entre en ville par l’est ou par l’ouest, on aura parcouru la rue Colonel Si Lakhdar sur une bonne moitié. On est soudain pris d’un sentiment d’étrangeté : on se croirait, en effet, que l’on se trouve dans une ville du Mzab. Des deux rues latérales qui encadrent la place et le jardin public, à côté, part une longue rangée de colonnes et d’arcs de triomphes, abritant des commerces ou des cages d’escaliers menant au premier étage où se trouvent les habitations. Ce sont les fameuses arcades. Elles sont si anciennes qu’on ne saurait leur donner une origine exacte. Des travaux de restauration ont été entrepris pour leur donner leur aspect et leur éclat d’antan. Mais Aïn Bessem, c’est aussi le glacis, cet espace aménagé aujourd’hui en jardin public pour faire pendant à l’autre qui est fort ancien, puisqu’une église s’y élève avec sa flèche toute droite pointée vers le ciel. A la sortie nord ouest, en allant vers El Khabouzia, on change d’époque et de décor. On plus dans une ville du Mazab. On est dans un hammam turk avec ses colonnes torsadées et ses portes ferrées et cloutées. Mais c’est du côté des docks qu’on se sent transporté vers ce temps où le train de marchandise s’arrêtait le temps de prendre livraison du blé, des légumes et des fruits des jardins, à l’est de la ville. Là devait se trouver la gare, disparue avec le temps. Si on pousse, plus là, qu’y voit-on ? Le fameux pressoir et ses cuves géantes. Toute la récolte de la région aboutissait ici. Seul subsiste aujourd’hui le matériel auquel la rouille donne cette couleur lie de vin qui se confond avec la peinture dont il était enduit. Une montagne de marc n’en finit pas de suinter depuis qu’on l’a laissée là.Il y a peu, la minoterie, capable de rivaliser d’importance et de modernité avec celle de Bouira a fait oublier le pressoir géant, et comme autre fois le raisin, une partie de la récolte céréalière aboutit là. Il y a même une fête de la moisson qui se tient depuis des décennies dans cette ville ou les villages voisins sis dans la plaine des Arribs.Mais Aïn Bessem, c’est aussi le sourire de ses maisons basses en tuiles rouges, ses rues larges et propres, ses érables vénérables qui ombragent sa principale rue, ses cafés où l’on sert le thé rouge, ses restaurants où l’on se sent en appétit avant même d’en franchir le seuil, ses magasins aux vitrines si brillantes la nuit, ses lampadaires bien alignés et la douceur de son climat qui fait penser parler au printemps en hiver, et à l’automne en été.Mais que seraient toutes ces marques d’hospitalité à côté de ce rendez-vous hebdomadaire qui a lieu chaque vendredi et qui fait de la ville un carrefour d’échanges pour toute la région et qui fait décupler leurs volumes ? Cela aussi fait partie de la tradition et de la culture de la ville, bien qu’on discute plus affaire que culture.
Enfin, qui, ne la connaissant pas, se serait douté que cette ville, que ses terres arables rendent si prospère, touche par un bout à une autre située sur Les Hauts Plateaux ? ‘N’était-ce pas un miracle que le désert ait abandonné la partie aux murs de Sour El Ghozlane ? Ce miracle aurait alors pris la forme des montagnes de Dirah qui se dressent entre elle et le désert, brisant net sa progression.

…à la cité aux armes ducales
Contrairement à sa voisine, Sour El Ghozlane est non seulement aux portes du désert, maiscoeur de l’antiquité. Les pierres taillées comme des Sphinx et comportant des inscriptions latines sont alignées le long de l’entrée de la ville. Avant de quitter la RN8 qui file droit vers Sidi Aïssa et Boussaada et de bifurquer à gauche, vers la ville par une rue en pente, le visiteur, jette un œil curieux sur ces objets d’art latin datant de l’époque romaine.
Mais que racontent ces inscriptions ? D’après Jean Parès, une sorte de chercheur et d’écrivain qui a consacré à SEG une historiographie, et qui avait, vers le début du siècle dernier, sa maison que les touristes peuvent voir en face des anciennes Galeries Algériennes, d’après cet ancien français, ces pierres racontent l’Histoire de la ville au temps où elle était romaine et portait le prestigieux nom d’Auzia. C’étaient les guerres, surtout celle livrée au fameux rebelle Takfarinas, les victoires sur l’ennemi et les fêtes auxquelles elles donnaient lieu.Si le visiteur ne connait pas le latin, il lui suffit de faire le tour de la ville pour se rendre compte que peu de choses le séparaient en fait de ce temps où les rues grouillaient de cohortes romaines, de dames de la haute société et de chars transportant les marchandises pour approvisionner la ville en toute sorte de produits. Le mur en pierres de taille avec ses bastions aux quatre coins, ses entrées monumentales en forme d’arc de triomphe, ses maisons de pierres, ses rues étroites et dallées… rien ou si peu, en définitive, n’a changé. Il (le touriste, naturellement) peut quand même sortir de cette époque et se rendre à la mairie où l’institution populaire portait alors le nom d’hôtel de ville et lire la date de sa construction : 1884. C’est, avec l’hôpital et le siège de la daïra, les premières réalisations qui ont précédé le reste de la ville. Celle-ci a porté, durant tout la période coloniale, le nom du duc d’Aumale. C’est peut être pour cette raison que l’on voit, surmontant fièrement son fronton, une couronne ducale faite avec du ciment et du plâtre, ainsi que les armes de ce duc qui a servi comme général en Algérie. De Gaulle, en venant à Alger, en 58, aurait passé la nuit, au siège de la daïra, quand disait alors sous préfecture, aux dires de l’un de ses anciens responsables.La présence ottomane dans cette ville qui n’a guère évolué sur le plan urbain, sinon en dehors de son enceinte, n’est attestée que par la mosquée, à l’entrée nord, dite Porte d’Alger. Il y en a trois autres : Porte de Sétif, à l’est, Porte de Boussaada, au sud, et Porte de Médéa, à l’ouest. La ville se développe à l’est avec la cité le génie et d’autres nouvelles cités, et à l’ouest sur les collines, du côté du Lycée Ghazali, le plus ancien de la wilaya. Si le cœur en dit aux touristes, ils peuvent sortir de la ville et relever à l’est les traces de ce qu’a été le théâtre romain, au pied de la ville, mais plus loin, du côté d’El Hachimia,les vestiges d’un relais datant du temps des romains, et pris à tort, pour le tombeau de Takfarinas. L’ancienne ministre de la culture y a fait le déplacement dans le souci de le restaurer, ainsi que le mur d’enceinte de la ville. A l’ouest, ils peuvent suivre à la trace l’aqueduc dont il reste encore quelques piliers debout et ce jusqu’à la source à laquelle l’ouvrage hydraulique aboutissait, très loin et très haut sur le mont de Dirah.On ne voit plus de gazelles qui ont donné leur nom à la ville, mais, la nuit, les chacals doivent hurler toute la nuit quand la neige couvre les sommets et que la faim les tenaille.
Fiers de leur passé qui fait remonter leur ville à l’antiquité, les habitants de Sour El Ghozlane ne le sont pas moins de son présent et de son avenir qu’ils préparent activement. Nous avons parlé de son agriculture, de la nouvelle ville qui s’installe aux portes de l’ancienne, avec ses commerces ses structures établissements publics, ses larges rues, ses transports, sa police. Il nous faut ajouter ses deux grandes usines : la cimenterie et la fabrique de détergents qui par leur envergure ont des dimensions nationales. Elles sont situées sur le CW127, avant le col de Becouche, la première, à gauche, avec son éternel panache de poussière blanche que les filtres tentent de capter, et la seconde, à droite. Les carrières d’agrégats ont longtemps menacé ses sites. On n’en voit plus aujoud’hui. Mais la cimenterie grignote la montagne, à l’est, et les jours où la charge de dynamique est forte, c’est toute la région qui est ébranlée aux heures où l’on fait éclater la roche…
Ali D.

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