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Afghanistan : La falaise des Bouddhas de Bamiyan rongée par le changement climatique

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Déjà fortement abîmés ou détruits par les talibans et la guerre, ces symboles du patrimoine archéologique afghan souffrent aujourd’hui de l’érosion et menacent de s’effondrer.

En 2001, les talibans ont détruit à la dynamite deux des Bouddhas géants de Bamiyan. Il n’en reste que les niches qui abritaient les statues de trente-huit et cinquante-cinq mètres.
En 2001, les talibans ont détruit à la dynamite deux des Bouddhas géants de Bamiyan. Il n’en reste que les niches qui abritaient les statues de trente-huit et cinquante-cinq mètres.
Après la guerre, les dynamitages talibans et les pillards, les trésors archéologiques de la province afghane de Bamiyan souffrent de l’érosion galopante due au changement climatique. Ces structures «risquent de s’effondrer et pâtissent d’une érosion sévère», a averti l’État afghan en 2016 dans un rapport de l’Unesco.
Le phénomène, dont l’impact sur le site de Bamiyan, pourtant inscrit au Patrimoine mondial de l’humanité, n’a été relevé qu’en 2013, est directement lié au changement climatique. Vue de la ville, la falaise rose des Bouddhas de Bamiyan, détruits par les talibans en 2001, paraît intacte avec sa multitude de grottes qui abritaient jadis de petits temples, statues et cellules de moines. Face à elle, les restes de la forteresse de Shahr-e Gholghola, perchée depuis le VIe siècle sur une colline veillant sur Bamiyan, survivante du passage de Gengis Khan six cents ans plus tard. À l’Est, c’est Shar-e Zohak, citadelle gardant l’accès à la vallée de cette province centrale d’Afghanistan, et dont les briques crues, couleur de cacao, fondent lentement dans la roche sableuse qui leur a donné vie.
«Les processus d’érosion sont beaucoup plus rapides, les pluies plus dévastatrices et l’érosion éolienne plus importante, ce qui a un impact extrêmement fort sur les sites», explique à l’AFP Philippe Marquis, le directeur de la Délégation archéologique française en Afghanistan. Ce spécialiste, qui explore la région depuis des décennies, souligne que l’Afghanistan «est très fragile sur un plan géologique, d’autant plus que le couvert végétal a beaucoup diminué» sous l’action de l’homme. Une entreprise française d’imagerie, Iconem, a ainsi étudié Shar-e Zohak, concluant selon l’archéologue que «les destructions dues à l’érosion ont considérablement augmenté ces trente dernières années».

«Héritage culturel»
Ce changement climatique n’a pas échappé à Baqe Ghulami, vingt et un ans, un agriculteur du district de Saikhand (Nord), venu admirer la falaise des Bouddhas après un passage au bazar de la ville. «On a vu le temps changer ces dernières années. Maintenant les étés sont plus chauds et les hivers plus rudes», remarque-il. Il regrette amèrement la perte des Bouddhas, deux géants de trente-huit et cinquante-cinq mètres, pulvérisés méthodiquement. Pour son ami, Habibullah, peu importe que ces «idoles» vomies par les talibans aient «été construites par une autre religion, c’est notre histoire». Et un objet de fierté pour tous les habitants. Comme Rubaba, étudiante de 19 ans, qui revendique le lieu comme «notre héritage culturel». Depuis les grottes vides, on voit bien de l’autre côté de la ville le futur Centre culturel, qui n’en finit pas de voir le jour depuis son lancement en 2015. Le projet architectural, placé sous le signe de «la présence éternelle de l’absence», permettra peut-être d’ici un ou deux ans d’initier ses visiteurs à la nécessité de conservation de leur héritage.
«C’est bien d’avoir des visiteurs, mais il faudrait des guides, de l’information», explique Ali Reza Mushfiq, vingt-six ans, directeur du Département d’archéologie à l’Université de Bamiyan. À commencer par celle de ses étudiants, qui manquent de livres, et leurs professeurs d’un accès internet, dans cette province pauvre et difficile d’accès. L’archéologue admet volontiers que «l’érosion s’accentue», mais selon lui le plus grand danger est «l’influence humaine sur le site», également menacé par les pillards, très actifs en Afghanistan. Les bouddhas et la forteresse de Shar-e Gholghola sont désormais gardés. Cette dernière, nettoyée des mines et sommairement aménagée, a vu 2500 visiteurs défiler sous sa tour solitaire rongée par le temps et les éléments.

«Détruire les sites»
«Il faut aussi apprendre à la population locale comment ne pas détruire les sites», constate M. Mushfiq, tout en pointant du doigt les gens utilisant d’anciens petits temples ou cellules de moines «pour parquer des animaux ou entreposer du fourrage».
À deux pas de la grotte du grand Bouddha, au pied de la falaise constellée d’ouvertures, Ammanullah trente-sept ans, charrie des gravats dans une brouette. Il habite une de ces maisons faites de bric et de broc, avec des feuilles de plastique en guise de fenêtres. Il a vécu dans une grotte où ses parents, réfugiés, avaient trouvé un abri. Avant de construire sa maison. D’autres ont étendu la leur à partir d’une ancienne cellule de moines.
«On est dix-huit familles ici, sans droit de plus rien construire, et sans qu’on nous propose autre chose», explique-t-il. Il y a l’eau courante, mais l’électricité vient de petits panneaux solaires individuels. Avec ses voisins il habite une zone censée avoir été vidée de ses occupants. «On partirait si on nous donnait une maison», assure Ammanullah.
Philippe Marquis ne minimise pas l’impact de la pression urbaine, de l’insécurité et du pillage sur la préservation des sites. Mais «même si c’est dramatique, ça l’est beaucoup moins que les destructions dues à l’érosion, avec des sites qui ont complètement disparu», observe-t-il.
Et de citer son exploration d’un fort dans le couloir de Wakhan, une vallée de haute altitude dans le nord-est du pays, que le changement climatique risque de rayer des cartes: là-bas, «si on ne bouge pas, il ne restera rien dans dix ans».

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