Pour le membre du bureau politique du Mouvement de la société pour la paix (MSP), la matrice du terrorisme de Daech, les idées du wahhabisme. «Nous devons les affronter avec clairvoyance, et d’une manière pertinente», indique Abderrahmane Saïdi, dans cette deuxième partie de l’entretien qu’il nous a accordé.
Déclarant qu’il faut «revisiter le patrimoine islamique», précisant que ce travail n’est pas une mince affaire, et que «des efforts considérables» sont à consentir, notamment en matière «de rénovation et d’assimilation critique». Plus loin, il évoque sa lecture qu’il fait sur certaines questions marquant l’actualité de la scène arabe, Libye, Sahara occidental, Yémen et la Syrie.
2ème partie et fin
La scène arabe fait face à la menace du terrorisme de Daech, notamment certains pays, dont l’Algérie, et nous savons que la lutte contre le terrorisme des services de sécurité ne suffit pas, à elle seule. Celle-ci devant être soutenue par le combat contre sa matrice, le wahhabisme, laquelle empoisonne les esprits des jeunes dans ces pays, y compris de nos jeunes algériens, s’avère plus que nécessaire.
Nous ne pouvons pas éradiquer, effectivement, ces groupes extrémistes de terroristes criminels, uniquement par la lutte des services de sécurité, que ce soit chez nous ou ailleurs, il faut s’attaquer à la source. Je m’explique, tant que nous ne nous attaquons pas aux idées el-kaïdiaya ou el- fikriya du wahhabisme, à l’origine de ce terrorisme, celui-ci continuera à sévir. D’ailleurs, même si l’on arrive à réduire sa nuisance et ses capacités à travers seulement la solution sécuritaire, l’idéologie de Daech continuera à subsister. Il faut qu’on revisite le patrimoine islamique, et nous devons consentir un effort considérable, de rénovation et d’assimilation critique. Car, de mon côté, je considère que toute œuvre, contenant les idées extrémistes et archaïques, et n’ayant pas été ajustées, continuera à nourrir les esprits non avertis, et, par conséquent, il y aura toujours les Daechs. De nos jours, il n’est plus question de la parole de Dieu ou du Prophète (QSSL), chez les gens, ces derniers parlent de tel ou tel autre a dit, en se référant exclusivement au contexte historique des faits, sans aller dans le fond. Je vous cite l’exemple de ceux qui apprécient notre temps, en se référant au contexte, pour ne citer que celui de la période des Tartars et les discordes historiques du passé la communauté musulmane.
Qui est derrière l’alimentation de cette conception rétrograde ?
Dans le monde arabe, il existe des régimes qui parrainent et portent cette idéologie archaïque, notamment à travers la reproduction et la diffusion d’ouvrages, sans valeurs notables, lesquels étaient méconnus de leur temps, comme c’est le cas aussi pour certains oulemas. Alors, comment et pourquoi, on assiste, de nos jours, à la mise en avant, de ces ouvrages, occupant la première place lors des foires des livres, au Caire, à Alger et aux Salons internationaux. Comment ceci est possible ? Qui est derrière la machine, de la reproduction et la commercialisation de ces ouvrages ? Il y a des moyens financiers considérables et certains régimes qui sont derrière toute cette chaîne ne lésinent pas, à ce niveau. Alors que dans le contexte général du monde arabe, le courant wahhabite est largement minoritaire et marginal, mais celui-ci a pris des proportions dans son influence au regard des moyens qu’il mobilise, à des fins politiques mais aussi, géopolitiques. Alors que ce courant se manifeste dans, certains ouvrages, programmes d’enseignement et dans les médias, notamment les chaînes satellitaires.
La majorité de celles-ci, disposent de financements colossaux, dépensés par l’Arabie saoudite, les tenants du wahhabisme, alors que le courant El-Wasati et modéré, celui qui rassemble la majorité, combien dépense-t-il et dépense-t-on pour lui ? Un fable apport.
Quelles sont les parties qui doivent s’impliquer, selon vous ?
Chez nous, à titre d’exemple, quand j’écoute le ministre des Affaires religieuses parler des idées de l’extrémisme et leurs menaces sur notre pays, et d’un autre côté, il avance, que l’Algérie a réussi à vaincre ce courant extrémiste, qu’en est-il de l’approche politique, il y a problème. De mon point de vue, ces questions doivent êtres traitées par des experts spécialisés.
Ne pensez-vous pas que c’est aussi aux acteurs politiques de mener ce combat ?
Nous sommes tenus d’affronter les idées du wahhabisme, par une approche, visant des objectifs fixés et la mobilisation de moyens, pour que nos repères, notre patrimoine religieux, et nos référents rituels, El-Maliki, la tolérance ouverte sur les autres rites, El-Ibadi, le vivre ensemble, notre culture, qui nous rassemble, nous n’avons pas de diversité religieuse et les droits des chrétiens garantis dans la loi. Et si je tiens à souligner que je ne suis pas contre l’invitation des oulemas, je pense qu’il faut, en premier lieu marquer de la considération d’abord à nos propres oulemas. Et je me permets aussi de dire que des responsables dans le secteur des affaires religieuses ne sont pas à la hauteur des défis. Je dirais même, de nos jours, que ce secteur relève de la défense du pays, et s’inscrit dans le cadre de politique de défense nationale, comme ça devrait être aussi le cas pour le secteur de l’Éducation, l’ensemble en soutien au rôle que joue l’institution militaire dans la défense et la sécurité de l’Algérie.
Nous savons où nous a mené, «le slogan : nous avons libéré cette Mosquée ou telle» dans les début des années 1990, il ne faut pas laisser ces espaces livrés à des jeux dangereux, et il ne faut pas aussi que le traitement des idées extrémistes soient par l’extrémisme et pour l’acteur politique, les choses et les règles doivent être claires. Par ailleurs, quand j’entends le responsable du secteur des affaires religieuses déclarer, que près de 4 500 mosquées sont en dehors de son contrôle. Est-ce qu’il s’agit de manque d’orientation religieuse ou de gestion administrative ? Et si celle-ci est assurée, est-ce ceci suppose que la Mosquée est gérée, ou en est-on de la gestion du spirituel, de l’esprit et aussi de l’enseignement du Fikh, en sont le plus important. On a vu quiconque s’adresser aux fidèles dans les mosquées, alors qu’il peut s’agir, d’un takfiri ou d’un wahhabite. Il faut affronter ces défis avec clairvoyance et d’une manière pertinente, il ne faut pas tomber ni dans l’alarmisme ni négliger les dangers qui pèsent sur notre pays.
La situation en Libye demeure préoccupante, après même l’installation du gouvernement de Serraj à Tripoli, le problème de la migration, l’implantation de daech et le risque d’intervention étrangère, dans ce pays, pour lutter contre le terrorisme, demeure d’actualité ? Quelle est votre lecture ?
La position de l’Algérie sur la Libye est celle de notre parti, le MSP. Nous pensons que les solutions ne peuvent être que politiques, et par conséquent par un dialogue entre les frères libyens, et non pas par la voie des armes. Le retour des Libyens à la vie institutionnelle, ne serais-ce pour une période transitoire, est la seule voie à même de sortir leur pays de sa situation chaotique, et à la communauté internationale de les soutenir et les accompagner. L’effondrement des institutions dans ce pays a ouvert la voie à l’implantation des terroristes de daech, comme ce fut le cas en Irak, et ce qui se passe en Syrie, et daech ne subsister que grâce à l’absence d’institutions et du pouvoir de l’autorité de l’Etat. L’effondrement des institutions et de l’Etat permet à daech d’installer et d’ériger des bases pour sa guerre terroriste contre le monde.
L’intervention étrangère est une catastrophe et aggravera davantage la situation, et je dirais que l’occident n’est pas sincère dans son approche. Tactiquement, il prône son soutien à la solution ou au processus politique, mais pas stratégiquement, car il a d’autres calculs, il manque de réelle volonté politique, pour venir à bout des problèmes et conflits. La Palestine est le cas le plus flagrant, plus récemment le Yémen, la Syrie, pour ce dernier pays, ce n’est qu’avec l’entrée sur la scène de Moscou, que la voie pour une solution a été lancé ; GenèveI,II et celle en cours.
Le Maroc persiste dans sa fuite en avant, pour faire perdurer sa colonisation au Sahara occidental, en expulsant, mars dernier, le personnel de la mission de l’Onu des territoires sahraouis occupés, il s’est opposé à la visite de Ban-Ki-moon SG de l’Onu, celui-ci a rendu son rapport et le Conseil de sécurité se penche sur la question. Le Front Polisario n’écarte pas la possibilité de la reprise de la lutte armée si le Conseil de sécurité n’assume pas ses engagements ?
Le Maroc a choisi et a opté pour l’escalade, car faut-il le noter, il se sent encerclé sur le plan international, notamment après que le secrétaire général des Nations unies a rappelé la nature du conflit opposant le Front Polisario et le Maroc sur le Sahara occidental, en indiquant que la présence marocaine dans les territoires sahraouis est une occupation. Quand le Maroc procède à l’expulsion des territoires sahraouis qu’il occupe, du personnel de la mission des Nations unies pour l’organisation du référendum au Sahara occidental (Minurso), c’est que Rabat remet en cause le cessez-le-feu et l’organisation du référendum d’autodétermination du peuple sahraoui.
C’est-à-dire que le Maroc veut revenir à la case de départ, celle d’avant 1991, et à ce propos, certaines parties dans le monde cherchent à pousser sur cette voie, et Rabat et des parties dans le monde cherche à déstabiliser l’ensemble de la région. Le Font Polisario, qui est un mouvement de libération légitime du peuple sahraoui, ses aspirations à l’indépendance sont conformes à la légalité internationale et il s’est pleinement inscrit sur la voie du règlement pacifique de la question de décolonisation du Sahara occidental, et le Conseil de sécurité est appelé outre a assumer ses responsabilités, en rappelant à l’ordre l’occupant marocain et par la tenue du référendum d’autodétermination du peuple sahraoui.
Entretien réalisé par Karima Bennour