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Abderrahmane Mebtoul : «Sonelgaz ne fixe pas le prix de l’électricité, n’a pas de stratégie propre sur les grands choix»

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Le Courrier d’Algérie : Sonelgaz s’apprête à présenter son rapport annuel et des comptes sociaux consolidés 2014 des sociétés du Groupe, au moment où l’entreprise subit les contrecoups des créances impayées et des subventions des grands projets dans son programme d’investissement. Comment voyez-vous la situation du Groupe?
Abderrahmane Mebtoul : Selon le rapport de Sonelgaz 2014, le contexte de croissance forte de la demande exige en permanence la mise en service de nouveaux moyens de production, soit près de 2 000 MW par an pendant dix ans et 2,5 à 3 milliards de dollars d’investissements chaque année. Ces cinq premières années verront la réalisation de centrales dont la puissance est largement supérieure à la puissance installée en Algérie en près de 50 ans. Le plan de développement 2013 – 2017 consiste en la mobilisation d’une capacité totale de l’ordre de 18 344 MW, soit une moyenne 3 669 MW par an. Dans ce plan, les énergies renouvelables sont intégrées à hauteur de 40%. Dejà en juin 2012, le P-DG de Sonelgaz avançait un programme de 80 milliards de dollars, outre l’investissent neuf dans les turbines à gaz, une fraction affectée au développement des énergies renouvelables et une autre pour la promotion de l’efficacité énergétique. Ces projections de Sonelgaz ont été faites avant la chute des cours depuis juillet 2014, Sonelgaz devant privilégier dorénavant le marché bancaire. Pour les énergies renouvelables, il existe un débat qui ne fait pas l’unanimité des experts en Algérie soulignant que l’environnement économique et administratif est contraignant. Ainsi, il est peu probable que l’Algérie arrive à construire un environnement adéquat pour produire 40 pour cent de son énergie à partir de sources renouvelables à l’horizon 2030, objectif annoncé par le minsitère de l’Energie. A cet environnement, s’ajoutent les pesanteurs politiques où Sonelgaz ne fixe pas le prix de l’électricité, n’a pas de stratégie propre sur les grands choix, ne peut décider seule de ses investissements et ne dispose pas de marge de gestion, en raison du poids de la tutelle. La décision finale relève surtout du politique. Rappelons que l’ancien projet Desertec, qui devait mobiliser 500 milliards de dollars, pour alimenter l’Europe en énergie solaire à partir du Sahara, a été accueilli au départ avec une certaine hostilité par Sonelgaz puis un autre discours du ministère de l’Energie et Sonelgaz plus conciliant, des experts ayant alors critiqué la décision de Sonelgaz de rester à l’écart d’un projet d’une telle ampleur.

– Pourquoi une situation financière négative de Sonelgaz ?
– Premièrement, selon le P-DG de sonelgaz, la trésorerie accuse un déficit énorme. Le déficit de la trésorerie de l’entreprise est de 80 milliards de DA qui a été comblé par des emprunts. Si cette situation devait continuer, soit l’Etat donne une subvention d’exploitation, soit il augmente les tarifs». Sonelgaz propose de procéder par étapes en augmentant, dans un premier temps, la tarification pour les industriels qui consomment près de 20% de la production nationale, la clientèle haute tension, achetant son énergie à 2,2 DA alors que le coût de revient est à 3 DA».Toujours selon le rapport de Sonelgaz de 2014, les besoins en gaz de Sonelgaz pour la seule génération électrique sont passés de 12 milliards de mètres cubes en 2000 à 27 milliards en 2014, et pourraient bien atteindre les 100 milliards de mètres cubes d’ici une trentaine d’années avec un risque d’épuisement horizon 2040. En dehors du tarif bas, source de gaspillage. Deuxièmement, nous avons d’autres facteurs dont les créances habituelles se sont élevées à plus de 45 milliards de DA en 2014. Parmi les plus importantes d’entre elles le précompte TVA (taxe sur la valeur ajoutée) et le préfinancement des programmes publics. Ces créances sont détenues essentiellement auprès de l’administration et accessoirement auprès des clients privés. Pour certains responsables des sociétés de distribution, il est impossible de couper l’électricité à certaines institutions, notamment les écoles ou les hôpitaux. Troisièmement, la course à l’investissement en diversifiant ses activités industrielles lui a fait perdre ses métiers base à l’instar de Sonatrach se répercutant sur sa productivité. Quatrièmement, nous avons les branchements anarchiques, le taux de pertes de l’électricité a été de 19,52%, en deçà des objectifs. Dans l’activité du gaz, le taux de pertes s’élevait à 7,1% comme l’électricité. Sonelgaz perd annuellement plus de 10 milliards de dinars à cause de la fraude et de l’inefficience de gestion.

– On parle également du problème des subventions. Quel commentaire faites-vous à ce sujet ?
– Selon les études effectuées dans le domaine par les organismes spécialisés, l’Algérie figure parmi les pays qui subventionnent le plus les produits énergétiques avec plus de 10 milliards de dollars/an, soit quelque 800 milliards de dinars, consacrés à la subvention des prix de l’énergie. L’électricité a profité de 2,13 milliards dollars (quelque 150 milliards DA) de subventions, tandis que les carburants ont coûté 8,46 milliards de dollars (environ 650 milliards de DA). Ces subventions représentent annuellement une moyenne de près de 7% du PIB (produit intérieur brut). Selon le ministère de l’Energie le prix réel des carburants devrait fluctuer entre 60 et 80 DA le litre. Mais conserver cette politique coûte de plus en plus cher. En effet, ces dernières années, l’Algérie est devenue importatrice de carburants pour 3,5 milliards de dollars en 2013. .Cela favorise la contrebande aux frontières. La différence du prix à la pompe avec les pays voisins fait que de grandes quantités de carburants traversent quotidiennement les frontières vers le Maroc et la Tunisie, sans compter les pays riverains du grand Sud. Le prix de l’électricité est plafonné depuis 2005, expliquant en partie le déficit structurel de Sonelgaz, selon un rapport du ministère de l’Energie. Car, il faut comparer le comparable notamment avec les pays du Maghreb et non pas les pays européens dont le niveau de vie est plus élevé, (voir le site MEM), la tarification algérienne tant pour la consommation des ménages que pour la consommation industrielle est la suivante : pour les clients résidentiels (ménages): Algérie: entre 2 DA et 3,20 DA/kwh selon le niveau de consommation, alors que ce prix est entre 3,45 DA et 4,94 DA/kwh en Tunisie, et entre 5,27 DA et 6,40 DA/kwh au Maroc. Pour les clients industriels en Algérie, le prix oscille entre 1,48 DA et 2,15 DA/kwh selon le niveau de consommation, en Tunisie entre 2,35 DA 3,54 DA/kwh, et au Maroc entre 4,21 DA et 5,53 DA/kwh. La plus grande partie de ces écarts en faveur du consommateur algérien provient du prix du gaz fixé par l’État à l’entrée du système de production-transport-distribution de l’électricité. Le niveau du prix du gaz concédé aux centrales est de l’ordre de 10 % de celui qui correspond aux transactions internationales du gaz dans la région. Selon le ministère de l’Energie les subventions de l’électricité seront maintenues jusqu’en 2015 et bien au-delà, de quoi décourager tout investisseur étranger dans ce domaine rendant caduque la loi sur l’électricité et le gaz par canalisation.Le problème de la tarification de l’eau se pose à peu près dans les mêmes termes que les carburants. Son prix de cession demeure inchangé malgré des coûts croissants, problème aggravé par les déperditions du réseau de distribution (45 à 50 % de pertes, en moyenne nationale). Sur la base du prix du gaz de 0,25 dollar le million de btu, le prix de revient de l’eau atteint environ 69 DA/m3. Le prix facturé aux consommateurs varie en fonction des volumes consommés entre 16,20 DA/m3 et 24,70 DA/m3 pour les usages industriels, et entre 3,60 DA/m3 et 24,70 DA/m3 pour les usages domestiques. Le différentiel payé par l’Etat varie entre 34 et 53 DA environ par m3 consommé, l’investissement n’étant pas pris en compte dans les prix en vigueur du mètre cube d’eau potable. Selon le ministère, si on le répercutait, le prix réel du mètre cube reviendrait à près de 60 DA.

– Quel modèle de consommation énergétique pour l’Algérie à votre avis ?
– En résumé, l’électricité et le gaz sont des éléments fondamentaux tant au développement économique que pour les citoyens et donc un segment engageant la sécurité nationale. Et se pose cette question stratégique : quel modèle de consommation énergétique pour l’Algérie horizon 2025/2030, non encore mis en place, sachant que dans 10 ans elle aura épuisé son pétrole et, dans moins de 20 ans, le gaz conventionnel devant aller vers un MLIX énergétique, ne devant pas privilégier une énergie au détriment d’une autre. Et cela en tenant compte de la percée du gaz non conventionnel, des coûts croissants, de l’entrée de nouveaux concurrents, des mutations énergétiques mondiales avec un nouveau profil de croissance, et surtout de la forte consommation intérieure qui dépassera à ce rythme horizon 2030 ( l’ex-ministre de l’Énergie avait avancé, en 2014/60/70 milliards de mètres cubes gazeux) les exportations actuelles qui peinent à atteindre 50/55 milliards de mètres cubes gazeux avec une régression en volume physique par rapport à 2007/2008., Faute d’insérer les opérateurs d’électricité et de gaz au sein d’une vision stratégique, afin d’impulser des investissements nouveaux qui deviennent urgents, devant aller vers une transition énergétique, il y a une forte probabilité à des délestages croissants. Cela renvoie à la cohérence et visibilité de la politique socioéconomique et donc à l’approfondissement de la réforme globale.
Entretien réalisé par Ines B.

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