La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a déclaré mardi l’accord de pêche conclu entre l’UE et le Maroc «valide» tout en soulignant que cet accord n’est pas applicable au Sahara occidental et aux eaux territoriales sahraouies.
«L’accord de pêche conclu entre l’UE et le Maroc est valide dès lors qu’il n’est pas applicable au Sahara occidental et aux eaux adjacentes à celui-ci», a conclu la Cour européenne de justice dans un arrêt rendu hier. Selon la CJUE, l’inclusion du territoire du Sahara occidental dans le champ d’application de l’accord de pêche enfreindrait plusieurs règles de droit international général applicables dans les relations entre l’UE et le Royaume du Maroc, notamment le principe d’autodétermination. La Cour a jugé que, compte tenu du fait que le territoire du Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Royaume du Maroc, les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental ne relèvent pas de la zone de pêche marocaine visée par l’accord de pêche. Elle a précisé, à ce titre, que la «zone de pêche marocaine» relevant du protocole ne comprend pas les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental. La CJUE a jugé que, «dès lors que ni l’accord de pêche ni le protocole qui l’accompagne ne sont applicables aux eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental, les actes de l’Union relatifs à leur conclusion et à leur mise en œuvre sont valides». La CJUE a été amenée à rendre cet arrêt à la suite de sa saisine par la Haute Cour de justice britannique. Une ONG britannique, Western Sahara Campaign (WSC), plaidant le droit à l’autodétermination du Sahara occidental avait déposé plainte, faisant valoir que l’accord de pêche conclu par l’Union et le Maroc ainsi que les actes l’approuvant et le mettant en œuvre sont invalides pour autant que cet accord et ces actes s’appliquent au territoire et aux eaux du Sahara occidental. L’ONG accuse l’occupant marocain de piller, à travers l’accord de pêche avec l’UE, les ressources naturelles du peuple sahraoui. Afin de pouvoir rendre son verdict, la Haute Cour de justice britannique s’est tournée vers la CJUE pour que celle-ci exprime son «opinion» sur l’affaire. Il est demandé à la CJUE de répondre à trois questions : la Cour est-elle compétente pour apprécier la légalité des accords internationaux conclus par l’Union ? Une association telle que WSC est-elle habilitée à contester la légalité de l’accord de pêche ? L’accord de pêche est-il légal du point de vue du droit européen? Le 10 janvier dernier, l’avocat général de la CJUE Melchior Wathelet, dont les compétences sont unanimement reconnues et qui avait fait l’objet de basses et viles attaques de Rabat, a conclu que l’accord de pêche entre l’UE et le Maroc est invalide du fait qu’«il s’applique au Sahara occidental et aux eaux y adjacentes». Dans ses conclusions présentées à la CJUE, l’avocat général de la CJUE a estimé qu’«en concluant cet accord, l’Union a violé son obligation de respecter le droit du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination». L’avocat général de la Cour européenne de justice a souligné, en outre, que l’UE a violé également son obligation de «ne pas reconnaître une situation illicite découlant de sa violation et n’a pas mis en place les garanties nécessaires pour assurer que l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental se fasse au bénéfice du peuple de ce territoire». Cette nouvelle décision de la CJUE, après celle historique prise en 2016 outre qu’elle constitue une défaite majeure de la diplomatie marocaine lui invalide de fait l’accord de pêche dans son ensemble puisque la quasi- totalité des prises de pêche sont réalisées dans les eaux territoriales sahraouies. Après le coup sévère porté au Maroc par la justice sud-africaine et la saisie des phosphates sahraouie spoliés par Rabat, la CJUE met fin à l’hypocrisie des dirigeants de l’UE, qui tout en ne reconnaissant pas la « souveraine « marocaine sur un territoire non –autonome conclut allègrement des accords incluant ce territoire. C’est un fiasco diplomatique pour Mohammed VI, qui curieusement semble l’avoir anticipé en mettant à la retraite de nombreux diplomates et de hauts fonctionnaires du MAE marocain. Une décision passée sous silence par la presse marocaine, trop occupée sans doute à s’en prendre à l’Algérie.
M. Bendib