Pour sa première sortie médiatique post-congrès, le fraîchement élu secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia, a ratissé large de ses déclarations. Usant d’un verbe tantôt vociférant et tantôt lénifiant, l’actuel directeur de cabinet auprès de la présidence de la République s’est exprimé, hier, au siège de son parti, au sujet d’une foultitude de questions qui meuvent la scène nationale.
Comme attendu, Ouyahia est intervenu, d’entrée, pour faire le point autour du tout récent rendez-vous de son parti qui faisait office de 5e congrès ordinaire, et lequel a connu l’élection pour la première fois du SG du parti, alors qu’il se faisait coopté auparavant. Sans trop s’y étaler, il n’a pas tardé à affronter les questions des journalistes présents en la circonstance. En abordant le volet extérieur, l’homme fort du RND n’en pose aucun doute, comme l’on soutenu nombre de ses partenaires au pouvoir, que des attaques étrangères ciblent l’Algérie et menacent son unité. Pour lui, il existe des lobbies étrangers qui veulent régler leur compte avec le pays et que des acteurs algériens leur servent de relais pour exécuter cette tâche. C’est dans ce contexte qu’il a évoqué et a cité le MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie) et son président Ferhat Mehenni, lequel responsable «sert les intérêts étrangers», a-t-il accusé. Il s’agit, pour lui, d’une guerre subversive où les instigateurs font appel à des mercenaires, comme lors d’une guerre classique. «Je dois appeler un chat un chat. Ferhat Mehenni est, malheureusement, un mercenaire d’une cause étrangère, pas de la Kabylie», a-t-il qualifié celui qui prône par son projet l’autodétermination de cette région d’Algérie. Ce n’est pas une première, puisque Ouyahia a eu déjà à se positionner par rapport à cette question, où il a eu à rappeler, à chaque occasion, que la Kabylie est une partie indissociable et indivisible du territoire national, comme il l’a fait noter, davantage, hier. Lors de sa récente sortie sur la chaîne télé «En-Nahar TV», il a accusé Ferhat Mehenni de rouler et d’être à la solde de Bernard-Henri Lévy, désigné sous les initiales BHL. Appelant, de ce fait, à ressouder les rangs pour sauvegarder l’unité nationale et de dresser une muraille contre les agressions venant de l’étranger. «Je suis natif de Bouadnène (localité de Kabylie, ndlr). Je voudrais mourir algérien», a-t-il illustré ses propos comme pour dénier le droit au MAK de parler en son nom et au nom de tous les citoyens de la région, tout en assurant qu’il respecte les sensibilités politiques et les différences entre les points de vue des uns et des autres. Pour peu, encore, que les intérêts de l’Algérie soient au centre des préoccupations de tous, a-t-il mis en garde.
« L’indélicatesse » de Valls
Le SG de la deuxième force politique a pris de la hauteur au sujet de l’affaire de la publication de la photo du président de la République sur le compte tweeter du Premier ministre français, Manuel Valls, lors de sa visite en Algérie. Pour Ouyahia, si la dégradation de l’état de santé de Bouteflika n’est pas un secret pour personne, comme le montre la photo rendue publique, où le Chef de l’État «n’était pas dans son meilleur jour», il n’en demeure pas moins que le tweet du chef du gouvernement français est un acte qui relève d’une «extrême indélicatesse», a-t-il tenu à asséner. En effet, au lendemain de la publication du tweet sulfureux qui a versé beaucoup d’encre, l’opinion publique s’est indignée et l’affaire a soulevé un tollé général à l’intérieur du pays. Ce qui est une réaction justifiée pour l’homme fort du système qui trouve ce geste «très, très indélicat», d’autant que la photo du Président soit publiée sur le compte personnel de Valls. Ce dernier, après qu’il a été reçu en audience par Bouteflika, lors de sa visite officielle en Algérie les 9 et 10 d’avril dernier, «n’a pas trouvé mieux que de publier une photo de Bouteflika», s’est offusqué le conférencier, non sans déplorer ce comportement. D’autre part, au-delà de cette affaire qui a tout au moins chambré les rapports amicaux entretenus entre les deux pays, Ouyahia n’en pense pas moins que l’acte puisse avoir une quelconque incidence sur les relations bilatérales entre les deux parties. «Cet acte n’affectera pas les relations entre l’Algérie et le France», a-t-il analysé. Et pour cause, le chef de cabinet auprès de la présidence de la République a indiqué qu’en raison du poids du passé chargé de l’histoire commune entre les deux pays, fait que, aujourd’hui, le fait de nier cette réalité qu’est les «intérêts entre les deux parties», relève pour lui d’une pure démagogie. Interrogé sur la position de son parti au sujet d’un probable projet de loi portant criminalisation du colonialisme qui serait débattu à l’Assemblée nationale (APN), voire appeler l’ancien colon à demander des excuses officielles, l’orateur reste sceptique. En effet, tout en estimant que si une telle loi venait à être soumise au vote, son parti l’aura adoptée. Cela étant dit, «demander pardon n’apportera rien au peuple algérien», a-t-il répondu. Pour lui, il faut aller de l’avant et regarder l’avenir. Et ceci passe, selon lui, par la réhabilitation de l’esprit de Novembre et la construction du pays sur des bases solides à même de bâtir une économie forte. Telle était la vision de l’homme politique qui voit en cette perspective une revanche sur l’agression colonialiste. En enchaînant avec l’autre sujet à polémique et qui a trait à l’évacuation de Bouteflika à Genève (Suisse), le 24 avril dernier, pour des contrôles médicaux périodiques, Ouyahia a mis les points sur les «i». À la question de savoir si l’admission du Chef de l’État dans un établissement hospitalier hors de la France a une relation avec les incidences nées entre les deux pays, le commis de l’État a exclu cette thèse. «C’est tragique. On arrive à tout politiser», a-t-il déploré la tournure qu’à prise cette affaire. Et de rappeler, enfin, que Bouteflika avait déjà été admis en Suisse, et ce n’est donc pas une première pour justifier qu’il y a là une affaire politique.
« Rebrab a politisé l’Affaire El-Khabar»
Au plan interne, l’ex-chef du gouvernement a exprimé de sa position sur les sujets brûlants de l’actualité nationale. Ainsi, interrogé au sujet du conflit opposant le quotidien arabophone «El-Khabar» au ministre de la Communication, Hamid Grine, Ouyahia a tenu des propos qui prêtent à confusion. Ce qu’à d’ailleurs lui-même reconnu, invitant de fait à toutes sortes de lectures possibles. En effet, tout en saluant ce journal pour qui voue-t-il du respect, le qualifiant d’un «grand quotidien national», Ouyahia a déploré le caractère politique qui a empreint cette affaire. «El-Khabar, à l’instar d’autres médias, a payé un lourd tribut lors de la Décennie noire. Les partis et la presse doivent être partenaires.
Ce qui était le cas lors de la période terroriste», a-t-il déclaré, tout en souhaitant longue vie à ce quotidien. Mais, pour lui, il faut distinguer le domaine de la presse de celui des affaires, a-t-il indiqué, allusion aux déclarations tenues par l’homme d’affaires, Issad Rebrab. Pour Ouyahia, c’est le P-DG du groupe Cevital qui «a politisé cette affaire». En effet, dans l’une de ses déclarations se rapportant à ce conflit, Rebrab a indiqué que «le pouvoir en place doit partir». En réponse, Ouyahia qui assume sa position de partenaire du système et d’un acteur à l’intérieur du pouvoir, se sente ciblé. «Ce monsieur (Rebrab, ndlr) demande le départ du pouvoir. Je suis au pouvoir. Je m’excuse, mais, je ne vais pas applaudir ces propos», a-t-il tenu comme réponse, prudente, pour le moins. Il est bon de souligner que ce litige est né après l’introduction par le ministère de la Communication d’une action en référé auprès le tribunal administratif au sujet du rachat de 80% des actions du même journal par une filiale de Cevital. Ceci, pour prononcer sur la «conformité» d’une telle transaction. D’ailleurs, dès lors que c’est le cas, Ouyahia dit s’en remettre à la décision de la Justice, pour ne pas prendre le risque, en quelque sorte, de verser dans la «politisation de l’affaire».
Réhabiliter le travail et faciliter l’investissement
S’agissant des échéances électorales prochaines et ses rapports tendus aves les partis majoritaires, du moins pour ce qui est des relations qui le lient au chef du FLN, Amar Saâdani, Ouyahia a fait le tour de ces questions. Encore une fois, en réponse à une question sur les ambitions présidentielles, le patron de la deuxième force politique estime qu’il est encore tôt pour parler des élections de 2019. Même s’il a avoué que propulser le RND à la position de leader sur l’échiquier politique national soit un but que tout autre parti aurait souhaité, il n’en demeure pas moins qu’à l’heure actuelle, l’intérêt de l’Algérie «doit être placé au-dessus de toutes autres considération», a-t-il jugé. En ce qui concerne les législatives de 2017, le même responsable croit qu’il s’agit d’une échéance des plus ordinaires, contrairement à l’enjeu principal qu’est les Présidentielles. Mais, là encore, et jusque-là, «le mandat du président Bouteflika, qui gère convenablement les affaires du pays, ne sera achevé qu’en 2019», a-t-il répondu à la question portant sur ses ambitions personnelles. D’ailleurs, faisant le parallèle avec les relations qui le lient avec son alter ego du FLN, Ouyahia estime que sur cette question «stratégique» il se trouve que les deux partis au pouvoir ont la même position. D’ailleurs, appelé à commenter l’absence du SG du FLN au congrès du RND, le conférencier a justifié cette défection par le fait que Saâdani soit représenté par des cadres de son parti. Mieux encore, il a rappelé que lui-même n’avait pas pris part au congrès de l’ex-parti, tenu fin mai 2015. Entendre, Saâdani aurait adopté la politique du «traitement similaire». Et d’assurer encore que «je n’ai aucun problème avec Si Ammar (Saâdani, ndlr). C’est vrai, il y a eu des mots de trop. Mais, cela est dépassé», a-t-il pondéré. Par ailleurs, s’agissant de la conjoncture économique, Ouyahia a mis en garde contre le recours à l’endettement extérieur. D’ailleurs, si la situation actuelle perdure, il n’exclut pas cette possibilité. Quant aux solutions à préconiser, le même responsable a recommandé sa feuille de route. Il s’agit de réhabiliter le travail, de faciliter l’investissement, de valoriser la production nationale et de revoir le Code du travail. Pour lui, un pays, qui perd en une année 70% de ses ressources, pourrait présager le recours au fonds extérieur.
Farid Guellil