Les risques de voir la Libye devenir le nouveau théâtre d’une guerre directe entre des acteurs étrangers, après l’avoir menée par procuration, depuis l’intervention de l’Otan en 2011, demeurent persistants en l’absence de volonté politique réelle des acteurs étrangers influents, depuis plus de huit ans.
Des risques pouvant faire voler en éclat le cessez-le-feu décrété en Libye, d’autant plus que l’accord de trêve a été signé, à Moscou, lundi, seulement par le président du conseil présidentiel du Gouvernement d’union nationale, Fayez –el-Serraj. Son rival, le maréchal Haftar, avait quitté la capitale russe, en ce même jour, sans apposer sa signature sur le document, au terme des pourparlers, indirects, supervisés par les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, de Russie et de Turquie. Si avant l’annonce du cessez-le-feu, des soldats turcs ont été envoyés en Libye sur décision du président Receep Tayip Erdogan, en soutien au GNA de Serraj, dans le cadre, selon Ankara, de son accord militaire avec Tripoli, après la rencontre de Moscou, c’est au tour de l’Italie d’annoncer l’envoi de ses soldats, pour superviser le cessez-le-feu.
Alors que bien avant l’accélération du cours des évènements, notamment sur le terrain du conflit armé, entre les troupes du GNA et celles du maréchal Haftar, depuis le lancement de son offensive militaire sur Tripoli, d’autres pays étrangers, occidentaux et du Golfe, avaient une présence militaire sur le sol libyen, depuis 2011, pour ne citer que la France et l’Italie. Il semblerait que le compte à rebours de l’arrivée de soldats de pays étrangers en Libye, a commencé, avec l’arrivée de soldats turcs à Tripoli, annoncée la semaine passée, par le président Erdogan, suivis par l’annonce, avant-hier, mardi, du premier ministre italien, Giuseppe Conte, de la volonté de Rome d’envoyer ses soldats, en Libye, non pas en traduction d’un quelconque accord de coopération militaire avec la Libye, mais pour surveiller le cessez-le-feu. Déclarant en effet que Rome « n’enverrait pas de soldats italiens pour surveiller le cessez-le-feu en Libye, si ce n’est pas dans des conditions de sécurité et que le contexte politique est très clair » le Premier ministre italien, interrogé sur un éventuel engagement de son pays dans une opération de surveillance de la paix en Libye, Giuseppe Conte a répondu que Rome « n’exclut pas du tout cette hypothèse, nous en parlerons à Berlin ».
Moscou recommande à l’Allemagne d’inviter les Libyens et espère « qu’ils réagiront positivement à cette proposition »
La conférence sur la Libye qu’abritera la capitale allemande, dimanche prochain, devrait connaître la participation de présidents et de chefs de gouvernement de pays impliqués d’une manière directe ou indirecte sur la scène libyenne, la France, l’Italie, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, la Turquie et la Russie, mais verra également la participation de pays voisins à la Libye: l’Algérie et la Tunisie. Alger, qui a connu un ballet diplomatique, la semaine dernière, de hauts responsables de Turquie, Italie, Égypte, avait reçu en l’espace, de moins d’une semaine, les deux parties libyennes en conflit, Fayez El-Serraj et une délégation de haut niveau représentant le maréchal Khalifa Haftar, dans ses efforts visant à amener les libyens à régler leurs divergences , par voie du dialogue politique et non des armes.
Alors que le maréchal Haftar n’a pas encore signé l’accord de cessez-le feu, la question du mécanisme devant superviser le respect de l’arrêt des combats en Libye demeure floue, quand elle ne suscite pas des interrogations, notamment après la déclaration du Premier ministre italien de l’envoi de soldats italiens pour la surveillance du cessez-le-feu. En l’absence de mandat défini pour une mission des Institutions internationales, les Nations unies et l’Union africaine, pour superviser le cessez-le-feu, l’annonce en question de Rome ouvre la voie à la promotion d’une nouvelle approche, en la matière, concernant la Libye, soit en dehors du cadre de l’ONU et de l’UA. L’engagement italien dans une opération de surveillance de la paix en Libye, est « une hypothèse » qui n’est pas écartée, par le Premier ministre italien, et sera sur la table de la Conférence de Berlin, sur la Libye, comme l’a annoncé Giuseppe Conte, déclarant, mardi « nous n’excluons pas du tout cette hypothèse. Nous en parlerons à Berlin » a-t-il indiqué. De son côté le chef de la diplomatie russe a déclaré que les négociations sur la Libye du 13 janvier à Moscou, qui se sont soldées sans accord de cessez-le-feu, «ne sont pas considérées comme irrévocables», mais comme « une contribution à la conférence de Berlin » a appelé « l’Allemagne à inviter les parties libyennes ».
Les pourparlers sur la Libye qui se sont tenus à Moscou « n’ont jamais été considérés comme irrévocables dans le règlement de la situation dans le pays », mais ils étaient importants, a poursuivi Lavrov « pour faire avancer le processus de paix »a-t-il déclaré, hier, lors de la conférence de politique internationale, Raisina Dialogue, qui a eu lieu ce mercredi 15 janvier à New Delhi, en Inde. Poursuivant, il dira que « nous n’avons jamais considéré la réunion à Moscou comme définitive », mais comme une rencontre, explique-t-il « pour promouvoir la paix et pour la contribution à la conférence de Berlin » avant d’ajouter « nous avons recommandé à l’Allemagne d’inviter les Libyens et nous espérons qu’ils réagiront positivement à cette proposition ».
Concluant ses déclarations sur la crise libyenne que « le processus est en cours, il se poursuit» a souligné le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie.
Karima Bennour