Les avions de la coalition arabe menée par l’Arabie saoudite ont bombardé intensément samedi les positions rebelles à Sanaa, au troisième jour de leur opération militaire au Yémen saluée par les pays arabes réunis en sommet en Égypte. Avant le début, jeudi, de l’opération aérienne Tempête décisive impliquant neuf pays arabes, la marine saoudienne a évacué d’Aden, la capitale du sud du Yémen en proie au chaos, des dizaines de diplomates, dont des Saoudiens arrivés samedi en Arabie saoudite.
Le royaume sunnite saoudien, qui a une longue frontière avec le Yémen, commande l’intervention arabe qui vise à stopper l’offensive des rebelles chiites houthis liés à l’Iran, et à les empêcher de prendre le pouvoir dans ce pays pauvre de la péninsule arabique, miné par des années d’instabilité. Depuis septembre 2014, les houthis se sont emparés de vastes régions, dont la capitale Sanaa, et avaient dans leur ligne de mire le président Abd Hadi Mansour Rabbo, qui a réussi à quitter Aden où il s’était réfugié en février pour se rendre en Égypte et participer au sommet arabe samedi.
Bombardement à Sanaa, tensions à Aden
Pour la troisième nuit consécutive, des explosions ont résonné autour de Sanaa, où les raids contre les positions rebelles étaient les plus intenses depuis le début de l’opération militaire, selon des témoins. «C’était une nuit intense de bombardements» et les «vitres ont tremblé», a rapporté une étrangère travaillant pour une organisation humanitaire. «Des personnes veulent partir, mais il n’y a pas d’avions pour quitter le Yémen.» Selon un photographe de l’AFP, les bombardements ont continué toute la nuit et se sont arrêtés vers 6 heures locales (3 heures GMT). D’après des résidents, les frappes ont visé des sites militaires, notamment des positions de la défense antiaérienne et des dépôts de munitions, autour de la capitale. À Aden, la situation est de plus en plus chaotique avec des accrochages entre groupes rebelles et des membres de «comités populaires» anti-houthis dans divers quartiers. Huit personnes ont été tuées dans l’enceinte de l’aéroport d’Aden. Selon des témoins, des hommes armés font la loi dans cette ville et interdisent la circulation en coupant les routes avec des blocs de pierre et des troncs d’arbres. En annonçant son intervention militaire, l’Arabie saoudite a affirmé vouloir contrer «l’agression» de l’Iran qu’il accuse de soutenir les houthis et de chercher à «dominer» la région.
Force multinationale arabe ?
L’Iran n’a jamais confirmé aider les houthis, mais il a dénoncé l’opération saoudienne. Pour leur part, les États-Unis, alliés du président yéménite dans la lutte antiterroriste et de l’Arabie saoudite, ont annoncé un soutien en logistique et en renseignements à la coalition arabe. Jeudi, les forces américaines ont porté secours à deux pilotes saoudiens qui s’étaient éjectés de leur F-15 dans le golfe d’Aden, un sauvetage pour lequel le roi d’Arabie saoudite a remercié le président Barack Obama. Avec l’aide de l’ex-président Ali Abdallah Saleh, qui dispose de puissants relais dans l’armée, les houthis avaient déferlé de leur fief dans le nord du pays vers le centre et l’est du Yémen, avant de progresser vers le Sud, s’emparant de plusieurs bases et régions.
Des pays du Golfe participent à l’intervention arabe, ainsi que l’Égypte, la Jordanie, le Soudan et le Maroc, selon Riyad. Le conflit au Yémen devra dominer le sommet arabe qui s’ouvre samedi à Charm el-Cheikh, dans la péninsule du Sinaï. La création d’une force multinationale sera à l’ordre du jour, au moment où l’intervention arabe au Yémen est perçue comme un «coup d’essai» de ce projet. Depuis plusieurs semaines, c’est le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi qui réclamait avec le plus d’insistance cette force arabe pour lutter contre les groupes «terroristes», en particulier l’organisation État islamique (EI) qui multiplie les atrocités en Irak et en Syrie et gagne du terrain en Libye et en Égypte dans le Sinaï. Mais, plus que le groupe extrémiste sunnite, c’est la crainte de voir le grand rival iranien chiite étendre son influence dans la région qui pourrait obliger les pays arabes à surmonter leurs dissensions et à entériner la création d’une force militaire conjointe.