Christian Gourcuff, mardi dernier, juste après la victoire superbe décrochée contre un onze sénégalais difficile à manier. Surtout pas tombé de la dernière pluie : «On n’était pas les plus mauvais du monde après le match contre le Ghana (0-1) et on n’est pas les champions maintenant.» Déclaration sereine. Pour montrer qu’il garde (il voudrait sûrement que ses poulains le suivent dans ce raisonnement et ne se voient déjà trop beaux et sur le trône africain) les pieds sur terre et que le plus difficile commence avec ces quarts ouverts sur tous les scénarios. À un stade, comme dirait Herve Renard, le coach ivoirien et non moins adversaire coriace de ce soir, où «le tournoi s’emballe réellement.» L’occasion pour les grands de montrer qu’ils le sont vraiment, les «Eléphants», en redoutable machine, figurant parmi le top du continent. C’est donc un Gourcuff qui ne s’enflamme pas outre mesure et tout de lucidité qui a préparé son équipe à ce duel des titans, le choc des chocs de cette 30e édition de la CAN devant, peut-être et en grande partie, décider du successeur du Nigeria (lire futur champion), avec encore une fois, l’opportunité pour Brahimi et consorts d’assumer (on rêve bien sûr d’un succès probant alliant le résultat à la manière pour faire taire définitivement les mauvaises langues et les sceptiques) une fois pour toutes leur statut de «favoris» pour la compétition qu’ils ont pris par le bon bout malgré un début poussif contre l’Afrique du Sud (heureusement agrémentée d’une belle, large victoire et c’était l’essentiel, le minimum qu’on pouvait leur demander) et une défaite sur le fil contre le Ghana dans un match pourtant largement dans leurs cordes, les Blacks Stars s’étant révélés finalement prenables et ne devant leur succès acquis dans le temps additionnel qu’à un précieux coup du sort sur un contre aussi anodin que meurtrier. Mis dos au mur, les camardes de la force montante, Bentaleb, qui fait désormais l’unanimité des observateurs sur son talent et qui s’impose comme un des pions indispensables à l’équilibre de l’équipe, ont su, dans une partie couperet comme le duel contre les «Lions de La Teranga», retrouver leurs esprits et leur football, maîtriser les débats avant de l’emporter en toute logique. Soulager leur coach ravi de les voir répondre présents, positivement, dans un rendez-vous «excessivement physique, avec beaucoup d’impact, un combat avec des ballons aériens et des duels. » Satisfait d’avoir vu ses joueurs «poser des problèmes à leurs vis-à-vis par notre technique.» Une opposition de «style» qu’on retrouvera ce soir et où la moindre erreur d’inattention ne sera pas permise. «Où on comptera à nouveau sur nos petits gabarits très techniques pour répondre au physique que les Eléphants voudront nous imposer.» Ne pas s’enflammer, jouer notre football, rester concentrés et patients, telles seront les consignes du Breton à son équipe qui, et pour reprendre les derniers propos en date de son prédécesseur, Halilhodzic, s’appuiera sur «la force de son collectif» pour rester dans la dynamique du Mondial brésilien, le Bosniaque mettant un point d’honneur à rappeler qu’«Il n’y a pas de vedettes en Algérie, la force de cette équipe est collective.» Prudence (mais pas trop ou juste ce qu’il faut pour ne pas prendre de haut un client de haut niveau) et confiance (en ses possibilités, sans trop le respecter aussi) devant une sélection comptant dans ses rangs de vraies stars à l’image des Gervinho, Yaya Touré, Max Gradel ou Bony. Une équipe, prévient-il ses défenseurs qui doivent se préparer à une soirée loin d’être tranquille, «en mesure de marquer à n’importe quel moment de la partie.» Un jeu offensif impressionnant remarquera-t-il et des mises en garde, des messages que ses défenseurs ont dû décoder. Qu’il met en garde et appelle à la vigilance. Le reste, c’est à eux de l’écrire. Comme ils ont su le faire lors de ce problématique Algérie- Sénégal où on a pu apprécier leur force mentale, leur engagement, leur solidarité et leur respect des consignes. Ce qui a fait dire à Gourcuff que la «victoire a été celle des joueurs.» Une manière comme une autre de les libérer psychologiquement, les responsabiliser et les pousser à se transcender encore plus devant l’impressionnante armada des Éléphants. Dans une partie d’échecs qui ne ressemblera pas aux précédentes. Les Feghouli, Soudani, Mahrez, Mandi et leurs frères savent qu’ils ont rendez-vous avec l’Histoire. Qui retiendra, en cas de succès ce soir, qui leur ouvrira grandement les portes de la victoire finale et donc du sacre, qu’ils ont su bien se battre, sorti le grand jeu et mérité les honneurs. On ne sort pas indemnes d’un groupe de la «mort» aussi facilement et ne bat pas qui veut (ça peut se réaliser dès ce soir) la Côte d’Ivoire et ses vedettes. Ils peuvent le faire. Et ils le feront. L’enjeu, formidable, vaut tous les sacrifices, n’est-ce pas.
Par Azouaou Aghiles