Le Parquet tunisien a annoncé samedi avoir interdit la diffusion de l’interview télévisée d’un policier justifiant, le fait d’avoir torturé des opposants sous le dictateur déchu Ben Ali, et l’ouverture d’une enquête à son encontre. Nous avons ordonné de couper l’extrait dans lequel un agent de police parle de sa pratique de la torture (…) avec insouciance et fierté, a déclaré à l’AFP le porte-parole du Parquet, Sofiène Sliti. Dans une bande-annonce pour l’émission Labess, diffusée samedi soir sur la chaîne privée Al Hiwar Ettounsi, l’homme s’exprime à visage découvert, assis à côté d’une de ses victimes, qui dit avoir eu l’oreille gauche percée par les coups. Vous avez interrogé beaucoup d’islamistes, lui demande l’animateur. Et des militants de gauche aussi, répond le tortionnaire en souriant. Moi, je suis un policier de l’État, je n’ai jamais été un policier de Ben Ali. Nous sommes les militants de l’État, lance-t-il, en évoquant des méthodes de torture comme la balançoire, au cours de laquelle la victime est suspendue. Une enquête a été ouverte contre lui. Nous ne pouvions pas rester spectateurs, a dit le porte-parole du Parquet. D’après M. Sliti, la chaîne a accepté de se plier à l’ordre du Parquet, et seul l’extrait où le tortionnaire est interviewé sera coupé. Le ministère de l’Intérieur a indiqué à l’AFP que l’agent avait été suspendu de ses fonctions. L’instance de l’audiovisuel tunisien, la Haica, a jugé que les propos du tortionnaire revenaient à justifier et vanter la torture et a également ordonné à la chaîne de ne pas diffuser l’extrait de l’émission concerné. Ces propos peuvent provoquer une souffrance morale chez toute personne victime de torture, a ajouté la Haica dans un communiqué. La torture était largement pratiquée sous le régime de Zine El Abidine Ben Ali, contraint à la fuite par un soulèvement populaire le 14 janvier 2011. Mais malgré la révolution, aucune réforme de la police et de la justice, outils centraux de la répression sous l’ancien système, n’a été entreprise.