Dans les années 1950, 1960 et 1970 ,nous avons assisté un peu partout dans le monde à l’explosion de bombes atomiques qui sortaient de terre comme des champignons, sans pour autant oublier les ratés mémorables de tirs nucléaires souterrains, qui ont donné lieu à des contaminations radioactives alarmantes. Pierre Messmer fut ministre des armées entre 1960 et 1969 à l’époque où la France procéda à son tour, à ses premiers essais nucléaires dans le Sahara algérien (bombes au plutonium et à uranium ).
Le roman de la bombe atomique à Reggane
Dès l’origine ,les études et les travaux qui ont abouti à l’édification de la base atomique de Reggane, furent entourés des plus hermétiques des secrets. On comprend pourquoi. Non pas que les atomiciens civils et militaires aient pu espérer cacher au monde qu’ils élaboraient une bombe atomique. Cette discrétion ne présentait aucun intérêt, car tous les spécialistes savaient que l’aboutissement de la construction de piles serait la bombe .
A ces divers points de vue, Reggane présentait un bon choix ; autrefois ,simple petite oasis sur la piste saharienne entre Béchar et Adrar. Le génie militaire y creuse de nombreux puits. Une longue falaise qui en borde le flanc nord se prête à l’implantation de l’aérodrome et au percement de galeries souterraines servant de magasins et de dépôt. A 70 km de Reggane, un centre fut aménagé à El -Hamoudia. Il est constitué d’un blockhaus en ciment percé de hublots qui servira d’abri aux atomiciens et contiendra leurs appareils. C’est là que l’explosion de la première bombe atomique a été télécommandée le 13 février 1960 à 7 heures du matin .Durant la période allant du 13 février 1960 au 25 avril 1961 ,l’armée coloniale a procédé à quatre tirs aériens dont le plus important fut celui de Gerboise bleue. Ce tir a eu un retentissement particulier puisque ses retombées radioactives ont été signalées même dans quelques états africains tels que le Mali, le Soudan et le Sénégal. Les responsables en place à l’époque reconnaissent qu’il y a eu des incidents et des accidents avec de fortes doses de radiatigons suite à ces explosions. Malheureusement, aucun scientifique politique ne veut reconnaître qu’il y a un lien de cause à effet entre les victimes de cancer .
Ce premier essai ‘Gerboise bleue’ est effectué sous la présidence de Charles de Gaule .Toutefois ,c’est au début d’avril 1958 que Felix Gaillard, Premier ministre sous la présidence de René Coty ,décide que ce premier essai ait lieu au début de l’année 1960 et que le site de test sera localisé au Sahara . A 180 km d’Adrar, plus précisément à Foumlekhneg, on décida alors de dévier l’oued ‘Messaoud’ ,le nourricier de son cours afin d’éviter d’éventuelles crues qui pourraient retarder ou perturber le projet de la construction du site de la bombe atomique sachant que ce oued pouvait ,en cas de fortes pluies ,parvenir jusqu’à Reggane.
Qu’en est – il aujourd’hui ,55 ans après l’explosion ?
Les répercussions de l’onde de choc et du flash thermique suscitent encore, aujourd’hui ,partout de très vives réactions d’hostilité .Les rares survivants de cette agression française au Sahara racontent que la flore ,la faune et les hommes ont beaucoup souffert traînant irrémédiablement des séquelles visibles encore de nos jours. L’ un d’eux s’est confié : La terre, jadis fertile, connaît une baisse dans le rendement et le palmier-dattier subit lui aussi des transformations .Le niveau de la nappe phréatique a diminué. Reggane était une belle oasis. Et quand le vent souffle de l’ouest à la période des semences ,il engendre des désagréments à l’agriculture. Les personnes, elles aussi ,qui vivent encore ,connaissent des difficultés respiratoires, une hypertension et, parfois, des cancers apparaissent .Vu l’importance des séquelles causées par l’explosion ,les membres de l’association ’13 février 1960′ revendiquent une véritable analyse médicale de la population et la prise en charge des soins. On insiste également sur la désinfection des lieux et des espaces où se sont déroulés les essais .La région de Reggane enregistre un grand nombre de malades atteints de leucémie, d’infections ophtalmiques, de multiples cancers de la peau, des poumons et plusieurs autres tumeurs. Les femmes ne sont pas à l’abri de ces séquelles : stérilité, hémorragies internes et aiguës avec de nouveau-nés qui traînent des malformations congénitales. La localité d’el – Hamoudia, lieu de l’impact, ne verra pas une plante pousser sur son sol avant 24000 ans. Les membres de cette association voudraient une reconnaissance de ce malheur engendré par la course effrénée à la possession de la bombe atomique .
Traitement psychothéra-peutique
Le ministère de la Solidarité avait envoyé par le passé des équipes pluridisciplinaires composées de médecins, de psychologues et de sociologues afin de recenser les personnes présentant un handicap physique ou moral suite des conséquences des retombées des derniers essais nucléaires du 13 février 1960. Il s’agit en effet de venir en aide aux familles concernées par cette tragédie ubuesque en leur fournissant des prothèses, et mettant à leur disposition des centres de rééducation et écoles spécialisées afin de bénéficier pleinement des conditions matérielles leur permettant de mener une vie normale. Rappelons que depuis sa nomination, M Madani Fouatih Abderrahmane, wali d’Adrar, a visité le site en insistant sur la maintenance du périmètre de sécurité et à la consolidation de la clôture mise en place afin d’éviter au maximum les effets radioactifs encore existants.
Une clôture de plus de 3000 mètres, formée de piquets et de grillage, genre Zimmerman, a été installée et couvre toute la superficie du lieu d’impact. Soucieux de préserver l’environnement, le wali attache énormément d’importance à ce fléau ,à ses conséquences et apporterait tout son soutien et son aide afin de faire renaître Reggane de ses cendres. Cette bombe atomique fut une étape capitale mais une politique sans grandeur pour la France. Ce constat nous pousse à réfléchir sur l’ambition démesurée des hommes.
Safi A. T.