Après un débat électrique qui a viré à une véritable condamnation aux partisans de séparatisme et de l’autonomie de la Kabylie mercredi dernier, l’assemblée nationale populaire (APN) se prépare à adopter cette semaine le projet de loi relatif de la création de l’Académie algérienne de la langue amazigh. Pour des raisons bien entendu diamétralement antagoniques, les islamistes – rejoint bizarrement par la formation laïque du RCD qui a appelé à retirer le projet de loi – ont exprimé des mises en garde qui cachent mal leur méfiance et leur mal à l’aise devant ce texte de loi, tandis que la majorité des partis de l’alliance présidentielle et de l’opposition l’a soutenu dans son ensemble. Opposé à la reconnaissance et à l’officialisation de tamazight comme langue nationale, les formations islamistes représentées à l’APN ont été pris de court par la récente décision du président de la République de constitutionaliser tamazight et de créer une académie pour la promouvoir. Eux qui ont attendu que sa promotion soit par référendum et non pas par voie de décret présidentiel, les députés islamistes se sont retrouvés devant un choix peu confortable : renoncer à leur contestation contre tamazight ou rester ferme sur leur position. Ils préférent en fin de compte la première option car la deuxième n’est pas exempte de risques à commencer par le fait que maintenir leur position radicale sur cette question ne fera que les éloigner encore de la société. Le pragmatisme a prévalu donc sur l’idéologie pour cette fois-ci. La présentation du projet de loi portant création de l’académie algérienne de langue amazigh, intervenant suite à la consécration de cette langue dans l’article 4 de la Constitution de 2016, méritequ’on s’y attarde un peu. Il vient en effet contredire tous les prophètes qui ont prédit le malheur et se sont acharné à dénigrer cette langue et ses partisans comme des «ennemis de l’arabe» donc, «ennemis de l’Islam et de Dieu» ou encore «des nostalgiques de la France coloniale».
L’Algérie retrouve enfin sa totale identité après avoir été contrainte de traverser des périodes cruelles de panarabisme patent et de l’islamisme conformiste et extrémiste des années 90. Les consciences sont apaisées et les sacrifices de générations entières sont enfin reconnus et récompensés. Cette conciliation avec le passé ne fera qu’aplanir et éclairer le chemin encore vers un futur commun, rassembleur et de vivre ensemble. Cette réalisation inédite et très salvatrice pour le pays doit beaucoup au courage politique d’un homme, a qui l’histoire contemporaine rendra un jour justice : le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Mais plutôt que de brandir, comme à chaque fois, les étroits calculs électoraux et politiques – des thèses faciles et toutes prêtes à ressortir-, on ferait mieux de se demander pourquoi le président Bouteflika, à l’inverse de ses prédécesseurs, a choisi de rendre justice à tamazight. Pour une raison simple, en fait : s’il s’était dressé contre la reconnaissance de tamazight, il aurait probablement imposé au pays des épreuves encore plus terribles que la décennie noire. Sombrant dans une insurrection menée par des groupes islamistes radicaux armés, l’Algérie n’a dû son salut qu’à la charte de la paix et de réconciliation nationale initiée par le président Bouteflika lui-même, sans aucune aide de la communauté internationale. Or, on sait que de tels conflits de minorités régionales et linguistiques sont une proie par prédilection pour les adeptes de l’intervention étrangère et des «printemps arabes». Ce sont-là les vérités dont les islamistes ne veulent jamais parler. Ils dénoncent «les velléités d’autonomie et de séparatisme», donnent une importance démesuré à un mouvement -le MAK- boudé par la majorité des citoyens berbérophones et les partis politiques enracinés dans les régions, comme pour amplifier le sentiment de peur et de division si tamazight accède réellement a son nouveau statut dans la Constitution. Mais ces islamistes semblent oublier de préciser que, en périodes avant et post-indépendance la Kabylie a été toujours à l’avant-garde pour protéger la nation et que c’est cette même Kabylie qui empêche aujourd’hui ces sous-traitants intégristes d’appliquer les agendas saoudiens, turques ou qataris dans le pays.
Des puissances étrangères dont les souffrances et les peines des peuples ne valent strictement rien devant leurs projets de domination et de servir leurs chefs occidentaux intéressés seulement par les richesses naturelles de ses pays. Bouteflika a choisi l’option la plus judicieuse : «la souveraineté nationale». En dehors du fait d’aller ou pas vers les prochaines élections présidentielles de 2019. Il aura servi son peuple dans une circonstance dramatique sans considération pour son intérêt personnel. Pour cette raison, les campagnes de dénigrement émanant de l’étranger ne cesseront pas. C’est le sort des hommes d’État courageux.
Hamid Mecheri