Le projet de loi de Finances complémentaire (LFC 2020) qui doit être passé au vote dimanche prochain à l’Assemblée populaire nationale, a créé une ligne de fracture entre les députés et le président de l’hémicycle, Slimane Chenine. Plusieurs députés réfléchissent à l’abstention et de ne pas voter en faveur de ce projet de loi si aucun des amendements proposés n’est adopté, nous a fait savoir, hier, le député Houari Tigharssi, également membre de la Commission des finances et du budget. En cause de cette colère et révolte des députés : « la présentation du PLFC 2020 au débat en séance plénière, sans passer d’abord par la Commission des finances, qui n’a pas encore finalisé le rapport préliminaire de ce texte de loi ». Tigharssi, qui juge la décision de Chenine de « véritable catastrophe », a indiqué que le jour du vote « les députés vont entrer dans la plénière, mais ne voteront pas ». « Samedi dernier, c’est-à-dire un jour avant la fête de l’Aïd, alors que la plupart des députés étaient chez eux, on a appris la nouvelle via la Télévision publique. Le rapport préliminaire n’est pas encore prêt et devrait être finalisé dimanche prochain. Dans le calendrier de la Commission, c’était prévu d’auditionner 7 ministres aujourd’hui et demain [hier et aujourd’hui, NDLR] mais l’administration de l’Assemblée les a annulés », a-t-il regretté. « Le président de l’APN a décidé tout seul cette décision [de fixer la date du vote sur la loi] et en portera tout seul la responsabilité. Il justifie cette précipitation tantôt par l’urgence du temps, tantôt par des décisions venant d’en haut. Mais nous, aucun député au sein de la Commission des finances ne s’est plaint d’avoir subi des pressions d’en haut », a-t-il expliqué. L’introduction des nouvelles taxes et la révision à la hausse des impositions appliquées aux produits pétroliers dans le PLFC 2020 continuent de susciter les inquiétudes des députés, à tel point que certains l’avaient qualifiée de « la loi des surtaxes ». Ils ont appelé ainsi à « supprimer tous les articles autour des taxes en question ». Le député Abderrazak Meghouache a contesté les dispositions apportées dans le PLFC 2020, estimant que « le temps n’est pas pour les augmentations » car « il n’aide pas le citoyen » et par conséquent « il faut surseoir à toute décision portant sur des augmentations de taxes et impôts ». « Depuis l’instauration des mesures de confinement dans le pays, des boutiques, cafétérias, restaurants et autres magasins sont fermés. Nous attendions au moins à ce qu’il y ait des abattements des impôts. Nous comprenons le souci du gouvernement de chercher à renflouer la Trésorerie publique, mais pour cela il faut qu’il trouve d’autres mécanismes pour financer le budget », a-t-il dénoncé. Le député Mohamed lamine Hariz a fustigé l’exécutif qui, selon lui, fait toujours « dans le bricolage », tout en regrettant que « c’est toujours le citoyen qui payera le prix ». Il s’interrogera : « est-il logique de dire aujourd’hui que nous n’avons pas d’autres choix ? », ajoutant : « le coronavirus a déplumé le simple citoyen et nous lui demandons encore de supporter plus d’impôts et de taxes ». Il a plaidé en faveur de « la libération de l’investissement dans le secteur privé et son affranchissement des verrous de la bureaucratie ». Le député Lakhdar Benkhellaf a dénoncé la programmation par le bureau de l’APN des séances de débats sur le PLFC, affirmant que les élus de l’Assemblée n’ont pas eu le temps nécessaire pour examiner ce texte qui contient, selon lui, des « dispositions qui remettent en cause des mesures déjà adoptées dans la loi de Finances 2020 ». Il a cité, notamment, la révision à la baisse du montant minimum en devises soumis à la déclaration douanière de 5 000 euros à 1 000 euros, appelant à sa suppression et à lutter contre les transferts illicites de devises pour l’achat de biens immobiliers à l’étranger. Même s’il ait salué « certaines mesures positives dans le texte », le député Abderrahmane Yahia a estimé que « le coronavirus a mis à nu la réalité de notre économie » et montré que « le seul souci de ce texte de loi est d’augmenter les recettes de l’État ». « Imposer trop d’impôts tue l’économie nationale. La solution réside dans la valorisation du travail et de la qualité. On aurait dû commencer par le recouvrement des impôts et taxes non payés et qui représentent une grosse somme. Mais l’État continue toujours dans sa logique qui se résume comme ce dicton chinois : “ Si le seul outil que vous avez est un marteau, vous verrez tout le problème un clou” », a-t-il indiqué.
Hamid Mecheri