Ils ont perdu finalement. Contre le cours du jeu. Les armes à la main. Avec les honneurs. Qu’est-ce qui leur a manqué finalement pour se rapprocher du but fixé ? Méritaient-ils de perdre ?
Fin du voyage, la tête haute
La Côte d’Ivoire, qui ne leur était pas supérieure, notamment lors d’une seconde mi-temps de très bonne facture et bien maîtrisée, méritait-elle de l’emporter ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi et où se trouve la faille ? Qu’est-ce qui a fait la différence à l’arrivée dans un sommet qui a tenu toutes ses promesses et joué, comme on le prévoyait, sur trois (ça fait beaucoup et on le concède) détails. Sur trois erreurs d’inattention. Un manque de concentration à des moments charnières de la rencontre. Fin du voyage pour les Fennecs qui quittent le train menant à la finale de dimanche prochain la tête haute. Pas faute d’avoir essayé. Une défaite amère. Cruelle. Dont on laisse le soin aux «spécialistes» d’en situer la «faille», même si, et on est d’accord avec lui, le 1er responsable technique de la sélection qui sait de quoi il parle, donne à chaud un commentaire aussi lucide que serein. Pour dire que l’équipe a fait son boulot. Ce qu’il fallait faire. Que ses joueurs «n’ont rien à se reprocher», en estimant que «sur le plan du jeu, on n’a rien à lui reprocher, à part l’efficacité.» Mérité, le succès des Ivoiriens qui «n’ont pas eu beaucoup d’occasions ?» Évidemment que «Non», considère-t-il.» Et de poursuivre, toujours à chaud, sans polémiquer, en reconnaissant que s’il y a une «déception» à recenser, elle est «à chercher au niveau du rythme, le physique» où, et «sur l’ensemble de la CAN, les joueurs ont quelque part failli». Les Fennecs, donnés pour archi-favoris avant le début de l’épreuve, s’en reviennent au pays déçus. Trop tôt pour ne pas montrer quelques regrets, alors qu’ils ont peut-être étalé le meilleur football. Fin d’un rêve pourtant à portée des pieds magiques de Brahimi, curieusement loin de son niveau et qui a reçu le traitement «spécial» qui lui était promis, et de ses camarades qui se sont bien battus. Ont mérité la confiance placée en eux. Mérité, tout simplement, l’indulgence de l’opinion qui sait reconnaître les siens. Qui comprend que l’heure, maintenant que les bilans sont là, n’est pas aux règlements de comptes. S’accorde, dans une unanimité inhabituelle, à prévenir qu’il faut éviter la chasse aux sorcières. Garder la tête froide, l’option de la stabilité n’étant pas le moindre des atouts pour assurer la continuité. Rester dans une dynamique favorable qu’un match perdu, fut-il des quarts de finale de CAN (qui plus est sur un coup de dés) ne saurait remettre en cause. La meilleure preuve, et elle semble la plus plausible et la moins coûteuse, est donnée par le président de la FAF, Raouraoua, qui est allé à la rencontre des joueurs à l’arrivée d’une grosse déception, d’une élimination imméritée, pour leur toucher quelques mots de réconfort. Leur affirmer son plein «soutien». Leur remonter un moral en berne en reconnaissance de leur belle tenue de route et d’un engagement sans faille lors de tous les duels qu’ils ont su relever avec courage et brio.
Tourner vite la page
L’équipe n’a pas démérité. Au-delà des critiques objectives ou non, on retiendra, malgré la tournure prise par les évènements et des prétentions africaines différées à une autre édition (ils auront, et c’est dans l’air, l’occasion de briller dans deux ans sur leurs terres en Algérie, si bien sûr la candidature algérienne est retenue, et d’arborer enfin cette seconde étoile qui fuit le football national depuis 25 longues années) et de préparer, dans la sérénité, le rendez-vous mondial de 2018, en Russie où ils se présenteront (avec pratiquement le même effectif et le même staff technique sûrement) avec plus d’expérience. Et donc de métier. Et, pourquoi pas, frapper un grand coup dans la cour des grands. C’est d’autant plus vrai que le coach national, Gourcuff aura définitivement fait connaissance avec les réalités des terrains du continent et ses compétitions où (il l’a compris en Guinée équatoriale) le seul talent ne suffit pas. L’E.N méritait-elle une telle désillusion, alors qu’elle frappait aux portes de l’histoire et avait les moyens de mettre l’Afrique à ses pieds ? La première réponse est de tourner très vite, une fois la déception digérée, la page. Ne pas céder aux appels des «changements » hâtifs et infructueux. En faisant toujours confiance (du côté de Dely Brahim, la question a été, on l’imagine aisément, tranchée bien avant le coup d’envoi de la messe africaine et ne dépendait pas du seul objectif «titre») à un groupe capable de mieux. Qui a encore besoin de grandir. Acquérir cette «science» qui lui a fait défaut devant de très rusés «Éléphants» ravis d’avoir fait la différence sur ce volet qu’est l’expérience des grands tournois. Stabilité ! Le maître-mot. Dans toutes les bouches. Un leitmotiv pour des joueurs, certes écrasés par la douleur de perdre sur un «rien», mais qui tiennent à rester ensemble pour d’autres défis. Avec le même esprit. Le capitaine courage, Bougherra, en tête, qui faisait à l’occasion ses adieux à la sélection, en des termes à méditer. Tout d’optimisme quant à l’avenir d’une équipe promettant le meilleur. Avec ce «les jeunes joueurs actuels peuvent encore prétendre à trois autres CAN à l’avenir», Magic met le doigt là où il faut: la continuité dans le travail. Dans le projet à long terme que fait sienne la FAF. La défaite? Réponse sans équivoque d’un battant qui a roulé sa bosse : «Je pense que c’est en perdant ce genre de match que l’équipe progresse.» Même son de cloche chez ses autres coéquipiers. À l’instar de Taïder qui, malgré une mine des mauvais jours, garde ses esprits et dit sa crainte de voir «tout être remis en question» en tenant des propos à valeur de message pour les décideurs : «L’équipe d’Algérie est jeune et ce genre de matchs lui permet de grandir. Il y a un groupe de joueurs de qualité qui, peut- être, manque d’expérience, surtout sur le plan africain. Nous avons énormément appris lors de cette CAN et cela nous servira pour les compétitions à venir.» Rejoint par Slimani qui abonde dans le même sens avec ce «Il faut travailler et continuer à y croire. L’entraîneur a fait son boulot, nous aussi, on s’est donnés à fond, il ne faut pas s’arrêter là. On a quand même atteint les quarts de finale et on est parvenus à sortir d’un groupe difficile.»
Du calme !
Pour rappeler leur solidarité à toute épreuve. Rappeler que seul le travail à long terme est rentable. Ce qui, au passage, peut ressortir de la réaction du driver national, Gourcuff, qui garde son calme et ne cède pas à la précipitation en présentant, par exemple, sa démission. Avec cet appel de sagesse à l’adresse des responsables de la fédération et dont on peut deviner la réponse : «Si on veut continuer à travailler avec moi, je le ferai avec plaisir, sinon…» On tourne la page ?
On passe à autre chose. En retenant les leçons d’une compétition africaine qui ne finira décidément pas de nous étonner par ses côtés imprévisibles et ses aspects extra-sportifs qui peuvent peser lourd à l’heure de la grande cérémonie de remise des prix. Remettre en cause bien des convictions. Gourcuff, pour résumer le tout avant de passer à autre chose: «Sur l’ensemble de nos matchs disputés durant cette CAN, on n’a pas eu le même rythme de jeu. Car même lorsque nous avons dominé nos adversaires, comme ce fut le cas ce soir, il n’y avait pas suffisamment de rythme dans le jeu pour créer le décalage. Après, il y a eu plusieurs facteurs dans cette Coupe d’Afrique qui peuvent expliquer cela, entre autres la mauvaise qualité de la pelouse et le volet physique des joueurs (…) La façon avec laquelle on a dominé le match me permet de nourrir beaucoup d’espoirs en cette équipe.» C’est dit avec tellement de sincérité et de recul (c’est un exercice très difficile à ce stade-là et dans ce genre de situations) que l’espoir est permis. L’espoir, on sera sûrement d’accord avec nous, que l’on n’efface pas tout et l’on recommence. Que l’on reparte, et c’est le choix le plus judicieux pour celui qui veut aller loin, avec le même groupe et le même état d’esprit. L’E.N méritait-elle d’aller loin dans cette CAN ? La réponse importe peu par rapport aux urgences. À l’urgence de se remettre au travail au plus vite et d’oublier la déception.
A. A.