Le foncier agricole n’a jamais été aussi menacé de cession, voire de bradage diront certains, par les investissements industriels, dont l’Algérie a besoin tout de même pour faire décoller son économie. Face à la polémique, le Premier ministre a donné instruction aux walis d’interdire toute concession et l’octroi de terres agricoles, de nature «très fertile ou fertile», aux porteurs de projets dans le domaine industriel. Se trouvant depuis des semaines au cœur de la polémique, le projet automobile de Peugeot prévu à l’Ouest du pays fait cas et est en passe même de devenir scandale. Preuve en est que, les travaux de réalisation de son usine bloquent alors qu’ils devaient être lancés en avril dernier. Quand bien même, avant cette échéance, le wali d’Oran a donné instruction aux autorités compétentes de la wilaya pour déclassifier les terres agricoles de la région El Hamoul, dans la commune d’El Kerma, pour permettre la réalisation de l’usine Peugeot. Cependant, le blocage persiste en raison de la vocation du terrain concédé au profit du constructeur automobile français qui pose problème. Des agriculteurs expropriés de leurs assiettes foncières accordées pour l’installation de l’usine, prévue dans la région d’El Hamoul (commune d’El Kerma), à Oran, s’opposent au projet et dénoncent ce qu’ils craignent être les signes d’un «bradage» du foncier agricole. D’autres parmi eux, en revanche, soutiennent le déblocage de la situation pour le lancement des travaux de l’usine de construction des véhicules de la marque au Lion. Contraint plus à l’action, que de répondre en lieu et place à la polémique, le gouvernement a donné suite à la directive du Président à travers cette instruction, qui date du 27 mai dernier, adressée aux membres de l’Exécutif et aux walis en particulier. Sur le document, qui s’étale sur trois pages et dont le site d’information alg24.net a révélé le contenu, on pouvait lire qu’«il est interdit, en toute circonstance, de déclasser des terres agricoles très fertiles ou fertiles». Aussi, le Premier ministre a ordonné l’annulation de «la classification des exploitations agricoles individuelles (EAI) ou collectives (EAC). Néanmoins, la décision qui doit en découler doit recueillir au préalable l’«approbation» de la commission interministérielle en charge du dossier agricole. En tout cas, cette instruction était en lien direct avec la mesure sur les terres agricoles, introduite récemment, dans l’avant-projet de la loi de Finances complémentaire pour 2018. Une mesure qui s’apparente à une brèche ouverte dans le texte élaboré par le gouvernement. Cette disposition prévoit en effet la possibilité de céder les terres agricoles aux étrangers. Dès lors une polémique est née et a gagné même la scène politique. Le dossier a fait des zigzags qui ont contraint le président de la République à intervenir pour trancher sur le dossier alors que le Conseil des ministres, consacré entre autres dossiers à cette question, a fait l’objet de deux reports. Ainsi, après avoir ordonné une deuxième lecture sur la mouture de l’avant-projet de la LFC-2018, le chef de l’État a décidé le retrait de la mesure controversée d’où une décision entérinée au dernier Conseil des ministres, tenu la semaine passée. Auparavant, il est vrai que lors du Conseil du 14 mars dernier, il a été adopté un décret sur le déclassement des terres domaniales, mais à «très faibles productivités agricoles» pour la création de 11 zones industrielles. Toutefois, il n’était pas question de toucher aux terres fertiles et à vocation agricole proprement dit. Quand bien même il s’agirait de libérer des terrains à l’investissement industriel dont a besoin l’économie du pays. Comme quoi, il serait bon d’ouvrir plusieurs chantiers dans les secteurs générateurs de richesses, mais faut-il encore que cela ne soit pas au détriment d’autres, tel le secteur agricole.
Farid Guellil
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