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LE PROFESSEUR BOUTHEÏNA CHERIET SUR LE RÔLE DE LA FEMME DANS LA SOCIÉTÉ : «Minorer la femme algérienne, c’est nier la philosophie de la dignité humaine qui prévaut dans la société musulmane»

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Pour l’ex- ministre-déléguée auprès du Chef du gouvernement, chargée de la Famille et de la Condition féminine, le professeur Boutheïna Cheriet, invitée, hier, à s’exprimer sur «la situation de la Femme en Algérie», au Forum du Courrier d’Algérie, «il faut revisiter l’histoire souvent, quand il y a des malentendus où des idées préconisées» sur des questions et des situations qui se posent à nous, surtout, «pour un pays comme l’Algérie » souligne-t-elle, qui a une histoire riche, notamment par ses enseignements.

Parler de la situation actuelle de la femme algérienne, pour l’auteur de nombreux articles parus dans des revues internationales, sur la femme, la société et l’État en Algérie, il faut procéder par « une lecture de la société algérienne et de son évolution » qui doit se faire souligne-telle «selon une approche dynamique» estime Mme Boutheina Cheriet. Durant la période de la colonisation française, en Algérie, qui «a été particulièrement dure pour l’ensemble des catégories» du peuple algérien, notamment, poursuit-elle «pour la femme algérienne, qui sous le système politique colonial, il y avait un silence total par rapport à la situation féminine», comme ce fut aussi le cas, ailleurs, dans les pays africains colonisés. Mettant en avant la dynamique politique du Mouvement national algérien, jusqu’ au «sursaut du déclenchement de la Guerre de libération», l’invitée du forum insiste pouraffirmer qu’il s’agissait bel et bien d’une «Révolution», qui a bouleversé l’ordre colonial établi et a vu le peuple algérien prendre son destin en main, «hommes et femmes», donnant ainsi une résonance mondiale à la révolution algérienne contre le système politique colonial de la France en Algérie. Pour celle qui a à son actif une dizaine de publications ayant trait au problème du statut personnel à la lumière de l’analyse «genre», la Révolution pour la libération du pays «a généré des transformations profondes» dans la société algérienne. Et au lendemain de l’Indépendance, le nouvel État a lancé «des politiques populistes» que le pays, souligne-t-elle «en avait besoin» à travers notamment la démocratisation de l’enseignement, ouvrant ainsi les portes des écoles aux garçons et aussi aux filles de l’Algérie indépendante, alors que la santé publique et «l’évolution de la société algérienne» se poursuivait. En ces années 70, la société algérienne «n’était pas fermée sur elle-même» tient à rappeler celle qui a consacré son itinéraire professionnel à l’enseignement et la recherche, et même des filières universitaires réservées longtemps aux étudiants enregistraient l’afflux des étudiantes, pour ces spécialités, à l’exemple des sciences technologiques. Ne manquant pas tout au long de son intervention de revenir sur des faits et des évènements, et notamment sur l’environnement général, dans lequel évoluait la société algérienne sur la voie du progrès et de la modernité, l’invitée du forum explique l’état des lieux aujourd’hui par l’entrée «des archaïsmes exogènes et extérieurs à notre société.» Pis encore, sur le code de la famille rédigé et adopté, en 1984, pour notre interlocutrice «la pensée wahabite a été introduite» citant «l’introduction du terme du tuteur» outre «l’autorisation de sortie, ect» et d’ajouter «même la polygamie, laquelle n’existait pas dans notre société». Alors que durant la Révolution du 1er novembre, elle a été la combattante avec l’arme à la main, la moudjahida et la fidaïya, accédant après l’indépendance, au poste d’enseignante, médecin, formatrice, universitaire, «le Code de la famille persiste à lui imposer un tuteur», et pour ironiser, elle dira qu’il «n’est pas là quand elle fait face au divorce». Reconnaissant que, depuis, des avancées notables ont été enregistrées en matière de promotion des droits de la femme, notamment avec les lois relatives à sa représentation au niveau des institutions de l’État et les récentes législations adoptées ; suite à la révision du code de la famille, l’invitée du Forum insiste sur le fait que «beaucoup reste à faire», plaidant en faveur d’une véritable «représentativité des acquis révolutionnaires de la société algérienne en matière de citoyenneté dans une Algérie amazighe, arabe et musulmane» et ce en invitant les responsables «à revisiter l’histoire, quand il y a des malentendus où des idées préconisées», notamment en matière des droits de la femme et de son rôle incontournable dans la société. Pour l’ex-maître-assistant en éducation comparée et en sociologie de l’éducation à l’Université d’Alger en 1988, ceux qui persistent, dira-t-elle «à minorer la femme algérienne» n’ont rien à voir «avec la philosophie de la dignité humaine qui prévaut dans la société musulmane» ni avec, poursuit-elle, «les traditions de horma de la société algérienne.» Plus loin, l’invitée du Forum s’interroge : «qui pourrait aujourd’hui nier en Algérie le rôle fondamental de la femme» notamment «dans l’émancipation de toute la société algérienne, avec toutes ses composantes culturelles et historiques» a-t-elle conclu.
Karima Bennour

BOUTHEÏNA CHERIET, EX-MINISTRE CHARGÉE DE LA FAMILLE ET DE LA CONDITION FÉMININE
« La liberté des femmes existe toujours en Algérie»
Mme. Boutheïna Cheriet, ex-ministre chargée de la Famille et de la Condition féminine dans l’ex-gouvernement de Ali Benflis, et professeur spécialiste en littérature anglaise, a laissé planer une atmosphère particulière faite de dévotion et pleine de civilités, lors de son passage, hier, au Forum hebdomadaire du « Courrier d’Algérie».
Le débat s’est axé sur la situation de la femme en Algérie, ce qui a permis une discussion intéressante et très fructueuse par rapport au sujet. En effet, pour elle la place de la femme dans la société est une préoccupation permanente et elle s’inscrit dans la participation du combat démocratique de la femme algérienne. Interrogée sur la législation actuelle qui donne plus de liberté à la femme, Mme Cheriet dira qu’ en Algérie il y avait toujours une liberté de la femme. Sous l’ère Boumediene, les femmes ont eu leurs droits absolus, mais il disait toujours que la femme doit rester modeste et proche de l’Islam. Boumediene n’avait jamais voulu qu’il y ait une législation sur le statut personnel ou de codification de la famille, et ce pour éviter ce genre de choses.
Il connaissait trop bien le discours islamique parce qu’il avait fait «l’université d’El-Azhar», il avait une position très claire. Pas d’intrusion de la religion dans la politique, ça n’a pas été dit clairement car nous n’étions pas un État laïc.
Le seul pays musulman laïc, c’est bien la Turquie», a-t-elle fait savoir. Tout en ajoutant : «Le Président tunisien, Bourguiba, dans ses discours dans les années 60 et 70 a toujours bien spécifié qu’il ne fallait pas introduire la religion dans la vie politique. Alors que Boumediene était un peu plus fin, il évitait d’aller vers l’utilisation de la religion, mais il donnait toujours une grande importance, il voulait absolument qu’il y ait une marque rationnelle de la religion car il y avait dans la société algérienne des tendances «islamisantes» basées sur la philosophie de Malek Bennabi. » Pour revenir à la question sur le développement et la législation, notre interlocutrice a signalé que « les législations sur la liberté des femmes et leurs droits à l’égalité des chances sont là, surtout contre la violence, les quotas au niveau de l’APN c’est 30%; d’ailleurs, même les Suédois l’ont fait dans les années 70. Maintenant, il reste l’utilisation de ces lois. Quels sont les relais qui ont été inventés pour qu’on sache le taux de violence dans notre société. Comment sont protégés les femmes et les enfants ? Les relais sont importants, ils existent ou non, je n’ai aucune idée et j’en ai l’impression », a-t-elle dit.
B. M. Wali

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