Fini le suspense autour du nom qui héritera des commandes de l’Exécutif pour succéder à Noureddine Bedoui. La messe a été dite ! Le choix du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, s’est porté sur Abdelaziz Djerad, nommé Premier ministre, au bout de quelques jours de tractations et de consultations, qui auront accouché d’une surprise à laquelle le monde politique national ne s’attendait pas. «Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a nommé samedi, M. Abdelaziz Djerad, Premier ministre et l’a chargé de former le gouvernement», a annoncé hier, dans un communiqué, cité par l’APS, la présidence de la République.
Aussitôt sa nomination actée, Abdelaziz Djerad a pris officiellement ses fonctions lors d’une cérémonie de passation des pouvoirs avec Sabri Boukadoum, qui assurait l’intérim à la tête de l’Exécutif depuis la démission de Noureddine Bedoui d’il y a une dizaine de jours. D’ores et déjà, le nouveau Premier ministre a inscrit sur son agenda immédiat la formation du gouvernement, comme mission dont il a été chargé par le président Tebboune. Autrement dit, Djerad s’attèlera sans tarder à constituer son staff gouvernemental avec lequel il aura à diriger l’Exécutif. Exceptés les portefeuilles de souveraineté comme les Affaires étrangères, l’Intérieur, les Finances ou encore la Justice, dont la nomination échoit au Président, Djerad aura à proposer les personnalités qu’il juge compétentes pour occuper les autres postes ministériels avant de les soumettre à l’approbation et à l’aval du chef de l’État.
Au-delà de son profil qui tranche avec les traditionnelles nominations, généralement tirées dans l’organigramme des partis du pouvoir, sinon le FLN et le RND, Djerad a tenu des propos par lesquels il tente de se distinguer des figures et autres symboles incarnant le système, honni et banni par la rue, depuis le 22 févier dernier. Ainsi, au sortir de l’audience que lui a accordée le Président, le successeur de Noureddine Bedoui a fait ses premières déclarations à la Télévision publique. «J’ai été reçu aujourd’hui par monsieur le président de la République qui m’a chargé de former le gouvernement. Je le remercie pour cette confiance», a-t-il tenu comme propos d’usages, avant d’aborder les grandes lignes de ce qui sera sa mission à la tête du premier Exécutif qui aura la charge d’appliquer le programme présidentiel. «Nous sommes face à un grand défi dans le but de rétablir la confiance dans notre société, et face à des défis économiques et sociaux. Nous allons travailler avec toutes les compétences nationales, des cadres de la nation, et tous les Algériennes et Algériens dans le but de sortir de cette conjoncture difficile. Je suis sûr et certain que le contenu du programme de monsieur le Président nous permettra de travailler dans l’intérêt suprême du pays», a-t-il ajouté.
Le rapport du politologue avec le Hirak
Lors de son premier discours face au peuple algérien, fraichement tenu après sa victoire aux élections du 12 décembre, le président Tebboune a promis de prévaloir le critère de compétence dans le choix des personnalités qui siégeront dans son gouvernement, comme celles d’ailleurs qui constitueront son entourage immédiat au palais d’El Mouradia. Ainsi, la nomination de Djerad à la tête de l’Exécutif s’apparente à un premier signe de cet engagement au vu du profit du nouveau locataire du Palais du Docteur Saâdane.
Diplômé de l’institut des sciences politiques et des relations internationales d’Alger en 1976, Djerrad a gravi les échelons pour obtenir, cinq ans plus tard, le titre de Docteur d’État à l’université de Paris. Depuis lors, et jusqu’à 1992, il a exercé en tant qu’enseignant dans des universités algériennes et étrangères. De 1989 à 1992, il occupera le poste de directeur de la prestigieuse École nationale d’administration d’Alger, pour un énarque qui a eu à consacrer une bonne partie de son parcours à la formation des cadres de l’État. Au titre des fonctions officielles, Djerrad a eu à travailler, de 1992 à 1993, sous la coupe de l’ancien président du HCE, Ali Kafi, en tant que Conseiller diplomatique, avant de diriger jusqu’à 1995 le Secrétariat général de la Présidence. Enfin, de 2001 à 2003, Djerad a exercé les fonctions de SG dans le département des Affaires étrangères.
Au-delà maintenant d’un CV bien étoffé pour un énarque voué au service de l’État et son administration, le nouveau PM aura à diriger un gouvernement sur lequel pèse une crise politique- aux conséquences socio-économiques à prendre en compte- lourde de quelques 10 mois, à considérer notamment l’avènement du Hirak du 22 février dernier. Djerad aura-t-il suffisamment de bagage politique pour traduire la politique du programme du président de la République sur le terrain ?
S’il est encore trop tôt pour le dire, le politologue et l’enseignant universitaire qu’il est pourrait éclairer davantage sur l’état d’esprit du nouveau Premier ministre. Dans le feu du mouvement populaire et citoyen, invité alors en avril 2019 dans l’émission l’Invité de la rédaction de la Chaîne 3, Djerrad considérait, d’un point de vue de politologue, qu’il était question d’apporter «des solutions politiques à une crise politique». Il en voulait alors pour preuve l’application des articles 7 et 8 de la Constitution suivant la volonté populaire, alors qu’il considérait le rôle de l’état-major de l’ANP d’important dans l’application des revendications du peuple. Mais depuis, les choses ont évolué avec l’organisation de l’élection présidentielle du 12 décembre qui a vu sortir un nouveau président de la République.
Autrement, on n’en est plus dans le même contexte. Donc, il ne s’agit plus de faire parler le politologue mais l’homme de l’Exécutif, dont la mission est aussi lourde qu’un Premier ministre qui aura à traduire sur le terrain le programme du Président.
Farid Guelil