Le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Louh, a annoncé, hier, l’intention de l’Exécutif d’introduire prochainement des réformes sur le Conseil Constitutionnel pour répondre ainsi aux nouvelles exigences portées par la nouvelle constitution de 2016 et les objectifs d’un «État de droits».
«Dans le futur, nous allons vers une loi en rapport avec la réorganisation des textes relatifs au Conseil constitutionnel », a-t-il affirmé hier devant les députés de l’Assemblée populaire nationale, précisant que ces réformes devaient intervenir dans une «vision de long terme». Tayeb Louh intervenait lors de la présentation du projet de loi sur l’exception de constitutionnalité devant les représentants du peuple dans la chambre basse du parlement. Le ministre a fait savoir que le règlement intérieur relatif à la réorganisation de Conseil constitutionnel devrait intervenir après les débats sur le texte organique portant sur l’exception de constitutionnalité. « Traiter des textes et dispositions relatifs au Conseil constitutionnel est de sorte de la loi et non pas de règlement intérieur. Car les règles intérieures relatives au CC ne peuvent pas être incluses ou introduites dans cette loi – sur l’exception de constitutionnalité–», s’est-il justifié. Le ministre a fait savoir également que les textes sur le règlement intérieur devaient intervenir en séance plénière devant tous les députés pour enrichissement et débat. Louh a précisé également que les textes actuellement en application, portés par la nouvelle constitution modifiée de 2016 sont « transitoires », car intervenant sur une période de 3 ans. Ainsi, se défend Louh, la nouvelle loi sur l’exception de constitutionnalité n’entrera en vigueur qu’à partir du 7 mars 2019. Le ministre Louh a estimé que cette nouvelle loi organique est «la preuve irréfutable» que le président de la République est déterminé à mener le pays sur la voie du renforcement des droits fondamentaux et des libertés individuelles, dans l’objectif de la consolidation du processus démocratique de la vie publique. Ce texte organique vise, à travers le dispositif prévu par l’article 188 de la Constitution, à permettre au justiciable de contester la constitutionalité d’une disposition législative lors d’une instance en cours devant une juridiction, lorsqu’il estime que cette disposition porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Le ministre de la Justice a soutenu que seules 3 autorités peuvent saisir le Conseil constitutionnel suite à cette nouvelle révision: le Premier ministre, 50 députés de l’APN ou 30 membres du Conseil de la nation. Or, cette saisine, par ces 3 autorités, reste assez restreinte et ne leur donne pas droit à effectuer les démarches d’exception de constitutionnalité comme stipulé dans l’article 188, qui reste réservé uniquement aux citoyens à l’occasion d’une action en justice les concernant, s’ils estiment que la loi porte atteinte à leurs droits et libertés. « Ce droit est réservé uniquement au citoyen et ne pourrait être exercé par d’autres parties ou institutions. Ces derniers peuvent uniquement demander le contrôle de la constitutionalité des lois en vigueur», s’est expliqué le ministre. Toutefois, le Conseil constitutionnel n’est pas saisi directement par le citoyen, mais par le Conseil de l’Etat ou la Cour suprême de l’État. Lors des débats sur ce texte de loi organique, le député de l’alliance Adala-Nahdha-Bina, Lakhdar Benkhellaf, a plaidé pour «une Cour constitutionnelle» comme dans la plupart des pays démocratiques. « L’objectif principal de contrôle constitutionnel est de dynamiser et réactiver la démocratie afin de donner plus de légitimité pour pouvoir faire face à l’autorité de l’Etat et de consacrer les principes de la légitimité et la protection des droits et libertés des individus dans le respect de l’échelle de la graduation des lois », a défendu Benkhellaf. Djelloul Djoudi, chef de groupe parlementaire du PT, a mis en cause le fait que malgré les nombreux textes promulgués par l’institution législative, la non-application des lois fait défaut sur le terrain. « Parmi ces droits, le droit à la grève qui, à chaque fois, est bafoué par la justice malgré que les parties grévistes arrivent toujours à justifier leurs actions par les documents nécessaires. La réalité sur le terrain nous prouve que l’instrumentalisation de la justice malheureusement est une réalité existante », a plaidé Djoudi.
Hamid Mecheri