Après la disparition tragique, mardi, du jeune franco-algérien, Nahel, victime d’une bavure policière en France, les autorités algériennes ont réagi, jeudi, via un communiqué du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, affirmant suivre avec « une très grande attention » les développements de cette affaire qualifiée de « brutale et tragique ».
« Le ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger a appris avec choc et consternation la disparition brutale et tragique du jeune Nahel et les circonstances particulièrement troublantes et préoccupantes dans lesquelles elle est intervenue », lit-on dans un communiqué du ministère. Il a exprimé « ses très sincères condoléances à la famille du défunt et l’assure que son deuil et sa peine sont largement partagés » en Algérie, a-t-on ajouté de même source. Le ministère dit « faire confiance au gouvernement français à assumer pleinement son devoir de protection, soucieux de la quiétude et de la sécurité dont doivent bénéficier nos ressortissants sur leur terre d’accueil ». Il a assuré que le gouvernement algérien continuait à suivre avec « une très grande attention » les développements de cette « affaire tragique, avec le souci constant d’être aux côtés des membres de sa communauté nationale au moment de l’adversité et de l’épreuve ».
Une « bavure » de trop
Mardi 27 juin, le jeune franco-algérien de Nanterre qui travaillait comme chauffeur-livreur de pizza a été abattu par la police au volant de sa voiture pour refus « présumé » d’obtempérer. La victime est décédée peu de temps après malgré l’intervention du Samu qui lui a prodigué un massage cardiaque sur place. Ce drame a eu lieu à Nanterre. À se fier à la version de la police, relayée par plusieurs médias en France, l’adolescent a foncé sur le policier qui l’avait tué pour se défendre. Une version vite déconstruite par une vidéo filmée par un témoin. Ces images démontrent clairement que le policier n’était pas devant le véhicule pour prétendre craindre pour sa vie mais du côté de la porte latérale du véhicule. Suite à ce drame, le procureur de la République de Nanterre, Pascal Prache, a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire pour homicide volontaire visant le policier. Le parquet a requis son placement en détention provisoire. Selon lui, «les conditions légales d’usage de l’arme» lors du contrôle routier ayant conduit à la mort de Nahel n’étaient «pas réunies». Dans ses premières déclarations, le mis en cause a indiqué avoir usé de son arme en état de légitime défense.
Embrasement : des émeutes partout en France
Cette « bavure » policière a donné lieu à des émeutes qui ont émaillé la capitale française la nuit de mercredi à jeudi où des équipements publics ont été pris pour cibles et des heurts ont éclaté avec les forces de l’ordre. Les manifestations se sont élargies à d’autres villes de France et se sont également poursuivies dans la nuit de jeudi à vendredi. Toute l’Île-de-France, Seine-et-Marne, les Yvelines, l’Essonne, le Val-d’Oise, Nanterre (Hauts-de-Seine), l’épicentre des violences, Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis, Pantin), Paris, Brest, Tours, Strasbourg, entre autres, ont connu des émeutes suite à cette bavure. Dans sa première réaction, le président français Emmanuel Macron a dénoncé «des scènes de violences» contre «les institutions et la République» qui sont «injustifiables», après une nouvelle nuit d’embrasement des quartiers populaires, qui ont donné lieu à plusieurs incendies de mairies notamment. Des propos mal-appréciés par la foule qui scandait des slogans hostiles au président Macron et aux forces de sécurité. Hier vendredi, le chef de l’Etat français a dû annuler une conférence de presse à Bruxelles et a quitté le sommet de l’Union européenne pour regagner Paris, où il a dirigé une cellule de crise concernant ces manifestations. S’exprimant depuis cette cellule de crise interministérielle, le président Macon a appelé les parents à la responsabilité, assurant que «rien ne justifie la violence» et condamne une situation qu’il qualifie d’inacceptable». La Première ministre française Elisabeth Borne a, de son coté, réuni, le même jour, plusieurs ministres pour faire le point sur la situation après une troisième nuit de violences dans plusieurs villes en France, dénonçant des actes «insupportables et inexcusables». Elle a également fait savoir que «toutes les hypothèses», dont l’instauration de l’état d’urgence, sont envisagées par l’exécutif pour «le retour de l’ordre républicain». L’état d’urgence signifie entre autres l’interdiction des manifestations, cortèges, défilés et rassemblements de personnes sur la voie publique. Ce régime d’exception est enclenché en cas de risque de troubles à l’ordre public. Lors d’une rencontre à Matignon avec Élisabeth Borne, le maire de Nanterre, Patrick Jarry, a affirmé que « l’émotion et la colère ressenties après la mort de Nahel sont toujours très vives et partagées par toute une population », appelant à continuer à « entourer cette famille » et cette « maman qui va enterrer son enfant », tout en exprimant sa « la tristesse et la désolation ressenties par les habitants devant les violences et les dégradations ». Dans un article publié par The Spectator, intitulé « La France est de nouveau au bord du gouffre », le journaliste Gavin Mortimer a affirmé que le président français Emmanuel Macron est confronté à la « crise la plus grave » de sa présidence après une troisième nuit de chaos à travers la France.
La mère de la victime : Le policier « a vu une tête d’un Arabe, d’un petit gamin, il a voulu lui ôter la vie »
« Il n’avait pas à tuer mon fils, il y avait d’autres manières de faire. Une balle ? Si près de son torse ? Non, je ne peux pas imaginer ça (…). Il y a d’autres moyens de les faire sortir (du véhicule, ndlr). Tuer des petits comme ça… Ça va durer combien de temps ? Encore combien d’enfants vont partir ?», a réagi la mère de l’adolescent dans une déclaration sur France 5 pour sa première longue prise de parole depuis le drame. Le policier « a vu une tête d’un Arabe, d’un petit gamin, il a voulu lui ôter la vie», a-t-elle assuré, tout en souhaitant que la justice « soit vraiment ferme » contre le policier.
L’ONU appelle la France à « s’attaquer au racisme parmi les forces de l’ordre «
En réaction à cette énième bavure en France, le porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme a dénoncé des problèmes de «racisme et de discrimination raciale». «C’est le moment pour le pays de s’attaquer sérieusement aux profonds problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre», a déclaré Ravina Shamdasani, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme lors du point de presse régulier de l’ONU à Genève. Ces émeutes éclatées dans les banlieues françaises, rappelant celles ayant suivi la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré en 2005, deux adolescents morts en tentant là encore d’échapper à un contrôle de police. Plusieurs personnalités ont apporté leur soutien à la famille de la victime. Le footballeur Kylian Mbappé a déploré une situation « inacceptable », alors que l’acteur Omar Sy a demandé à ce qu’une « justice digne de ce nom » soit rendue. Plus de 2000 hommes ont été mobilisés pour contenir la colère des émeutiers. Un nouvel embrasement pour ce soir n’est pas à écarter selon la presse locale. Pour tenter d’endiguer les tensions, la ville de Clamart (Hauts-de-Seine) et celle de Compiègne (Oise), ont décrété un couvre-feu. Selon un dernier bilan donné par le ministre de l’Intérieur, plus de 600 personnes ont été interpellées en France lors de violences urbaines. D’autres sources parlent de près de 900 personnes interpellées de jeudi à vendredi en France, dont 408 à Paris et sa proche banlieue, lors de la troisième nuit consécutive de violences urbaines.
Brahim O.