Vivre de son art demeure le vœu le plus exprimé par la majorité des artistes, à l’occasion de leur journée nationale célébrée le 8 juin de chaque année, en dépit de certains acquis socioprofessionnels comme l’institution de la carte professionnelle d’artiste et le droit à la sécurité sociale et celui à la retraite.
Le président du Conseil national consultatif des arts et des lettres (Cnal), Abdelaker Bendameche, estime que la création de cette instance consultative, mise sous tutelle du ministère de la Culture, constitue en soi une «affirmation» de la reconnaissance du métier de l’artiste à part entière. Pour M. Bendamache, il est indéniable que l’artiste algérien jouit aujourd’hui de nombreux avantages socioprofessionnels, tel que le droit à la sécurité sociale. C’est dans ce sens qu’il a considéré que ce droit, institué par un décret promulgué en 2014, traduit la volonté affirmée de l’Etat à accompagner les artistes et améliorer leur situation sociale. Pour cet interprète du chant chaâbi, la nomenclature des métiers d’art fixée par décret, compte également parmi les acquis à mettre à l’actif des artistes pour qui le «métier de créateur» est désormais reconnu. Il a fait savoir, dans le même ordre d’idées, qu’un décret exécutif, en cours de finalisation, sur la relation de travail sera promulgué prochainement. Ce décret constitue, estime-t-il, une «base juridique» pour la relation de travail des artistes, jusque-là non fixée par un texte de loi, et vise à lutter contre les «pratiques abusives» des employeurs.
Par ailleurs et selon le président du Cnal, l’opération d’attribution des cartes d’artistes a bien avancé. Ainsi cette instance consultative a reçu, depuis 2015, 12 465 dossiers de demande de cartes d’artiste. Quelque 9 842 postulants ont effectivement reçu leurs cartes validant leur qualité d’artiste. Créé en 2011 par décret exécutif, le Cnal est composé de treize membres dont des personnalités du monde des arts et des lettres.
Appel à sortir de la précarité
En dépit de la note optimisme qui se dégage du bilan d’activité dressé par le président du Cnal, de nombreux artistes algériens s’accordent à dire que la situation de l’artiste demeure «précaire» malgré ces quelques « acquis socioprofessionnels. C’est ce qui ressort des propos de Bouchaoui M’hamed, musicien membre de l’Orchestre régional d’Alger, qui estime que «tout reste à faire» tant que le statut de l’artiste n’existe toujours pas. Tout en reconnaissant que le musicien professionnel perçoit une rétribution «conséquente», ce violoniste admet que la situation financière est «difficile» pour les musiciens amateurs, qui sont rarement sollicités. Pour le réalisateur Yahia Mouzahem, par contre, le climat n’est «pas favorable» à la création malgré la concrétisation de certains acquis notamment l’institution de la carte d’artiste. Relevant un manque de débats et de réflexion autour de l’art, ce producteur et auteur de plusieurs courts métrages dont «Cheikh Mebrouk» (1998), «Oranges (2003), la «Cité des vieux (2009), appelle les professionnels du cinéma à s’unir en association pour mieux défendre leurs» intérêts» . Il estime que la création est encouragée à travers le Prix Ali Maâchi, une récompense décernée annuellement aux créateurs dans tous les domaines artistiques. S’ajoutent, a-t-il enchaîné, les aides à la création accordées aux jeunes cinéastes par le Fonds de développement de l’art, de la technique et de l’industrie cinématographique (Fdatic), un organisme public sous tutelle du ministère de la Culture . Pour le comédien de théâtre, Abdelkader Djeriou, c’est bien l’absence d’un marché de l’art en Algérie qui déteint négativement « sur le niveau de la création artistique et sur la situation socioprofessionnelle de l’artiste, réduit, selon son expression, à un «simple figurant» remplissant des «rôles». C’est ce qui l’a amené à plaider pour une stratégie «politique» à même de relancer l’activité théâtrale à travers l’élaboration de programmes financés par les fonds publics. Abondant dans le même sens, le plasticien Rachid Djemaï regrette, pour sa part, l’absence d’un marché de l’art, susceptible de créer un circuit financier profitable aux artistes et aux galeristes. Ce diplômé des Beaux-arts (promotion de 1969) déplore le ralentissement du marché durant les années de braises (années 1990), du fait que de l’Algérie vivait une situation sécuritaire précaire engendrée par les actes terroristes des groupes islamistes armés.