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Grèce : Les réfugiés en route pour la relocalisation

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« J’ai tant pleuré au Liban, ça ne pourra être que mieux »: « relocalisés » de Grèce après deux ans d’errance, Houda et Zaher connaissent mal la France mais savourent l’idée d’y refaire leur vie, malgré la réputation d’intransigeance du pays en matière de laïcité.

Ce couple de Syriens, âgés de 23 ans, a pris l’avion jeudi pour Paris, avec 166 compagnons. Ils bénéficient du programme européen de relocalisation des réfugiés immobilisés en Grèce. 5.343 personnes sont parties en 13 mois vers d’autres pays de l’UE, dont plus d’un tiers en France, loin toutefois de l’objectif de 66 400 personnes en deux ans. Comme un million d’exilés depuis 2015, Houda et Zaher sont passés de Turquie en Grèce par canot pneumatique, débarquant le 18 février sur l’île de Farmakonisi.
Ils s’imaginaient en Allemagne en une semaine. Mais la frontière macédonienne ferme sous leurs yeux. Dans leur tente inondée et glaciale du bourbier d’Idomeni, au poste-frontière, Houda « croit devenir folle ». Conseillés par un volontaire, ils adhèrent sans y croire au programme de relocalisation ouvert, notamment aux Syriens, y gagnant d’être logés à l’hôtel, puis dans un appartement d’Athènes, partagé avec d’autres Syriens.

«Observer leurs règles»
à cette loterie où on ne choisit pas sa destination, Zaher et Houda apprennent le 11 août que leur dossier a été retenu par la France. Ils sont soulagés mais dubitatifs. Ils entendent peindre la France comme un pays qui « n’aime pas les réfugiés, les laisse dormir sur le trottoir ».
Des amis, récemment relocalisés à Bordeaux (Sud-Ouest), paraissent cependant satisfaits. Et la « session culturelle », organisée par l’ambassade à Athènes mi-octobre, les rassure : ils découvrent qu’ils seront hébergés, munis d’un pécule, et soutenus par des travailleurs sociaux, en attendant d’obtenir l’asile, en procédure accélérée. L’officier de liaison de l’Office français de l’Immigration et de l’Intégration, Lola Girard, explique à cette occasion la conception française de la laïcité. Sa franchise plaît à Houda : « Je vais en France, je dois observer leurs règles. La religion est dans les coeurs, elle n’a pas besoin d’être exhibée ».
Houda, qui porte un foulard, se sent « prête à l’enlever pour une bonne raison », comme obtenir un travail. Chauffeur, Zaher se renseigne déjà sur « les métiers peu demandés » par les Français.
Le récent profil Facebook de Houda montrait un vol de canards sauvages avec la mention : « Ne demandez pas aux oiseaux pourquoi ils migrent, mais plutôt quelles circonstances les y ont contraints ». Zaher a fui Hama (ouest) dès 2013 pour éviter la conscription et « d’avoir du sang sur les mains ». Houda, qui a appris l’anglais avec ses voisins américains, tremblait quotidiennement sur la route, désormais impraticable, entre sa banlieue et Damas où elle étudiait l’ingénierie mécanique. Ils se rencontrent en 2014 à Beyrouth, où l’on « regarde de haut » les réfugiés syriens. Houda, devenue assistante dentaire, gagne quatre fois moins que sa collègue libanaise.

«Nouveau départ»
Le couple part à Istanbul en septembre 2015, espérant y faire venir leurs familles. Mais l’instauration en janvier par la Turquie de visas pour les Syriens précipite leur départ vers l’Europe.
à l’aéroport, Houda songe à tous les « au revoir » prononcés en deux ans, le matin-même à leurs colocataires, relocalisés bientôt en Suisse et en Allemagne. Puis l’excitation l’emporte. Ils s’émeuvent d’être traités avec « considération », exultent en recevant leur carte d’embarquement : « C’est incroyable, on est si heureux! ». à vrai dire, découvrant le foyer de Dreux, à 80 km à l’ouest de Paris, Houda a encore pleuré jeudi: il n’y a pas de wifi dans les hébergements de réfugiés, donc aucun moyen de communiquer avec les proches. Mais ils se sont vite procuré un forfait internet, ont reçu 200 euros d’allocation mensuelle, et se sont fait indiquer un marché « pas trop cher ».
« La ville est ancienne, très différente d’Athènes », détaille Houda. « Le foyer n’est pas neuf, mais j’aime notre chambre », claire. Et ils ont rencontré des Français « très gentils ». Samedi, elle a changé sa page Facebook. Plus de canards migrateurs. Mais un vaste champ, barré des mots « Nouveau départ ».

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