Accueil RÉGIONS Ghardaïa : Le tapis traditionnel fortement handicapé par la mévente

Ghardaïa : Le tapis traditionnel fortement handicapé par la mévente

0

Source de revenus pour de nombreuses femmes et familles rurales, le tapis traditionnel de pure laine tissé à la main, est fortement handicapé de la mévente et la concurrence déloyale de l’industrialisation de ce produit de l’art féminin de l’Algérie profonde.

L’handicap de la commercialisation de ce tapis de pure laine et l’impact sur les revenus des femmes rurales sont visibles chez les marchands de tapis traditionnel du souk de Ghardaia désertés par les acheteurs, notamment les touristes étrangers, tandis que les nationaux préfèrent les tapis industriels synthétiques cédés à bas prix. « Le tapis et autre produits traditionnels se portent mal en l’absence d’acheteurs connaisseurs et souffrent de la concurrence du tapis industriel vendu moins cher », se lamente Mustapha Benzait marchand de tapis au souk de Ghardaïa. « Le tapis traditionnel confectionné par les tisserandes de Ghardaia ne trouve plus acquéreur et ne s’écoule pas bien compte tenu du prix jugé cher par rapport au tapis synthétique industriel et l’absence des touristes étrangers, accentuée par la pandémie du coronavirus et la fermeture des frontières », a-t-il précisé. Pratiquement chaque famille ghardaouie possède un métier à tisser faisant partie des équipements domestiques ordinaires, d’où l’existence de quelque 15.000 femmes artisanes travaillant seules à domicile ou en coopératives, notamment à El-Menea et Béni-isguen, note M.Benzait. L’artisanat, notamment la tapisserie, constitue « un des piliers de l’économie locale de Ghardaia », a souligné, pour sa part, Hadj Bakir, marchand de tapis , ajoutant que son essor est « tributaire des touristes et voyagistes internationaux et nationaux ». L’artisanat du tapis est pour de nombreuses femmes une source de revenus et bénéficie d’un grand intérêt chez les familles rurales, a fait savoir de son côté Hadja Fatima, femme au foyer de Theniet El-Makhzen, précisant que ce patrimoine risque de se perdre faute de moyens de commercialisation efficaces. La solution à ce problème exige une mise en synergie des efforts des acteurs économiques et des responsables, tant nationaux que locaux, pour promouvoir et commercialiser ce beau produit qui fait la fierté de chaque région du pays. La fabrication du tapis artisanal, métier réservé par excellence aux femmes, revêt, outre une dimension économique, une dimension culturelle qui colporte l’imaginaire social et la tradition orale du milieu sociologique dont sont issus les tisseuses et tisserands. A travers les symboles et les motifs ainsi que le langage abstrait et géométrique fidèlement transmis avec raffinement et savoir-faire, un néophyte peut aisément déterminer avec exactitude l’origine du milieu de fabrication du tapis « Zarbia ».

œuvre ornementale avec des messages intergénérationnel
Considéré généralement comme une œuvre ornementale pour égayer et décorer l’intérieur d’une demeure, le tapis transmet aussi des messages reflétant une culture millénaire riche et variée que seul le génie féminin a su préserver et transmettre de génération à génération. Le tapis artisanal est un véritable « Medium » qui véhicule des repères, une histoire et une culture qui ont un lien avec le substrat social. Il représente la vie quotidienne des tisserandes exprimées a travers des symboles complexes, des figures géométriques et des dessins abstraits chargés de sens. Ces tapisseries traditionnelles expriment fidèlement, par des caractères distincts, l’appartenance à chaque milieu social d’une région de l’Algérie profonde et l’enracinement aux us et culture ancestrales. Chaque région possède son propre répertoire de dessins, de symboles et de décorations, représentés par des motifs géométriques tels les triangles et les losanges, ainsi que des paillettes et franges typiques. Parmi les régions du pays qui excellent dans la symbolique artistique, véritable ancrage culturel et identitaire, figurent la Kabylie, les Aurès, le M’zab, Tlemcen, les Hauts-Plateaux et le Djebel-Amour. Du tapis d’Ath-Hichem à celui de Béni-Isguen, en passant par le tapis de Nememcha, de Ksar Chellala, d’Aflou et de Laghouat, l’expression artistique et symbolique propre à chaque région se manifeste à travers les dessins et motifs reproduits et exécutés magistralement par les doigts les « patientes » tisserandes. Ces tisserandes livrent à travers leurs tapis soigneusement élaborés des repères significatifs qui ont un lien direct avec le milieu sociologique immédiat et l’imaginaire social dont elles sont issues, comme une valeur ornementale. Le tapis constitue également une oeuvre picturale dont l’authenticité s’identifie aux symétries des dessins qu’il comporte, et chaque région se reconnaît à travers les représentations et styles géométriques assortis de couleurs soigneusement choisies par les artisans. À titre d’illustration, les tapis des régions de Djebel-Amour et de Nador en allant vers Souguer, Aflou, El-Bayadh et Laghouat, se distinguent par des dessins mariant des couleurs rouge, noire et blanche. Celui de Ksar Chellala répond aux styles de tissage bien particulier et comporte une multitude de couleurs et motifs, tandis que le tapis de Ghardaia se caractérise par un motif central d’apparence végétale et un motif représenté par une ligne de palmier avec deux couleurs (le blanc et le noir) étroitement lié au milieu naturel. Malgré son importance et son impact dans l’économie rurale, la production de tapis vit une situation de crise qui menace son existence et laisse apparaître la nécessité de trouver les voies et moyens pour lever les contraintes. Selon le directeur de la maison de l’artisanat du M’zab, l’artisanat local, notamment le tapis qui fait vivre plus de 3.511 tisserandes affiliées à la chambre de l’artisanat, souffre de différents problèmes notamment le manque de matières premières auquel s’ajoute la faiblesse du secteur touristique à attirer les touristes étrangers ou encore l’insuffisance des crédits accordés aux artisans. Pour cela, il est impératif de mettre à niveau la chaîne de production « en passant des matières premières et normes techniques, aux machines et plans de production », a ajouté Boubekeur Seddik Teggagra. Ceci, en plus de la qualification et la formation continue des femmes tisserandes et la promotion de la commercialisation, tant sur le plan national qu’international, en multipliant les participations aux foires, salons et autres expositions de tapis, a suggéré le même responsable.

Article précédentCR Belouizdad : Reprise des entraînements hier
Article suivantOGC Nice : Youcef Atal reprend l’entraînement collectif