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France / «Black-Blanc-Beur» : résurgence de «l’illusion culturelle»

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Le parcours parfait jusque-là de l’équipe de France de football en coupe du Monde 2018 et sa qualification pour la finale font ressurgir cette «illusion culturelle Black-Blanc-Beur» de 1998 autour d’un rêve national de remporter dimanche le trophée pour la deuxième fois.

Depuis lundi, les «Tricolores et Multicolores» vivent à l’heure de Moscou avec presque la certitude de vaincre les Croates avec une ambiance qui fait oublier, le temps de la finale (?), l’origine des joueurs de la sélection française dans cette coupe du Monde. Les vidéos diffusés sur les réseaux sociaux montrent cette communion, en dépit de quelques dérapages d’individus de l’ultradroite qui n’arrivent pas à digérer cette réalité française. Même les officiels se mettent de la partie. Le Quai d’Orsay a bien remercié, à travers Instagram, la sélection française, que beaucoup d’Africains considèrent la 6e équipe d’Afrique, en écrivant : «Bravo à vous ! La France rêve avec vous !» Dans les milieux médiatiques, on revient très souvent sur cette «illusion» en évoquant lors de l’explosion de joie juste après la victoire sur la Belgique de Hazard, Chadli et Lukaku, le fait que les millions de supporters qui sont sortis lundi fêter cette victoire «se foutent de l’origine des joueurs» de l’équipe de France, faisant remarquer que, quelques uns étaient leurs couleurs et origines, ils agitaient les drapeaux tricolores et chantaient la Marseillaise, un chant patriotique de la Révolution française adopté définitivement comme hymne national en 1789. Le journal Libération résume en quelque sorte le récit national sur lequel on veut reconstruire la société française en perpétuelle transformation et montrer une réalité qui a «vite repris ses droits :»Point de Blacks, de Blancs ou de Beurs : des attaquants, des défenseurs, des buteurs et des tacleurs. D’où qu’ils viennent, ceux-là sont les héros d’une saga inoffensive, qui réunit le pays». Cette équipe, sous la houlette de Didier Deschamps qui est en train de réussir ou a réussi, est jugée, par des spécialistes de la balle ronde, «capable» d’emporter la coupe ou d’assumer un éventuel échec, mais ils reconnaissent que la part du rêve est «immense», alors que des politiques redoutent que ces songes qu’on veut bâtir au tour du récit national ne s’évaporent avec la prochaine rentrée sociale. «Après le black-blanc-beur de 1998, resurgirent les spectres du Front national et de la xénophobie. Ils n’ont pas disparu même si la pleine lumière d’un pays rassemblé ne leur convient pas, leur discrétion de ces derniers jours en atteste», a écrit jeudi L’Humanité. Certains observateurs ne manquent pas de faire observer que la «fragilité» de cet équilibre social que le rendez-vous planétaire moscovite est en train de procurer. En 1998, les Français ont vécu la même transe lorsque les Tricolores avaient remporté, pour la première fois, le Mondial avec le maître à jouer Zinedine Zidane. Toute la France avait oublié ses différences, mais cela n’a pas empêché Jean-Marie Le Pen, extrême droite, de se propulser en 2002 au second tour de l’élection présidentielle avec Jacques Chirac. Le quotidien Nice-Matin résume bien ce sentiment en écrivant : «D’autres vont réentonner les louanges de la France +black-blanc-beur+, cette illusion multiculturelle de 1998 qui nous a bercés un été durant, pour déboucher quatre ans plus tard sur la présence de Jean-Marie Le Pen en finale de la présidentielle, sans qu’aucune fracture sociale n’ait été réduite dans l’intervalle». Mais d’autres observateurs veulent rester optimistes et appellent à «profiter de ces moments de partage et d’altruisme», soulignant que la génération «Black-Blanc-Beur a montré le chemin il y a vingt ans sans que l’esprit fraternel unisse notre pays sur la durée». Le football propose encore aux Français une fois le vivre ensemble, estiment-ils, dans un contexte «profondément différent» de celui de 1998 et 2002, pour peu que ce mythe national ne soit encore une fois «écorné».

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