Le Front des forces socialistes rompe le silence et durcit le ton de son discours vis-à-vis du pouvoir. Après avoir longtemps tenté «en vain» de faire rallier les partis proches du pouvoir à son initiative de consensus national, il a opéré une mue dans sa position initiale, que d’aucuns d’ailleurs qualifient de «radicale».
«Le FFS milite pour un changement de système de pouvoir, et non pour le remplacement d’un président par un autre», c’est en ces termes que Mohamed Nebbou, premier secrétaire du parti, a répondu au FLN et le RND, entre autres partis qui ont exigé, notamment d’exclure la remise en cause de la légitimité des institutions élues, préalable à leur participation. Intervenu dans un meeting populaire organisé à la salle de cinéma «Atlas», hier à Alger, Nebbou a indiqué que le FFS a très longtemps attendu un signe fort de ce même pouvoir, pour qu’il donne «un feu vert pour un changement concerté», mais qui, au final, a tracé des lignes rouges qu’il ne faudrait pas franchir. Le responsable du FFS, contre toute attente, a versé dans un véritable dénigrement, en qualifiant ceux qu’il considérait avant de «partenaires» de son initiative politique, de «fonctionnaires du pouvoir». En effet, pour Nebbou la seule solution pour transcender la crise multidimensionnelle, qui prévaut dans le pays, reste la construction du consensus national. Nebbou, tout en faisant allusion à l’échec de l’initiative de son parti, du moins, partant du fait qu’il n’a pas réussi le pari de convaincre les partis du pouvoir à adhérer à sa conférence, a indiqué avoir tendu sa main, en évoquant notamment la locution «feuille blanche».
Il s’agit, pour le cadre du plus vieux parti de l’opposition, d’une chance inouïe pour un pouvoir, dont les pratiques politiques sont loin d’être méconnues de sa formation politique. En poursuivant sa charge, Nebbou a justifié sa démarche de rapprochement avec formations politiques proches du sérail, d’une tentative de ramener les «fonctionnaires du pouvoir» à accepter un changement venant de «l’intérieur du système». Dans une salle pleine de militants, citoyens et hauts cadres du parti, dont les membres du présidium du FFS, Nebbou a tenu à rappeler que sa formation politique milite toujours pour un «changement du système de pouvoir, et non pas le remplacement d’un président par un autre», a-t-il indiqué, pour répondre, semble-t-il, aux accusations portées à l’encontre du FFS, sur ses accointances avec le pouvoir.
En dressant la situation du pays, l’orateur a étayé ses dires en notant qu’elle se caractérise par «une corruption à grande échelle, le népotisme des campagnes d’intox médiatique, des règlements de compte à coup de révélations, l’instrumentalisation de la Justice, la dilapidation des richesses et une dépendance accrue aux hydrocarbures». Ainsi, en réponse aux partis du pouvoir, Mohamed Nebbou assure que les lignes rouges de son parti sont «une Algérie souveraine et démocratique», a-t-il lâché, après avoir longtemps laissé les portes du dialogue ouvertes au FLN et au RND particulièrement. «La ligne rouge n’était qu’une de ces ruses habituelles du pouvoir : le Président ligne rouge. Mais, qui des autres institutions?», s’est interrogé Nebbou.
«L’armée doit être au service du consensus»
Dans ce lot de charges, il cite, notamment, le DRS et le Chef de l’état-major qu’il accuse d’ailleurs, sans le dire texto, de s’immiscer dans la vie politique nationale. En effet, en évoquant le rôle de l’institution militaire, Mohamed Nebbou a indiqué qu’elle doit être au service de la construction du consensus national, et non pas au service d’une partie ou d’un clan. En poursuivant ses accusations, le cadre du FFS estime que son parti refuse «la perversion du jeu politique», laquelle pratique est considérée par l’orateur d’étrangère au FFS. Le secrétaire du FFS ne s’est pas contenté de parler de son initiative. Loin encore, il est revenu sur la question de la Réconciliation nationale qui ne peut, selon lui, «s’accomplir sans la réhabilitation de la scène politique nationale», a-t-il précisé. Il poursuit sa dissertation en rappelant que son parti à longtemps tiré la sonnette d’alarme, en lançant plusieurs initiatives visant une sortie de crise, mais, qui n’ont jamais eu l’écho favorable auprès du pouvoir. Pour lui, la scène nationale est caractérisée de luttes de clans qui paralysent les institutions, de Constitutions-alibi, l’instrumentalisation de l’administration, fraude électorale etc.
Farid Guellil