Le Courrier d’Algérie : L’ARPT vient de lancer un avis d’appel d’offres national et international restreint en vue de la réalisation d’une étude portant sur l’analyse des marchés des services de télécommunications de gros et de détail en Algérie. Quel commentaire faites-vous sur cet appel d’offre?
Younes Grar : Je crois qu’il était temps qu’une étude pareille se fasse pour avoir une idée sur ce qui se passe dans le marché des télécoms en Algérie. Des consommateurs se plaignaient de la mauvaise qualité de services des opérateurs : mauvaise couverture, réseau saturé, débit faible, mauvais accueil au niveau des agences, coupures de services, etc.Les consommateurs sont toujours laissés seuls à la merci des opérateurs, avides d’argent et d’occupation des parts de marché. Ils n’ont pas où se plaindre, même les associations de protection des consommateurs ne sont pas reconnues par l’ARPT.On est aussi agressé par des publicités à la limite mensongères des opérateurs vantant la qualité de leurs réseaux et de leurs services : 1er opérateur, meilleur réseau 3G, débit illimité, etc. Malheureusement même les médias ne jouent pas leur rôle pleinement pour dénoncer cet état de fait. Il faut que l’ARPT procède à un nettoyage et joue son rôle pleinement en tant que gendarme des télécoms, comme on l’appelle, et protège le consommateur.Cette étude permettra aussi d’avoir des chiffres proches de la réalité sur le marché des télécoms et la manière avec laquelle il évolue pour que différents acteurs se développent sur une base correcte. On a vécu des moments où on ne pouvait même pas avoir le nombre d’abonnés 3G, alors que les acteurs du marché ont besoin d’avoir beaucoup plus d’infos : nombre d’abonnés réels, nombres et type de Smartphones vendus, minutes de communications téléphoniques, SMS, que font les consommateurs sur Internet, applications mobiles utilisées, etc.
Donc il n’est jamais trop tard pour bien faire, sauf que j’espère que cette étude, et les autres qui suivront, se fassent rapidement et dans la transparence totale, sans aucune altération de quiconque (ministères, opérateurs, constructeurs, etc.) pour que les résultats soient crédibles et corrects.
- «Cette étude permettra d’avoir des chiffres proches de la réalité sur le marché des télécoms»
Dans la loi de finances 2015 l’Autorité de régulation dispose désormais d’un pouvoir de sanction pécuniaire. Qu’en pensez-vous ?
La loi de finances pour 2015 a révisé la loi 2000-03 du 5 août 2000 fixant les règles générales relatives à la poste et aux télécommunications, en y introduisant une panoplie de sanctions pécuniaires en faveur de l’Autorité de régulation, à l’encontre des opérateurs de la poste et des télécommunications qui manqueraient à leurs obligations essentielles. L’ARPT est appelée à jouer, par les missions qui lui sont assignées, un rôle primordial afin d’assurer une concurrence loyale et saine entre les 3 opérateurs et aussi assurer la protection des consommateurs face aux agissements des opérateurs. Les résultats des différentes études lancées par l’ARPT vont faire ressortir les manquements des opérateurs affectant leurs services, elle doit les rappeler à l’ordre pour apporter les améliorations nécessaires. S’ils ne répondent pas, des sanctions financières doivent être prises, comme cela se fait à travers le monde. À titre d’exemple, un régulateur dans un pays européen, qui a découvert une complicité entre les opérateurs à l’encontre de leurs abonnés, les a sanctionnés par des amendes en millions d’euros. L’ARPT a brillé par son absence, et à ce jour à ma connaissance aucune sanction financière n’a été infligée aux opérateurs télécoms (mobiles, fixe, etc.) malgré leurs manquements et les mécontentements des utilisateurs, faisant le buzz dans les réseaux sociaux et rapportés, quoique timidement par les médias. Le prétexte du manque de cadre réglementaire n’a plus sa raison d’être maintenant avec ces nouveaux textes, en espérant qu’on passera à leur application.
Entretien réalisé par I. B.
