Accueil ACTUALITÉ Belkacem Sahli, SG de l’ANR : «l’opposition est anachronique»

Belkacem Sahli, SG de l’ANR : «l’opposition est anachronique»

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Dans un contexte empreint d’une ébullition de la scène politique, plutôt fief d’échanges d’accusations que de propositions constructives à l’ombre d’une menace potentielle sur nos frontières, et d’une Économie nationale en quête de repères susceptibles de l’extraire de la dépendance aux hydrocarbures, la stature des partis politiques, d’une extrême à l’autre, soit d’opposant à soutien inconditionnel au pouvoir est déterminante de leur devenir politique.

L’ANR de Redha Malek a, depuis la démission de cette personnalité politique le 21 janvier 2009, bien choisi son camp, dans la deuxième catégorie citée, et dont le nouveau SG, Belkacem Sahli, s’en tire avec brio. C’est dans l’objectif d’apporter un éclairage sur les défis que s’est fixés le pays, que nous l’avons sollicité pour un entretien auquel il a bien voulu nous répondre.

Le Courrier d’Algérie : Vous avez succédé à Redha Malek, une imposante personnalité nationale. Un legs considérable pour vous, en dépit que vous comptiez des années de militantisme, entamées au sein des Scouts musulmans algériens, en passant par l’Unja, durant les bancs de l’Université, et conclues à l’ANR en mai 1995. Dans quelles conditions s’est fait «le passage du témoin» ?
Après une sortie honorable et digne de son passé de révolutionnaire, Redha Malek a été remplacé par Amar Lounis, qui a assuré l’intérim de 2009 à 2012. Constatant que l’intérim a assez duré, un Congrès extraordinaire s’est tenu, le premier organisé par un parti, ou l’élection s’est faite par bulletin secret, et à l’issue duquel les congressistes m’ont élu à la tête de l’ANR. Depuis, on a jamais délaissé les options démocratiques, lesquelles se sont soldées par une bonne représentation nationale. De 4 sièges de députés remportés en 2012, on est arrivé à 20 dans le Parlement. À l’échelle locale, nous comptons actuellement 500 élus d’APW et d’APC, soit presque le double initialement comptabilisé, 251 élus. Parmi lesquels, 35 maires et 7 présidents d’APW (Sétif, Mila, El-Bayadh, Tamanrasset, Tindouf, Ain-Témouchent et Boumerdès). Depuis 2012, nous gérons une double responsabilité. La première est de représenter une jeunesse qui honore le parti et le parcours politique. La deuxième est de s’imposer comme une relève qui peut être capable de lancer un message d’espoir, dont le plus important est de participer pleinement dans la gestion du pays. D’autant plus que la succession s’est faite dans une ambiance festive, et surtout, symbolique, coïncidant avec la célébration du cinquantenaire de l’Indépendance.

Parlons du Front interne…
C’est calme, car on a réussi d’instaurer un climat de débat, de par les statuts et du règlement intérieur du parti, de par l’élargissement de la base. L’instauration d’une discipline partisane a permis à l’ANR de demeurer cohérent et homogène dans ses interventions, notamment lors des présidentielles de 2014, durant lesquelles nous avons fait preuve de soutien au candidat Abdelaziz Bouteflika.

Une cohérence qui veut dire soutien inconditionnel au pouvoir ?
Une cohérence et clarté dans les positions, c’est le plus important pour nous et pour la lisibilité politique. En 2011, nous avons déjà répondu favorablement à l’appel du Président, notamment pour prendre part au premier round des consultations dirigées par Abdallah Bensalah, dans le cadre des lois lancées en 2011, ou ce qu’on appelle la Commission Bensalah. Il y avait urgence de préserver les acquis, particulièrement la stabilité sécuritaire menacée par le risque d’expansion du Printemps arabe. Aller vers des réformes politiques en Algérie et entre algériens, dans le but d’éviter à l’Algérie le Printemps arabe, de subir le même scénario tunisien et égyptien, était l’objectif. Les réformes se sont enclenchées à travers l’élargissement du cercle de prise de décision, de l’échelle locale jusqu’à celle présidentielle.

Pouvez-vous être plus explicite en ce qui concerne le passage de «l’échelle locale jusqu’à celle présidentielle»
Je peux, ici, donner pour l’exemple la contribution à l’ANR qui a été, entre autres propositions formulées par d’autres organisations politiques, couronnées de succès. On peut en citer cinq. La première, la concrétisation d’une ouverture politique traduite par le droit constitutionnel d’exercice syndical. S’ensuivit la création de partis. Depuis, une soixantaine de partis ont été créés, donnant lieu à une mosaïque parlementaire importante (l’APN de 2007 tournait avec 9 partis, alors que celle de 2012 est composée de 27 partis). La deuxième, la garantie de plus de transparence, législatif et local, dont l’assise juridique la plus imposante a été illustrée par l’adoption de la Loi organique sur le régime électoral. Le troisième, la promotion de la participation féminine dans les assemblées élues. Le Code de l’information, à travers lequel une cinquantaine de chaines ont vu le jour, constitue le quatrième résultat positif. La cinquième et pas la dernière, la Loi organique sur les Associations, consacrant plus de liberté et d’émergence de la société civile. Il y a eu aussi, pour paraphraser Jean Jacques Rousseau (dixit, Le Contrat social, «il y a la souveraineté populaire, mais en son absence, la souveraineté de l’État doit être de mise». Citation que l’on peut extrapoler en Algérie par le fait d’assurer un équilibre entre les missions des élus et des commis de l’État, illustré par le Code de la commune et de la wilaya.

Vous ne croyez pas qu’on a eu une overdose d’ouverture : une soixantaine d’associations, une cinquantaine de chaînes…. ? L’ouverture s’est faite d’une manière anarchique.
Oui, c’en fut une, mais c’est un passage obligé. C’est la concurrence qui déterminera la survivance des plus compétitifs. Pour l’exemple, nous sommes une soixantaine, mais ce sont seulement une dizaine de partis qui activent. C’est une ouverture qui influera sur les orientations des décideurs, il faut juste laisser le temps au temps. Même topo pour la presse, c’est la professionnalisation qui saura séparer le bon grain de l’ivraie : quelques médias vont éclore, d’autres se regrouper, et une dernière catégorie sera, malheureusement, promue à la disparition. Il faut mettre fin à la presse qui se vend et s’achète !

Donc, il est encore tôt de dire que la réussite a été au bout des réformes. La période d’évaluation a encore de beaux jours devant elle ?
À l’ANR, on ne dit jamais qu’on a réussi, on dit qu’on a pu passer des étapes et qu’ils en restent encore d’autres. On appelle, en revanche, à l’approfondissement des réformes politiques, auquel toutes les franges de la société civile doivent y participer, notamment dans l’enrichissement des différentes lois organiques et lois ordinaires en vogue.
Vous plaidez dans vos discours pour l’impératif de l’émergence d’une société civile devant jouer le rôle de contre-pouvoir, celui-ci étant bénéfique pour le pays, pourquoi votre partie ne le joue-t-il pas donc ?
Nous, nous sommes dans le pouvoir, faisant partie de la majorité présidentielle et parlementaire. Libre à chacun de faire de l’opposition. Les élus ont notamment un grand rôle à jouer pour la promotion du dialogue entre eux et leurs administrés.

L’étape de la Constitution dépassée, qu’elle est, selon vous, l’urgence ? Plutôt, les défis à relever ?
Justement, au sujet de la Constitution, son adoption a prouvé une pratique exemplaire de la démocratie. Elle a été la preuve de la capacité des Algériens à surmonter les épreuves les plus difficiles. Ce qui dénote, à l’avenir, leur prédisposition à surpasser d’autres défis.

Vous faites preuve d’optimisme ?
Non, je suis réaliste. L’Algérie dispose des atouts en la matière qui peuvent amortir le choc pétrolier, dans le cadre de la politique de diversification de l’Économie. Parmi eux, les ressources humaines, universitaires et sortants de la formation professionnelle. Pour revenir aux défis, ils sont au nombre de cinq : économique, social, politique, sécuritaire et de politique étrangère. Parmi les atouts, on peut citer la stabilité politique, pas celle des hommes mais des institutions. Pour l’exemple, l’Algérie n’est pas le Liban. Celui-ci fait preuve d’une instabilité, qui lui a rendu difficile la signature d’un contrat avec l’entreprise d’enlèvement des ordures ménagères Nous n’avons pas de président qui démissionne chaque six mois, ou un gouvernement qui fait l’objet de démissions et de limogeages en cascades.

Ouyahia s’attaque à Saâdani, pour ne citer cet exemple, cela reflète-t-il vraiment la stabilité dont vous parliez, et sert-il réellement l’exercice politique ?
Stabilité n’est pas immobilisme. L’emballement de la scène politique témoigne d’une pratique démocratique. En dépit de la menace frontalière qui nous guette, la situation sécuritaire est maîtrisée par l’ANP issue de l’ALN. D’ailleurs, l’occasion m’est donnée de vous informer que, puisque l’opposition s’est organisée, nous, les partis de soutien, FLN, RND, MPA, TAJ, ANR, pour ne citer que ceux-là, on doit aussi le faire, à l’image de l’initiative du FLN, pour plus de concertation et de collaboration au sein des Assemblées. Il faut que notre structure soit visible. On se dirige vers des échéances électorales en 2017. Jeudi ou vendredi, on procédera à la mise en place des mécanismes de son fonctionnement, un secrétariat national s’y attelle. Une trentaine de partis, plus d’une centaine d’associations y seront au rendez-vous.

Concernant la diversification de l’Économie, l’État parle de secteurs de substitution, l’on cite le tourisme, les mines…Le sont-ils vraiment au regard de leur faible contribution dans le PIB ?
Oui, pourquoi pas ? Ce sont les secteurs vierges : outre ceux cités, il y a l’agriculture, les services, les TIC et l’industrie pétrochimique. On voit que un à deux millions d’algériens quittent le pays vers des régions plus instables. Donc, pourquoi ne pas développer le pays pour au moins sauvegarder la moitié du nombre à notre pays, lequel dispose de quatre saisons dans une même journée ! D’autant plus que la stabilité financière, deuxième atout, contribue au maintien de la situation, grave mais pas catastrophique, comme l’attestent la disponibilité des réserves de changes estimées à 150 milliards de dollars, qui, en dépit du recul des recettes pétrolières, peuvent nous permètre de gérer la crise pour 4 à 5 ans.

Beaucoup appellent pour une forte mobilisation des forces vives de la Nation. Selon vous, comment se fera-t-elle ?
Une forte mobilisation de la population autour de ses forces de sécurité, particulièrement au niveau des zones frontalières, ou la situation est grave, complexe et difficile, doit être de mise. Relever ce défi, n’est pas la seule prérogative de l’ANP, mais devrait figure dans celles des pouvoirs publics, auxquels est dévolue l’amélioration des conditions de vie des citoyens, gage de l’instauration d’un climat de confiance entre gouvernants et gouvernés.

Si on vous propose un poste ministériel, quel est celui qui conviendrait le mieux à vos ambitions ?
L’ANR a déjà fait partie du gouvernement, en 1994 (Rédha Malek, Premier ministre en 1993-94, ndlr), il y a également participé en 1999. Votre serviteur a eu l’honneur de gérer le poste de secrétaire d’État de la Communauté nationale à l’étranger auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la communauté nationale à l’étranger. C’est dire que l’envie de détenir des postes, ministériels soient-ils, n’est pas tentante. On peut contribuer dans tous les domaines qui permettent la préservation des acquis démocratiques et l’amélioration du cadre de vie des citoyens, elle n’a jamais cautionné son soutien par quelconque acquis partisan. C’est un parti des hommes d’État qui mettent toujours les intérêts suprêmes de la Nation au-dessus des intérêts partisans et personnels.

Un dernier mot…
On doit avoir besoin d’une classe politique consciente. L’opposition semble en déphasage avec la réalité, elle est anachronique, car s’étant enfermée dans plusieurs stations : l’Assemblée constituante, pour le FFS, date de 1963 ; la période du FIS, en 1990, pour les islamistes ; la revendication berbère ou le 17 avril et son concept de vacance du pouvoir, pour le RCD et la CNLTD. De ce fait, on lance un appel à tous nos amis de l’opposition, dont l’échec en termes d’établissement de rapports de forces entre ses composantes et l’État, d’une part, et entre elle et leur base, d’autre part, est un secret de polichinelle, de rentrer dans les rangs, de participer à l’élaboration des différents textes de lois, de relever les défis économiques et sécuritaires, etc.
Zaid Zoheir

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