L’avant-projet de révision de la Constitution, dont la mouture a été dévoilée jeudi dernier par la présidence de la République, a limité, dans son axe relatif au «Renforcement de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs» le nombre de mandats parlementaires à deux seulement et la possibilité pour le président de la République de nommer un vice-président.
Il est ainsi écrit dans l’axe relatif au « Renforcement de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs », la « possibilité pour le président de la République de nommer un vice-président », la «limitation du mandat présidentiel à deux mandats successifs ou séparés », ainsi que la « limitation du mandat parlementaire à deux mandats». Le texte propose aussi la « distinction entre l’immunité parlementaire pour les actes rattachés à l’exercice du mandat parlementaire et l’immunité parlementaire pour les actes non rattachés au mandat parlementaire » et la « consécration du vote au Parlement par la majorité des membres ». La mouture de l’avant-projet de révision de la Constitution comporte également la proposition de « suppression du droit de légiférer par ordonnance durant les vacances parlementaires » et le «maintien de la limitation de la législation par voie d’ordonnance aux seuls cas de vacance de l’APN ou durant l’état d’exception assorti de l’obligation de les soumettre au Parlement dans le délai requis ». Il est proposé aussi, concernant le rôle du gouvernement, la « consolidation de l’institution du Chef de gouvernement», l’« obligation faite au gouvernement de faire accompagner les projets de lois par des textes règlementaires d’application, faute de quoi les projets de lois ne seront pas inscrits à l’ordre du jour du Parlement », ainsi que l’«obligation du gouvernement de présenter au Parlement à sa demande tous les documents et informations pour l’exercice de son contrôle». Parmi les autres propositions contenues dans le texte, figure aussi celle relative à la « possibilité d’engager la responsabilité du gouvernement suite à l’interpellation du Parlement », la « consécration du contrôle de la Cour constitutionnelle sur les actes pris pendant l’état d’exception », la « limitation de la durée de l’état de siège ou l’état d’urgence à 30 jours renouvelable après approbation du Parlement » et la « limitation de la durée de l’état d’exception à 60 jours renouvelable après approbation du Parlement ». Il est enfin proposé la « consécration du contrôle de la Cour constitutionnelle sur les actes pris pendant l’état d’exception ».
Hamid Mecheri
Réactions fleuves de la classe politique
RND : Le RND, dans sa première lecture de l’avant-projet de la Constitution, a salué, hier, dans un communiqué, « la volonté du président de la République, à travers la prochaine Constitution, de donner un nouveau souffle aux institutions de la République, renforcer les libertés, et de lever tout soupçon sur le principe de la séparation des pouvoirs », estimant que « cela constitue la pierre angulaire dans la Construction de l’Algérie nouvelle, espérée par tout le monde ». « Le document présenté à la consultation des partis est un saut qualitatif et sur tous les critères. Ce texte a dépassé même les propositions formulées à maintes reprises par les acteurs politiques et de la société civile, comme l’institution d’une cour constitutionnelle, l’élargissement de la réglementation des droits et libertés, le renforcement du poste de chef de gouvernement, la garantie d’une alternance démocratique sur les postes élus, la libération de l’activité associative, le renforcement de l’indépendance de la Justice et la sauvegarde de l’identité nationale », a relevé le RND.
Front El-Moustakbal : « Au Front El-Moustakbal, nous avons reçu une copie du projet de la révision constitutionnelle de la présidence de la République, que nous considérons comme une démarche importante pour refléter l’engagement du Président de sa promesse faite lors des récentes élections présidentielles, malgré les conditions sanitaires, économiques et sociales difficiles que connaît l’Algérie », a estimé le parti du candidat malheureux à la présidentielle du 12 décembre dernier, Abdelaziz Belaïd. Il a noté que le texte de révision constitutionnelle « contient plusieurs points positifs défendus pendant longtemps par le Front El-Moustakbal », et considère l’occasion de débattre de ce texte comme « une opportunité d’approfondir le débat, le dialogue et de se mettre d’accord pour relancer l’Algérie nouvelle sur de nouvelles bases ».
L’UCP de Zoubida Assoul : Zoubida Assoul, avocate de profession, a estimé que « l’avant projet de la révision de la Constitution maintient la domination de la gouvernance individuelle, car le président de la République a conservé toutes les prérogatives, y compris l’institution judiciaire, en présidant lui-même le Haut conseil de la magistrature ». « En juin 2019 j’avais dis qu’on était toujours dans la feuille de route de Bouteflika sans Abdelaziz ; aujourd’hui avec cet avant-projet de Constitution de Abdelmadjid Tebboune ça se confirme », a-t-elle écrit sur sa page Facebook.
FLN : « Le FLN prend acte avec satisfaction de la volonté politique du président de la République de doter le pays d’une Constitution démocratique, traduisant les aspirations du peuple algérien et visant à renforcer et protéger l’identité nationale, l’unité du peuple, élargir l’espace constitutionnel pour plus de droits et libertés aux citoyens, approfondir la pratique démocratique, renforcer les bases de l’État de droit, consacrer l’indépendance de la Justice et consolider l’édifice institutionnel dans notre pays », a souligné le FLN, hier, dans un communiqué signé par son SG par intérim, Ali Seddiki. « À cette occasion, le FLN réitère son engagement à accompagner le président de la République pour honorer ses engagements, avec force et efficacité, en s’engageant également à mobiliser tous ses efforts pour contribuer à jeter les jalons de l’Algérie nouvelle, en adéquation avec les revendications de millions d’Algériens exprimées lors des manifestations du Mouvement populaire », lit-on aussi dans le communiqué du FLN, annonçant l’ouverture d’ateliers au niveau régional et central pour « récolter les propositions et remarques des militants du parti ».
Mouvement El-Bina : La formation du candidat malheureux à la présidentielle du 12 décembre dernier, Abdelkader Bengrina, a salué « la démarche courageuse » du président Tebboune de présenter l’avant-projet de révision constitutionnelle en ces temps, émettant toutefois « une série de points critiques et controverses » sur lesquels il souhaite que la Présidence donne plus de précisions. Premier point relevé : « les prérogatives du président de la République contenues dans l’avant-projet, qui nécessitent plus de précisions afin de répondre à l’exigence d’une Constitution garantissant l’équilibre entre les pouvoirs ». L’avant-projet de la Constitution prévoit d’intégrer la langue Amazighe dans la liste des constantes intangibles qui ne pourra jamais faire l’objet de révision, ce qui n’est pas du goût de cette formation islamiste, qui y voit « une soumission aux enchères et pressions des groupes de pression ». « La langue nationale officielle est une, et elle n’est pas sujette à discussion et débat et à se soumettre aux groupes de pression », a indiqué Bengrina dans un communiqué. Autre point, « le document accorde des lois spécifiques à certaines communes qui ont besoin de clarification.
Peut-être, c’est une porte ouverte au fédéralisme. Accorder certaines spécificités peut ouvrir la porte de l’enfer sur l’unité de notre Nation, de notre peuple, de notre Religion et de notre langue », estimant aussi que « la liberté de culte a été abordée avec audace dans le document, sans faire de distinction entre doctrine de la nation algérienne et tout ce qui est intrus, même s’il est programmé pour nuire à l’unité nationale ».
Sur la proposition relative à la possibilité pour le président de la République d’engager les troupes de l’ANP en dehors des frontières, Bengrina ne semble pas être sur la même ligne avec Tebboune. « Les missions assignées à notre armée sont lourdes, vastes et multiples. Malgré cela, le document aborde avec audace la participation de notre armée en dehors de nos frontières, et cela doit être clarifié davantage afin de ne pas engager notre armée dans les batailles provoquées par les grands pour que nous payons le prix », prévient-il.
MSP : Le bureau exécutif national du MSP a indiqué, hier, dans un communiqué que le texte de révision constitutionnelle est « loin des espoirs et attentes », notamment celles exprimées par une grande partie du peuple algérien au Mouvement populaire. La formation islamiste a émis ainsi ses remarques et observations. « Le document proposé n’a pas tranché, encore une fois, dans la nature du système politique, en le gardant hybride, ne représentant aucune forme de systèmes connus dans le monde (présidentiel, parlementaire ou semi-présidentiel). Ce document prive la majorité de son droit de gouverner, or aucune disposition n’oblige le chef de l’État de nommer le chef de gouvernement parmi la majorité. Ce qui est en contradiction totale avec le sens de la démocratie représentative et une marginalisation d’une partie importante et fondamentale de la volonté populaire exprimée lors des élections législatives », a pointé le MSP. Le parti d’Abderrazak Makri s’offusque aussi devant le fait que le nouveau texte fondamental du pays « ne porte aucune garantie constitutionnelle pour assurer la transparence des élections, et aussi le fait de ne pas incriminer les pratiques de la fraude en ne prévoyant aucun dispositif de mesures dissuasives en étant l’un des fléaux qui ont provoqué la crise politique dans le pays ». Le MSP regrette également que la future Constitution « ne donne pas de pouvoirs suffisants aux organes élus capables de concrétiser les articles (7, 8) de la Constitution, qui représentent une exigence fondamentale du mouvement populaire ».
Le parti fustige aussi le maintien « du rôle important des organes administratifs désignés, notamment les administrations, au détriment de celles élues, ce qui représente un obstacle majeur au développement local et une violation de la démocratie participative et des objectifs de décentralisation ». Critiquant le recul sur les exigences de l’indépendance de la Justice, le MSP s’est insurgé aussi contre la « possibilité accordée au chef de l’État de légiférer par ordonnances, même en plein déroulement de la session parlementaire ». Enfin, il dénonce le flou dans les critères de désignation au poste de vice-président, créé dans la nouvelle Constitution.
H. M.