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Abderrahmane Mebtoul : «supprimer le FRR et établir la LFC sur la base du cours du marché»

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Le Courrier d’Algérie : Les annonces sur une loi de finances complémentaire pour 2015 fait impatienter certains qui attendent beaucoup de cette loi. D’autres s’interrogent sur la confection de cette loi surtout pour ce qui est du prix de référence du baril du pétrole devant la baisse des cours du pétrole. A votre avis, est-ce que le gouvernement maintiendra le prix de 37 dollars ?
Abderrahmane Mebtoul : Je ne peux pas vous le dire, mais j’insiste sur une chose ; c’est qu’il faut supprimer le Fond de régulation des recettes (FRR). Actuellement la gestion de ce Fonds de régulation est totalement opaque. Pour plus de transparence, je préconise que les lois de finances se fondent sur le cours réel du marché des hydrocarbures, quitte à ce que l’excédent soit versé dans un Fond de stabilisation. La loi de finances 2011 a montré un important déficit budgétaire de plus de 33%, ramené en 2012 à 25% mais pour ce dernier en comprimant les dépenses d’équipement, en précisant qu’elle a été établie à 37 dollars le baril, la différence étant versée au Fonds de régulation des recettes. Le prix réel du marché donnerait un déficit budgétaire moindre puisque le baril dépasse les 100 dollars depuis une année et pour plus de transparence dans la gestion de la dépense publique, il est souhaitable de supprimer ce Fonds de régulation et d’établir la loi de finances sur la base du cours du marché.
Dans les pays développés, il n’existe pas de lois de finances complémentaires, à de rares exceptions près en cas de guerre ou de fortes tensions sociales. Faute de vision stratégique, naviguant à vue, en Algérie nous assistons à des lois de finances complémentaires à répétition alors que ce n’est qu’un simple document comptable public retraçant l’évolution des recettes et des dépenses, donnant soit un solde positif ou négatif (déficit budgétaire).

Pourquoi à votre avis on insiste cette année à l’élaboration d’une LFC sachant qu’elle a été annulée en 2013 sous prétexte que celle-ci a été intégrée dans la loi de finances de 2014 ?
Le gouvernement devrait exceptionnellement aller cette année vers une loi de finances complémentaire afin de diminuer les sorties de devises du pays, et «plus de rigueur budgétaire». L’Algérie ne peut pas continuer de dépenser sans compter en épuisant ses réserves d’hydrocarbures et a besoin de revoir sa politique afin d’instaurer une véritable économie productive. Elle ne peut continuer dans cette voie suicidaire pour les générations futures, au risque d’une aggravation du déficit budgétaire, de l’épuisement du Fonds de régulation des recettes et des réserves de change à l’horizon 2018/2020, et d’une accélération du processus inflationniste. Pour l’Algérie est posé le problème de sa sécurité énergétique et, d’une manière générale, de la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures s’insérant dans le cadre des valeurs internationales.

Dans les pays développés, il n’existe pas de lois de finances complémentaires. Pourquoi l’Algérie recourt à cette loi depuis plus de 10 ans ?
Faute de vision stratégique en Algérie nous assistons à des lois de finances complémentaires à répétition alors que ce n’est qu’un simple document comptable public retraçant l’évolution des recettes et des dépenses, donnant soit un solde, positif ou négatif (déficit budgétaire)».
En Algérie, il n’existe pas de management stratégique à moyen et long terme, vivant au gré de la conjoncture parce, qu’après 50 années d’indépendance, nous n’avons pas d’économie productive : 98% d’exportation provenant des hydrocarbures et important 70% des besoins des ménages et des entreprises privées et publiques dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15% (exemple la SNVI où la majorité des composants sont importés). Il suffit que le cours du baril chute pour que toute la loi de finances devient caduque. Puis, il s’ensuit que des éléments de politique économique sont inscrits souvent dans les lois de finances, exemple la règle des 49/51% qui a bouleversé toute la politique économique du pays. Or une loi de finances n’est qu’un document comptable regroupant les dépenses et les recettes. L’artifice de mettre 37 dollars dans les lois de finances depuis quelques années ne doit pas tromper le lecteur, la différence étant mise dans le Fonds de régulation des recettes géré d’une manière occulte : exemple il suffit de dévaluer le dinar de quelques points par rapport au dollar pour augmenter ce fonds du fait que le calcul se fait en dinars algériens voilant l’inefficacité de la dépense publique et diminuant le déficit budgétaire en augmentant artificiellement la fiscalité des hydrocarbures. Pour plus de transparence dans la gestion des deniers publics, il serait préférable sa suppression et que les lois de finances soient établies sur le cours du marché quitte à ce que l’excédent soit placé dans un fonds pour les générations futures comme cela se fait en Suède. En réalité en 2011/2012, la dépense publique fait que l’État algérien, selon le gouverneur de la Banque d’Algérie, a fonctionné non sur 37 dollars, mais sur 110/115 dollars et selon le rapport de l’OPEP de début juillet 2013, pour l’année 2013 l’Algérie a fonctionné sur la base d’un cours de 125 dollars expliquant l’importance du déficit budgétaire.
Enfin, il avait été programmé bon nombre de dépenses non prévues dans la loi de finances 2013 (comme tous ces montants additionnels débloqués par le Premier ministre lors de ces tournées dans les wilayas, idem pour les recrutements dans les administrations) qui devaient être avalisées par la loi complémentaire afin de couvrir les dépenses additionnelles. Dans ce cas, il faut distinguer le secteur économique du secteur de l’administration qui vit sur son autofinancement dont les grandes entreprises qui ne sont pas concernées mais elles sont minoritaires. Car, même au sein de l’économique, 90% du tissu économique est constitué de petites et moyennes entreprises qui dépendent de la commande publique. Exemple les commandes des wilayas auprès des petites entreprises de BTPH non prévues par la loi de finances 2014. Ces PME pourront- elles attendre jusque-là pour payer leurs travailleurs ? Concernant l’administration, régie par la comptabilité publique, très rigide, et demandant du temps du fait du poids de la bureaucratie, pour le budget de fonctionnement il y aura des difficultés pour les recrutements additionnels exceptionnels parce non prévus mais pas pour ceux qui étaient en fonction avant 2013/2014. Pour le budget d’équipement, il y aura un vrai problème pour les travaux additionnelles, où les montants ne pourront pas être débloqués pas avant mars, avril de chaque année, à moins de mesures exceptionnelles pour éviter des licenciements massifs et l’arrêt de certains chantiers.

Pourquoi est-on arrivé à cette situation ?
En résumé, tout cela traduit le manque de cohérence et de visibilité de la politique socio-économique actuelle. Aussi, aujourd’hui l’enjeu d’une Nation et sa survie implique de mettre en place des instruments opérationnels de prospectives capables, d’identification, d’anticiper les modifications de comportement des acteurs économiques, politiques, sociaux et miliaires. Il s’agira donc de définir l’environnement pertinent, identifier les sources, détecter, analyser, diffuser l’information recueillie, se fondant sur la collecte d’informations fragmentaires et qu’il est donc important de bien l’analyser. C’est dans ce contexte, que les plus grandes armées, sont organisées en réseaux et non plus en structures hiérarchiques, dont le noyau du commandement avec un rôle déterminant pour les services de renseignement, (la maîtrise de l’information au temps réel étant primordiale) regroupent des équipes pluridisciplinaires complexes où cohabitent ingénieurs, économistes, psychologues, politologues, experts de l’information, et sociologues de différentes spécialités. Vient seulement ensuite, l’opérationnel, certes animé par des techniciens.
Il en est de même pour toute action stratégique au niveau de présidences des grands pays.
Entretien réalisé par I. B.

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