La fraude aux examens de fin d’année ravive à nouveau la polémique, au cœur même du baccalauréat 2018. Il n’est pas question ici de parler des facteurs socio-psychologiques qui poussent les candidats à tricher. Par-delà, il y’a lieu de se pencher sur la parade adoptée par le gouvernement pour éviter le scénario des examens de 2016 et 2017, son efficacité ainsi que son impact sur la vie économique du pays. Pour les autorités, il s’agit, en effet, de «préserver la crédibilité» de l’examen d’accès à l’université, comme l’a réaffirmé le Premier ministre Ouyahia, lors de sa conférence de samedi, à Alger. Si la motivation en elle-même est de bonne cause, il reste la question du moyen mis en place pour éviter la fraude qui prête à polémique. Une solution qualifiée de «radicale» qui consiste en la coupure sèche du réseau internet au niveau du territoire national.
Certes, cette décision n’est pas exceptionnelle à l’Algérie. En dehors des pays développés, d’autres États tels que l’Irak et la Syrie recourent à la coupure de l’internet pour parer à la triche lors des examens de fin d’année. Toutefois, cette solution serait-elle en mesure de mettre fin aux pratiques de fraude dans l’école ? Du point de vue technique, cette parade dissuade toute intention de tricher. Mais, pour un secteur aussi sensible que l’Éducation, la solution doit toucher au fond du problème.
À l’échelle de l’opinion publique, la décision a été mal digérée. Usagers de l’internet, professionnels et spécialistes du domaine décrient cette solution. Quoi qu’elle est limitée à l’heure précédant chaque épreuve de l’examen du Bac, les retombées de cette coupure de l’internet sur la vie économique du pays sont avérées, du point de vue d’experts algériens du domaine des TIC.
Un avis, soit, qui s’oppose aux assurances des départements de l’Éducation et de la Poste et Technologies de l’Information et de la Communication (PTIC). «Une solution de facilité» en lieu en place d’engager «une réflexion» sur la question, estime, dans une déclaration faite au Courrier d’Algérie, l’expert et spécialiste des nouvelles technologies, Karim Khelouiati.
L’Algérie à l’ère du numérique
Il est vrai, jusque là, les spécialistes estiment difficile d’évaluer les pertes hormis le fait de s’avancer théoriquement sur l’impact économique causé aux entités professionnelles publiques et privées. Des pertes à nuancer tant est que, le niveau de l’utilisation du service internet diffère d’une entreprise à l’autre. C’est sans compter les conséquences à l’échelle de l’économie nationale. Une telle démarche a-t-elle été envisagée par les autorités publiques ? Autrement, a-t-on pesé le pour et le contre d’une telle décision ? Pour le moment, tous les efforts sont orientés vers la traque des tricheurs à l’examen du Bac. Quant au souci des pertes d’ordre économique, il semble être relégué au second degré des préoccupations. Or, l’Algérie, à l’instar de tous les pays du monde, évolue dans un environnement en pleine interaction qui l’oblige à entrer graduellement dans l’ère numérique. C’est-à-dire, prendre en considération l’impact du fait de se dissocier du reste du monde sur la vie du pays, prévient Khelouiati, qui propose aux autorités une solution qui lui semble «moins coûteuse et plus efficace» comme alternative à la coupure générale de l’internet.
Pour prendre l’exemple du service public, le gouvernement a lancé plusieurs chantiers dans ce domaine qui accuse du retard. Dans la foulée, il y a lieu de citer le programme de modernisation des prestations publiques avec tout ce qu’elle entend comme numérisation des documents administratifs, les documents d’identité (passeport, CNI, permis à points…), ainsi que la généralisation de l’internet dans le service de l’État aux usagers.
Farid Guellil