Attendu depuis des lustres, le tribunal administratif de Bir Mourad Rais (Alger) a décidé, hier, de geler les effets de l’acte dans l’affaire du rachat des actions du groupe média El Khabar par Ness-Prod, filiale du groupe Cevital.
Le jugement, reporté à quatre (4) reprises, a été annoncé par le président du tribunal administratif de Bir Mourad Rais en présence de la défense des deux parties. Sur le plan de la forme, le juge a accepté la requête du ministère de la Communication et sur le fond, il a décidé le gel des effets de l’acte de vente. Selon les explications des avocats en marge de l’audience, la décision du juge de geler la transaction indique que le transfert de propriété est gelé et non pas bloqué définitivement. Ainsi, il faudra attendre que le juge de fond se prononce sur la validité de la transaction. Le jugement en matière de référé est exécutoire par provision, c’est-à-dire provisoirement. La défense doit répliquer avant le 22 juin prochain pour entamer l’affaire au fond. En marge de l’audience, les avocats des deux parties sont entrés en guerre médiatique en multipliant les déclarations à la presse présente, comme à son accoutumée, en force pour couvrir l’évènement.
Ainsi, l’avocat du ministère de la Communication, Maître Nadjib Bitam, a affirmé que la décision d’hier n’annule pas le contrat mais le gelait seulement.
«La décision ne va en aucun cas porter préjudice à El Khabar», a assuré le maître qui signale, néanmoins que c’est une mesure conservatoire, en attendant de s’exprimer dans l’affaire au fond. Pour lui, n’a jamais été question de dissoudre » le groupe El Khabar. Par ailleurs, en saluant la décision du tribunal, le maître Bitam, a estimé que « chaque partie doit prendre ses responsabilités et en particulier l’acheteur qui se trouve en situation irrégulière ».
De surcroit, l’avocat a rappelé que « tout changement d’actionnaire au sein d’un média est soumis à une autorisation du ministère de la Communication». Cette autorisation n’ayant pas été demandée dans le cadre du rachat d’El Khabar par Ness Prod, filiale de Cevital, « le ministère est habilité à porter plainte », a-t-il appuyé, tout en précisant que c’est du devoir de la tutelle de gérer le secteur.
Pour sa part, Me Sadek Chaïb, avocat du groupe El Khabar a expliqué qu’il « s’agit d’une décision provisoire en attendant le jugement sur le fond. à sa sortie du tribunal, le maître a affirmé qu’il s’agissait d’une « mesure conservatoire », autrement dit « exceptionnelle », qui va permettre au tribunal administratif de faire droit.
De son côté, Fetta Sadat, membre de la direction nationale du RCD et chargée de la condition féminine, militante des droits de l’Homme et avocate a expliqué à la presse que « le juge a demandé de faire des requêtes avant le 22 juin. C’est-à-dire verser les conclusions en réplique ». Affirmant que la démarche atteste d’une réelle volonté de la justice de « classer » et d’en « finir » avec cette affaire, l’avocate a déploré la décision en affirmant que cette requête était irrégulière, introduite au nom du ministère, or, celui-ci souligne-telle n’a aucune compétence. « Entre la plainte du ministère de la Communication, le 26 avril et le jugement le 15 juin, il s’est écoulé deux mois donc l’affaire n’a plus rien d’un référé qui est une mesure d’urgence », a souligné Me Fetta Sadat. Entre autres, elle regrettera que « ce long délai a permis au ministère de la Communication de rectifier ses erreurs commises au départ ». De ce fait, l’avocate qui relève plusieurs modifications entre le dépôt de la plainte et le procès. « Le ministère de la Communication ne demande plus l’annulation du marché mais le gel de la transaction et il ne s’attaque plus au président du conseil administratif d’El Khabar mais aux parties principales que sont les vendeurs et les acheteurs », a-telle détaillé en disant craindre « que le contrat soit annulé lors du jugement sur le fond ». Cependant, elle dira qu’il y a une volonté d’en finir avec le dossier, avant la période de vacances judiciaires, vu que le juge a insisté pour le respect des délais.
Par ailleurs, outre cette guerre juridique, un élan de solidarité citoyenne s’est exprimé depuis en faveur d’El Khabar. Entre militants politiques, associatifs et syndicaux, un sit-in est tenu à chaque programmation du procès. Même si l’élan de solidarité a diminué depuis le début du mois du jeûne, des dizaines de personnes ont répondu présents hier, pour exprimer leur soutien au groupe El Khabar. Faut-il le rappeler, le procès a connu quatre reports successifs et, à chaque fois, à la demande de la partie plaignante. Ce qui n’est pas très usuel dans le cas des plaintes en référé.
Lamia Boufassa