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États-unis : les salaires, parents pauvres du boom économique

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C’est une des anomalies du boom économique américain : les salaires restent à la traîne de la spectaculaire baisse du chômage dans le pays, au point d’alimenter des doutes sur la solidité de la reprise. «Pourquoi la progression des salaires est-elle si lente?», se lamente la Réserve fédérale (Fed) de San Francisco dans une étude parue lundi, pointant un phénomène «inhabituel» en cette période de forte croissance aux Etats-Unis. En théorie, la fonte du taux de chômage américain, passé de 10% en octobre 2009 à 5,8% actuellement, devrait donner un coup d’accélérateur aux salaires: les travailleurs sont censés être en position de force face aux employeurs et pouvoir prétendre à de plus fortes rémunérations. Mais la réalité est tout autre. «En tenant compte de l’inflation, les salaires ont quasiment stagné», déplorait la présidente de la Banque centrale américaine (Fed) Janet Yellen dès août dernier. La situation n’a guère changé depuis. En novembre, le salaire horaire moyen hors-poste encadrement n’a progressé que de 2,1% en un an, alors que la hausse annuelle dépassait les 3,9% fin 2007, avant le début de la crise financière. La part des salariés américains, dont la rémunération a été gelée d’un an sur l’autre, dépasse par ailleurs les 15% contre environ 12% en 2007, selon l’étude de la Fed de San Francisco. Tout en se réjouissant des chiffres de l’emploi, la Maison-Blanche elle-même reconnaissait en décembre qu’il fallait «encore en faire plus sur la progression des salaires». Sur le long terme, la tendance n’est guère différente. En dollars constants, le salaire horaire moyen actuel (20,67 dollars) est à peine plus élevé qu’en… 1964 (19,18 dollars). La stagnation est par ailleurs plus prononcée pour les bas revenus, au risque de creuser les inégalités. Depuis 2000, les 10% des salariés les moins bien payés ont ainsi vu leur rémunération chuter de 3,7%, en tenant compte de l’inflation, tandis que les hauts cadres profitaient d’une hausse de 9,7%, selon une récente étude de l’institut Pew. «Pour la plupart des travailleurs, les salaires réels (…) ont stagné ou chuté depuis des décennies», souligne son auteur, Drew Desilver. Seul motif de réconfort, la faible inflation dans le pays permet de limiter les pertes de pouvoir d’achat des ménages, qui restent le principal moteur de la croissance américaine. Paradoxe Expansion économique et stagnation salariale? Selon de nombreux experts, ce paradoxe révèle certains vices cachés du marché de l’emploi, que la Fed invoque pour justifier sa «patience» avant de normaliser sa politique monétaire. «Le marché de l’emploi est bien plus faible que ce que suggèrent les chiffres du taux de chômage», affirme à l’AFP Kelly Ross, du syndicat AFL-CIO, l’un des plus importants aux Etats-Unis. En cause, la flambée des emplois précaires et le flot grossissant de chômeurs qui quittent la population active par découragement et ne sont donc plus comptabilisés dans les chiffres gouvernementaux. Le think tank américain Economic Policy Institute les évalue à 5,7 millions, en sus des 9,1 millions de chômeurs «officiels». La financiarisation de l’économie, qui favorise les détenteurs de capital, et la faiblesse des syndicats américains jouent également un rôle, selon M. Ross. «Avec le déclin des syndicats, nous n’avons pas la capacité de transformer des bénéfices plus élevés (des entreprises) en salaires plus élevés», déplore-t-il. Une hausse du salaire minimum fédéral, bloqué à son niveau actuel depuis 2009, pourrait entraîner avec lui l’ensemble des rémunérations. Mais la mesure, défendue par l’administration Obama, se heurte à l’hostilité des républicains. «Elle n’aurait de toute façon qu’un effet limité étant donné le très faible niveau du salaire minimum aux Etats-Unis», explique à l’AFP Ioana Marinescu, de l’Université de Chicago. L’impulsion pourrait en réalité venir du boom économique lui-même et d’un optimisme grandissant des employeurs. Selon le cabinet de recherche d’emplois Careerbuilder, ils sont désormais 82% à prévoir des augmentations de salaires en 2015, contre 73% l’an dernier. «Il y a toujours un délai entre la diminution du chômage et son impact sur les salaires et il semblerait que cette période d’ajustement touche à sa fin», prédit Mme Marinescu.

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