Le président chilien Sebastian Piñera réunit mardi les partis politiques pour tenter de trouver une issue à la violente crise sociale qui secoue le Chili depuis cinq jours et a fait au moins douze morts.
Alors que de nouvelles manifestations et des grèves étaient annoncées, le président conservateur qui jugeait dimanche, son pays «en guerre», a changé de ton. Lundi soir, dans un message à la nation, il a annoncé une réunion avec l’ensemble des forces politiques. «Demain, je me réunirai avec les présidents des partis, aussi bien du gouvernement que de l’opposition, pour explorer et j’espère avancer vers un accord social qui nous permette de nous rapprocher tous unis, avec rapidité, efficacité et responsabilité, vers de meilleures solutions aux problèmes qui affectent les chiliens», a déclaré le chef de l’Etat. Les quelque 7,5 millions d’habitants de Santiago ont passé une troisième nuit sous couvre-feu, de 20H00 à 06H00 (23H00-09H00 GMT). Le bilan des morts dans des incendies et des pillages est monté à douze lundi. Un total de 239 civils ont été blessés, ainsi qu’une cinquantaine de policiers et militaires. 2 200 personnes ont été arrêtées, selon un dernier bilan.
Nouvelles manifestations attendues
L’état d’urgence en vigueur depuis vendredi soir, dans la capitale est également appliqué à neuf autres des 16 régions du pays. Près de 10 000 policiers et soldats sont déployés. C’est la première fois que des militaires patrouillent dans les rues depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990). Les manifestations pourraient s’amplifier avec l’appel lancé par la Centrale unitaire de travailleurs (CUT), la plus grande confédération syndicale du pays, et 18 autres organisations ont appelé à des grèves et manifestations pour mercredi et jeudi à Santiago. Les syndicats des travailleurs de la santé publique ont également annoncé pour cette semaine une grève et des protestations devant le ministère de la Santé au centre de la capitale. Les manifestations ont débuté vendredi pour protester contre une hausse du ticket de métro. La mesure a été suspendue par le président mais les émeutes se sont poursuivies, nourries par la colère face aux conditions socio-économiques et aux inégalités. Dans ce pays de 18 millions d’habitants loué pour sa stabilité économique et politique, l’accès à la santé et à l’éducation relèvent presque uniquement du secteur privé. «Ce qui se passe n’est pas lié à la hausse de 30 pesos du prix du métro, mais à la situation depuis trente ans. Il y a les retraites, les queues au dispensaire, les listes d’attente à l’hôpital, le prix de médicaments, les bas salaires», explique à l’AFP Orlando, 55 ans, venu lundi manifester à bicyclette.
La plaza Italia jonchée de débris
Tôt mardi, l’AFP a observé des rues désertes à Santiago, avec des véhicules militaires patrouillant dans les avenues et des convois de policiers. Les forces de l’ordre vérifiaient les papiers des automobilistes pour s’assurer qu’ils avaient l’autorisation de circuler malgré le couvre-feu. Des incendies et pillages se sont encore produits durant la nuit ainsi que des manifestations isolées, dispersées par les forces de l’ordre. La plaza Italia, épicentre des manifestations dans la capitale ces derniers jours, était comme les rues adjacentes jonchée des débris utilisés par les manifestants pour monter des barricades. Des milliers de personnes s’étaient réunies la veille sur la place, alors que manifestations et violences se poursuivaient dans le pays, tapant sur des casseroles ou criant «le Chili s’est réveillé!» ou «dehors les militaires!» à l’adresse des soldats et policiers déployés en nombre. Malgré quelques échauffourées, la manifestation à Santiago s’est globalement déroulée dans le calme mais des heurts ont éclaté à Valparaiso, Concepcion ou Maipu. Alors qu’ils avaient tenté la veille de reprendre leurs activités, avec de longues files d’attente pour s’approvisionner alors que des dizaines de supermarchés, de véhicules et de stations-service ont été saccagés ou incendiés, les Chiliens se préparaient à une nouvelle journée d’incertitudes mardi. A Santiago, le métro qui transporte quotidiennement quelque trois millions de personnes est fermé depuis vendredi après le saccage de 78 stations et des dégâts évalués à plus de 300 millions de dollars. Seule une des sept lignes a rouvert partiellement lundi. Le réseau de bus fonctionnait partiellement. Les cours ont été suspendus dans la quasi-totalité des écoles et universités de la capitale. Les hôpitaux fonctionnaient normalement. à l’aéroport de Santiago, la compagnie aérienne chilo-brésilienne LATAM, la plus grande d’Amérique latine, a installé des dizaines de lits de fortune pour ses passagers bloqués depuis le début des manifestations en raison de l’annulation ou de la reprogrammation de leurs vols.