On est là pour retourner au pays dans le costume de nouveau N°1 du continent. Plus que des doutes, une promesse ferme. Le rêve qui se réalise. Que disait bien Belmadi avant la dernière marche, le dernier obstacle face aux redoutables «Lions de La Teranga»? Une sorte de pléonasme : «Une finale ça ne se joue pas, elle se gagne. Au départ, je n’étais pas trop de cet avis, car pour arriver en finale, il faut bien se préparer. En finale, on a eu en face une équipe qui est composée de joueurs talentueux et qui a un grand coach.» Les «Fennecs» n’ont pas bien joué. Qu’à cela ne tienne. Explications. Justes et convaincantes. «Oui, ce n’est pas notre meilleur match dans le contenu, on n’a pas eu la possession du ballon, on a eu des difficultés à mettre en place notre jeu, mais on finit meilleure attaque de ce tournoi et co-meilleure défense aussi avec le Sénégal. Le mot de la fin. Sans discussion et il ne croit pas si bien dire: «Après, je dirais que la victoire de cette CAN fut méritée pour nous, vu notre beau parcours.»
Par Azouaou Aghiles
Humilité…
Un entraîneur, un groupe. L’osmose parfaite. Des signes et des mots qui ne trompent pas. Sortis droit du cœur. «J’ai un mot à dire ce soir. Je veux remercier les joueurs. J’ai une pensée à eux pour le travail extraordinaire qu’ils ont fait durant l’ensemble de cette CAN. Ils ont vécu avec la pression de vouloir aller au bout. Ça n’a pas été facile, mais les joueurs ont été fabuleux. Je les remercie encore une fois.» Bien dit. Du Belmadi tout craché. Et quand c’est dit à un moment aussi extraordinaire qu’un succès final dans une des plus prestigieuses compétitions inter-nations au monde, la CAN, à un moment où d’habitude on ne pense qu’à sa propre personne, à son ego tout court, c’est que le type ne peut ressembler aux autres. Humilité ? Plus que cela. Qu’en pense l’intéressé? Rien moins qu’il n’a fait que ce qu’il a promis. Son travail. Du bon boulot. Bien payé en retour et le raz de marée populaire de samedi n’est, en fait, qu’une preuve supplémentaire de reconnaissance de fans qui ont, quatre semaines durant, sous très haute tension, souffert avec lui sur la route du sacre. En raison des grosses batailles que leurs favoris, sous pression, ont dÛ mener avant un 19 juillet qui fera date. Ce ne fut pas facile pour les «Verts». Pas du tout aisé. Comme ce dernier obstacle nommé Sénégal. 90 ultimes minutes qui les verront certes énormément souffrir non sans faire corps autour de l’objectif. Défendre une réalisation tombée du ciel en tout début dU match quand ils prendront une sérieuse option pour un titre leur tendant les bras. Une finale dont on ne retiendra rien d’autre que ces images magnifiques d’une équipe s’ouvrant les portes de la légende quand le capitaine Mahrez brandira, en live mondial, le précieux trophée et donner le coup d’envoi à des liesses populaires sans pareil. Historique comme ce succès que personne n’attendait. Auquel croyait un coach de la trempe des grands. Qui disait, et il avait bien raison, qu’une finale se gagnait, ne se jouait pas. La suite des événements après le but de Bounedjah le confortera, au grand bonheur de son public, dans ses dires. A-t-il inventé le fil à couper le beurre ? Bien sûr que non. Mais, pour un homme qui a su garder humilité et dignité dans la victoire (et quelle victoire !), a su rester plus que serein en ne tirant pas la couverture pour lui seul. Tout de respect pour l’adversaire. Sans un mot déplacé pour ses prédécesseurs lorsqu’il dira, sans enfoncer le clou, «avoir, il y a dix mois, récupéré une équipe dans la difficulté (et la précision est de l’auteur, ndlr), pour ne pas dramatiser (Madjer ne peut qu’apprécier, re-ndlr), et réaliser un tel exploit dans ces conditions est tout simplement exceptionnel.» Aucun mot déplacé. Juste ce qu’il lui fallait pour remettre les choses à leur place. Des propos dans leur contexte même si la déclaration intervient à des moments fabuleux. Quand on ne pense qu’à ce moment exceptionnel. Et il l’est. Pour bien des années encore. à ces images incroyables d’un peuple en transe venu saluer, après s’être déversé par centaines de milliers dans des rues et ruelles devenues exiguës, leurs héros du jour. Images pour la postérité. L’éternité.
Tout le moNde d’accord
Les «Guerriers du désert» n’ont pas bien joué (personne ne leur a demandé de faire le spectacle, insignifiant à ce stade des attentes du public) certes, mais réalisé l’essentiel. En marquant d’entrée de jeu avant de lutter, comme des morts de faim, sur toutes les balles pour préserver un précieux acquis. Une petite mais ô combien lourde, décisive avance. En jouant comme l’exigeait l’évènement. En livrant un combat de tous les instants avant d’offrir au pays une 2e étoile et mériter les éloges sincères de leur mentor parce qu’ils ont été au bout de l’effort. En se donnant à fond du début à la fin d’un tournoi marqué de leur empreinte indélébile. En mettant tout le monde d’accord. Y compris les sceptiques. «Ce n’est pas notre meilleur match, mais une finale ça ne se joue pas, elle se gagne», insistera Belmadi qui remerciera ses poulains. Leur rendra hommage avec «une pensée sincère pour le travail accompli. Malgré la pression qui fait qu’ils ont été fabuleux.» Gagner. Et un tout petit but aura suffi au bonheur de l’équipe. À faire le bonheur de tout un pays parti pour d’interminables nuits blanches. «Une seule occasion, on la met dedans, ça me suffit(…) Si on m’avait dit avant le match qu’on aurait ce déroulé, j’aurais signé des deux mains. La finale, il faut la gagner, peu importe la prestation!» Un clin d’œil pour les mauvaises langues et les rabats joie ? Peut-être bien quand il ferme le débat en soulignant que «ce qui m’intéresse le plus, c’est les titres.» Et on y est désormais.» Champions d’Afrique. Pas rien. Pas mieux pour rallier les suffrages. Pas plus pour renvoyer les mauvaises langues à leur jalousie maladive. Un titre. Et quel titre. Le plus beau. La meilleure des vérités d’un terrain qui s’arrête rarement sur les «si» et autres «vérités» jamais «vraies» de nos philosophes du football obligés, solennellement, de se taire et aller prendre leurs vacances. Se cacher pour tout dire. L’E.N, de l’aveu même de son «sorcier» (au sens noble du terme) «n’a pas bien joué.» A même mal joué, concéderions-nous facilement à ces «connaisseurs» mais, et quel mais, a fait ce qu’il fallait faire. En terminant, comme il fallait, le boulot entamé au coup d’envoi d’une compétition bien e de bout en bout. En alliant le talent à la cohésion, le caractère au courage. Une E.N certes pas toujours brillante (on sait maintenant pourquoi) mais se transformant, au fil des étapes et obstacles (elles ne sont pas nombreuses les sélections à se donner les moyens, par exemple, d’épingler à leur tableau de chasse, tour à tour et à des tournants majeurs d’un tournoi pareil, des sigles aussi craints, de vraies terreurs que la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Nigeria et, comme bouquet final, le Sénégal sur la ligne d’arrivée ) en forteresse imprenable. Décrié après une finale peu recommandable aux puristes? C’est les millions de supporters au bord de la folie qui en détiennent la réponse. Ce n’est pas un modèle de «beau» football ? Seule la victoire est belle prévenait Belmadi avant cette finale. Et victoire il y eut. Celle d’un groupe prêt à tous les combats. Un chef d’œuvre dans le genre. Que le public comprendra en portant ses héros aux nues. Un onze et de la personnalité. Comme on aime. Une vraie équipe. Soudée, compacte. Où chacun travaille pour l’autre. Tout le monde pour tout le monde. Pour le meilleur. Une fin heureuse. Dans les plans d’un coach avare en promesses. Qui tiendra la seule qu’il aura à l’adresse de son public: jouer pour gagner. Et il a gagné.
Sacré démenti
En manque de visibilité, disparue presque des radars (la chute, depuis le retour du Brésil et un Mondial qui nous laissera sur notre faim, dans le classement Fifa est un indicateur de choix), sans plus aucune ambition depuis maintenant 5 années, «El Khadra» n’a pas mis plus de dix petits mois pour renaître de ses cendres sous la houlette d’un technicien fait pour ce genre de thérapie. Qui vous livre, sur un plateau d’argent, de l’or. Comme ses médailles que ses capés ne se lasseront pas d’arborer sur leurs fières poitrines. Belmadi, la simplicité personnifiée, menant au combat des «guerriers» aux vertus nouvelles. Qu’on pensait disparues depuis le crochet par le pays du Roi Pelé et une participation à espoirs. Déçus malheureusement. Un nouvel état d’esprit et union qui a fait la force d’un collectif fort. Qui a su vaincre et l’égoïsme, l’égo surdimensionné de certaines stars retournant au «B.A.- ba» du sport-roi. Un collectif qui nous aura, sept sorties durant (depuis le Kenya jusqu’au Sénégal en passant par le Sénégal) régalé sur ce registre, chacun des joueurs décidant de se mouvoir dans le collectif. Où chacun se sacrifie pour l’autre, la meilleure preuve, comme relevée par les spécialistes, aura été ce cœur mis à l’ouvrage par un Mahrez retrouvé et tellement sérieux, discipliné et donc utile, de ne jamais rechigner, à l’instar du reste de l’équipe, aux tâches défensives. Oubliés les bobos, bonjour la liesse au détour de ce rendez-vous majeur pour toute une génération face à un redoutable Sénégal. Un but signé Bounedjah et la providence, sur un coup du sort, d’entrée de match. Et un sacré démenti. Phénoménal.
Qui mettent un terme à bien des craintes, rares les pronostiqueurs ayant, au départ, misé le moindre sou sur une E.N en perdition (Belmadi dira sagement, pour ne pas écorcher certaines susceptibilités, «dans la difficulté») et que tout le monde voyait beaucoup trop démobilisée (ce qui ne ressort heureusement pas, bien au contraire, d’un parcours sans faute, 7 victoires en 7 sorties, meilleure attaque, meilleure défense, meilleure en tout et sur tous les plans) et jouant sur le seul talent de vedettes déclinantes. Un 7 sur 7 parfait, une couronne. La victoire du don de soi. D’un groupe ultrasolide. Le respect à force d’abnégation. Le tout-cohésion et des clichés forts à montrer à tout le monde. Pour l’histoire. Comme ce coup franc de légende sorti droit du pied gauche magique de Mahrez venant couronner, au bout du bout, dans les dernières secondes du temps additionnel, un duel d’hommes livré à un sacré, dur à jouer adversaire nigérian. Un but d’école et le souvenir (eh oui !) impérissable d’un groupe unis pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur finalement avec cet atterrissage bien contrôlé sur le toit de l’Afrique. Bâti sur une vraie citadelle défensive, les «Fennecs», à l’intelligence aiguisée, s’avérant au fil des rencontres un bloc difficile à bouger, une équipe pas facile à battre. Un exercice auquel s’essayeront, sans succès, des clients de marque, les attaquants sénégalais, par deux fois, guinéens, nigérians et ivoiriens, qui font les beaux jours des plus grosses écuries européennes, accouchant pourtant de prestations de tout premier ordre. Capables de déstabiliser les arrière-gardes les plus hermétiques.
Vedettes en bleu de chauffe
Une défense et bien des vertus. Avec, en vrai patron, un Mandi revenu de loin. Remis en confiance. Ressuscité. Un axe central jusqu’ici bien timide et assurant comme rarement. Un Mandi dans le tempo, répondant présent et rassuré par la présence tout aussi rassurante du maestro Belamri sur les épaules duquel reposera ce qui s’apparente à une révolution pour qui connaissait (ce n’est plus le cas) la timidité maladive d’une charnière figurant parmi ses points faibles. Des vertus pour l’entrejeu et que de points gagnés. Qui se comptent aux nombreux et durs duels gagnés. Omniprésent mais dans l’ombre, bien dans leur rôle, des garçons comme Guedioura, Feghouli ou la révélation Bennacer, ont, en bons soldats se consacrant aux tâches ingrates, apporté leur part de lumière. Surtout quand tout n’allait pas bien. Pour soutenir le patron Mahrez qui a décidé de se consacrer au collectif. En jouant plus simple. En se débarrassant de ses défauts et autres péchés mignons, pour assumer, en vrai capitaine, les tâches que maître Belmadi lui confiera: porter l’équipe devant. Sobrement surtout. Le Mahrez dont l’équipe avait besoin. Que le public espérait. Qui s’acquittera à merveille de sa tâche principale (en plus de marquer des buts limpides) qui était de constituer, tout comme Belaïli ou Bounedjah, le 1er défenseur. Mahrez-Belaili- Bounedjah (pourquoi pas Ounes qui s’avèrera un buteur né, ou le remplaçant de luxe, Slimani dont l’expérience à servi), qui ont fait souffrir tant de défenseurs avec un apport offensif ahurissant. Débarrassé une fois pour toutes du rôle ingrat d’amuseur de galeries, quand bien même son immense registre technique et ses tours de passe-passe le permettent, la star de City a pesé de tout son poids. Egal à lui-même. Décisif. En droite ligne des instructions d’un Belmadi qui savait d’où l’équipe venait, ce qu’il voulait et où il allait. Au sommet du continent et il y est avec une équipe renvoyant son image. Comme ces fresques dessinées par les Belaïli et Bounedjah, au four et au moulin, qui ont, eux aussi, sans compter les services rendus au milieu, brillé devant. Fait briller l’équipe. Brillant, M’Bolhi, le meilleur portier de cette édition égyptienne, l’a également été. En faisant le travail derrière. En donnant à sa défense des relents de forteresse (tombée à seulement deux reprises mais sans grandes incidences) et dans un rôle plutôt bien assumé de 1er attaquant (c’est le propre des équipes modernes), il apportera toute son assurance à des garçons comme Atal (privé malheureusement de la suite du tournoi mais qui confirmera tout l’étendue de son potentiel pour le peu temps passé sur le terrain) ou Zeffane qui, dans cette aile si délicate, trouvera toute l’aide voulue pour gagner de l’assurance et de la confiance et sortir les prestations qu’il fallait. Dans la continuité d’un groupe solidaire et fort mentalement. Qui a fait le déplacement d’Oum Eddounia pour gagner. Seulement gagner. Et qui gagnera au final. En grand et beau champion. Une équipe, un coach, un public, un peuple. Une génération qui sentait l’or. En or. La meilleure de toutes désormais.
A. A.