Le soulèvement populaire et citoyen pacifique boucle son quatrième mois d’une dynamique infaillible appelant au changement du système politique en place.
Des centaines de milliers de manifestants sont sortis, hier, dans les rues des villes du pays pour le 18e vendredi de mobilisation de suite, depuis le 22 février dernier. Hier, à Alger en particulier, les Algériennes et Algériens ont exprimé, de vive voix, à travers des slogans et pancartes, leur réaction au dernier discours du chef de l’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah. Autrement, au sujet de l’interdiction dans les marches de l’emblème amazigh. En effet, le vice-ministre de la Défense a mis en garde contre le port «d’autres emblèmes autres que le drapeau national» dans les marches populaires .
En effet, les citoyens, qui ont marché hier, étaient unanimes à exprimer la nécessité de protéger l’identité nationale telle que consacrée dans la Constitution. D’ailleurs, plus au-delà, les contestataires maintiennent le cap sur le départ du système pour pouvoir entamer le dialogue avec des personnalités consensuelles. Autrement, le peuple maintient la pression sur le pouvoir pour aboutir à la mise en place d’un État de droit. La manifestation n’a pas perdu de son ampleur et de sa détermination. Avec toujours son caractère pacifique, et ce, malgré la forte répression exercée par les forces de l’ordre au début du rassemblement à la Grande-Poste.
La police était déployée en nombre impressionnant depuis le début de la matinée à Alger. Et comme instruction donnée par le chef d’état-major de l’ANP, les policiers ont commencé à confisquer aux manifestants le drapeau amazigh, n’hésitant pas à faire des interventions, parfois musclées, pour l’arracher aux porteurs. Des tensions ajoutées à une polémique qui interviennent, suite à la mise à exécution de l’ordre de Gaïd Salah, qui a averti, la semaine dernière, depuis Béchar, sur le port des drapeaux «autres que le drapeau national symbole de l’unité nationale». En réaction, les manifestants se sont montrés « étonnés »; voire «stupéfaits». Preuve en est, ils ont crié, à gorge déployée, «Imazighen ! Makach El jihawiya ! khawa-khawa» (Pas de régionalisme, on est : tous frères), scandent-ils, au moment où les forces de l’ordre se chargent, de temps à autre, de la saisie des emblèmes amazighs et empêchent la formation d’une foule compacte.
«C’est honteux, tout le monde le sait, notre force demeure dans l’unité nationale, il n’y a pas de différences entre Arabes, Chaouis, Kabyles, Amazighs… nous sommes tous des Algériens. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi le pouvoir a attendu le 18e vendredi de mobilisation pour prendre cette décision de honte. Les dirigeants se contredisent avec eux même, car la langue amazighe est une langue nationale officielle. Notre jour de l’an berbère est devenu une fête nationale, alors que notre emblème, ils nous l’arrachent « , nous a dit une femme manifestante, vêtue d’une tenue traditionnelle kabyle. Dans une ambiance un peu plus tendue que d’habitude, les manifestants réclament également à haute voix : «Pour un État civil et non militaire», martelaient-ils. À propos des poursuites judiciaires contre les responsables impliqués dans la corruption et la prédation de l’argent public, un autre marcheur, Rachid, estime que cela est nécessaire pour «passer à une nouvelle République.
C’est inévitable de juger les grosses têtes de l’ancien système. Personnellement, je salue l’initiative de notre Armée, mais il faut que le chef d’état-major soit totalement aux côtés du peuple.
Ce n’est pas avec cette manière qu’on puisse trouver des solutions de sortie de crise qui mine le pays », dira ce jeune algérien, rencontré au milieu des foules. Pour Anissa, «le mouvement populaire pacifique n’est pas près de s’essouffler, vu que le système politique s’accroche au pouvoir. Le peuple ne dialoguera jamais avec les anciennes figures du système. Les 3B (Bensalah, Bedoui et Bouchareb) doivent partir. Je pense que le pouvoir n’a aucune vision pour faire sortir le pays de cette crise. Ce système temporise pour essayer de gagner plus de temps. Le peuple n’a rien à perdre, nous avons une cause à défendre, et on va maintenir la pression jusqu’à la concrétisation de nos revendications qui sont légitimes », a-t-elle affirmé.
Dans les rangs des manifestants, on a observé que les positions exprimées de voix ou sur des pancartes n’ont pas changé, si ce n’est l’évolution des mots d’ordre.
Med Wali