Le Mouvement populaire continue de mobiliser. Une semaine avant de boucler une année de marches et de manifestations (22 février 2019 – 22 février 2020), ils étaient encore plusieurs milliers de personnes à manifester, hier, partout en Algérie, pour l’acte 52 de ce mouvement.
À Alger-Centre, lieu qui cristallise les rassemblements les plus importants, des cortèges de manifestants en provenance de Didouche Mourad, Bab El-Oued et la Place des martyrs, ont défilé dans le calme et sous une surveillance policière très stricte. Malgré les séries de rencontres opérées par le président Tebboune avec nombres de personnalités et chefs de partis de l’opposition et les promesses du Premier ministre de revoir certaines dispositions apportées par son prédécesseur (Bedoui) dans la LF 2020, les manifestants ont scandé des slogans contre les Institutions et le régime politique et ont appelé à des réformes « radicales» garantissant «une réelle» démocratie dans le pays. Mais avant de se lancer dans la marche hebdomadaire, qui se tient habituellement après l’accomplissement de la grande prière de vendredi, des manifestants ont improvisé des discussions impromptues pour débattre de l’avenir du Hirak.
Les impressions et opinions semblent divergentes, alors que beaucoup ont été submergés par les sentiments de lassitude et de radicalisation du mouvement. « Cela fait 12 mois que nous sommes dans les rues. Les responsables sont toujours indifférents et méfiants envers nos revendications et notre révolte. Cela fait beaucoup de temps et les gens s’en lassent. Pour éviter le fléchissement du Hirak, il faut des marches quotidiennes. Il faut marcher les samedis », nous a confié un manifestant, qui a assisté à une partie des débats. « Certes, Bouteflika est parti. Mais nous voulons en finir avec tous les symboles de l’ancien système. Il faut passer à un nouveau système démocratique et respectueux des droits de ses citoyens. Pour cela, il faut un véritable rapport de force et la mobilisation ne doit pas s’éteindre », nous révèle un autre citoyen.
13:30, le coup de starter est donné pour ce rendez-vous, prélude au premier anniversaire du Hirak, aux cris de «Dawla Madanya, Machi 3asskarya» (État civil et non pas militaire). Comme d’habitude, les manifestants ont répété durant tout leur parcours : «Cha3b Yourid Iskat Nidam!», (Le peuple veut la chute du système !), « Al Djazaïr Tadi Listiklal!», (L’Algérie aura son indépendance !), «Cha3b tharar, Howa Li 9arar, Dawla Madanya ! », (Le peuple s’est libéré, lui seul décidera, un État civil!). Les portraits des détenus politiques comme Karim Tabbou et Fodil Boumala et les autres détenus d’opinion, mais aussi des martyrs de la Révolution nationale, comme Abane Ramdane, ont trôné durant toute la procession. «Urgent !!! Libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus d’opinion. Le pouvoir au peuple», lit-on sur une pancarte brandie par un manifestant. Sur une large banderole, des citoyens ont écrit : «Pouvoir au peuple : Une assemblée constituante souveraine, élue et révocable ». Nouveauté de ce 52e acte du Hirak, les manifestants ont tenu à rende hommage au procureur du tribunal de Sidi M’hamed, Sid Ahmed Belhadi, muté vers le tribunal de Guemmar (El Oued), tout juste après avoir plaidé l’innocence de 17 détenus d’opinion, arrêtés lors des précédentes marches. Une première dans les annales de ce tribunal, réputé plutôt – depuis le 22 février 2019 – par ses sentences jugées «injustes et sévères» par les Hirakistes, contre les manifestants. Ces derniers considèrent ainsi l’éloignement de ce procureur comme des «représailles», en brandissant des portraits de lui en signe de solidarité, dans lesquels on peut lire en arabe et en français : «Sid Ahmed Belhadi. La fierté de la justice algérienne ! »
D’autres marcheurs ont brandi des pancartes sur lesquelles figurent la carte DZ l’Algérie et une balance : «Le peuple se souviendra de ses héros». Vers 15H, les rues menant vers la Grande poste ont été submergées par les manifestants. Retenons enfin ce chant entonné par des manifestants qui traversent la rue Asselah Hocine : «Makach Derby, Kayen Massira», (Il n’y aura pas de derby, car nous serons à la marche). Référence au match algérois ente le MCA et l’USMA programmé pour le 22 février prochain, date qui symbolisera une année de manifestations populaires pacifiques.
Hamid Mecheri