Il semble bien que les États-Unis n’aient pas l’intention de laisser le champ libre à la France au Maghreb, en matière de coopération de statut et, surtout, de présence militaire à travers l’installation de bases militaires aux portes de notre pays. Ainsi, après le Maroc, la Tunisie se voit hissée au statut d’«allié majeur non-membre de l’Otan» par Washington. La Tunisie, qui a des accords de coopération privilégiée avec l’Algérie, s’engage dans une voie qui lui ouvre une coopération militaire accrue entre les deux pays, voire l’installation de bases militaires. C’est le département d’État américain qui, âpres avoir mis les pieds dans le plat pour ce qui concerne notre pays, à travers un rapport tendancieux sur les droits de l’Homme, qui a annoncé que les États-Unis «envoient un signal fort sur notre soutien à la décision de la Tunisie de se joindre aux démocraties du monde entier». Le porte-parole du département d’État, John Kirby, a cru utile de souligner que ce «privilège» accordé à la Tunisie constituait «un symbole» de «l’étroite relation» qui lie les deux pays.
Le président américain, Barack Obama, avait annoncé en mai son intention d’accorder ce statut privilégié à ce pays, en recevant son homologue tunisien Béji Caïd-Essebsi, qui, selon des informations concordantes avait fait, pendant sa visite sur le sol américain, un lobbying intense pour accéder à ce statut «allié majeur non-membre de l’Otan», privilège déjà accordé à quinze pays, dont le Japon, l’Australie, l’Afghanistan ou encore l’Égypte, Bahreïn et le Maroc, permet aux pays concernés d’avoir accès à une coopération militaire renforcée avec les États-Unis, notamment dans le développement et l’achat d’armement. La définition officielle est large, mais le contenu effectif, couvert par le secret-défense, réserve des bénéfices substantiels.
Il apparaît que le gouvernement algérien avait été mis au courant par les autorités tunisiennes de cette initiative, d’autant qu’à la veille de la visite du président Béji Caïd-Essebsi à Washington, Habib Essid, son chef du gouvernement était à Alger. Il est, en effet, extrêmement difficile d’envisager le contraire lorsque l’on sait que l’Algérie est un allié majeur de la Tunisie à qui elle apporte une aide multiforme. Il reste que le redeploiement américain au Maghreb, ces dernières années, a suscité de nombreuses interrogations et inquiète de voir les États-Unis s’intéresser de trop a une région stratégique. Est-ce parce que précisément d’avoir laissé le champ un peu trop libre à Paris, avec les conséquence que l’on sait en Lybie, que Washington reprend la main et alors que jusque-la le Maroc était et continue d’être un pilier de la présence américaine au Maghreb. Le Maroc a reçu, depuis son indépendance en 1956, plus d’aide financière américaine que tout autre pays arabe. À partir de 1975, début du conflit au Sahara occidental, le Maroc a obtenu plus d’un cinquième de l’aide totale américaine en Afrique, dont plus d’un milliard de dollars pour la seule aide militaire. En 2002, le Maroc a reçu 72% de l’aide totale américaine au trois pays du Maghreb. Cependant, malgré ce soutien au Maroc, Washington refuse de cautionner l’occupation coloniale du Sahara occidental et a clairement signifié au Maroc que l’accord de libre-échange conclu avec ce pays n’incluait pas le Sahara occidental. Mais, selon de bonnes sources à Washington, Rabat ne veut pas se contenter de son statut d’allié majeur, ce qui est en soi un privilège exorbitant eu égard à son occupation militaire, mais effectue un intense lobbying pour l’achat d’armement qui serait financé par certaines monarchies du Golfe. Et surtout last but not the least, et en dehors de la base américaine de Benghir pousser le Pentagone à déplacer le commandement militaire de l’Africom de Stuttgart vers une ville du sud-marocain, aux portes du Sahara occidental. Ce qui constituerait un mauvais signe à l’égard des Sahraouis et de l’ensemble des peuples maghrébins qui aspirent à la paix et qui veulent surtout que Washington s’implique sérieusement dans la lutte antiterroriste, et notamment la nébuleuse Daech, qui risque de n’épargner ni le Maghreb ni une bonne partie du continent africain.
M. Bendib