L’état d’urgence a été décrété mercredi par Erdogan, qui réfute depuis toute atteinte aux libertés fondamentales et rejette les critiques de l’étranger.
Ce jeudi, les députés turcs ont adopté sans surprise l’état d’urgence décrété la veille par le président Erdogan, après le putsch militaire raté du 15 juillet. « Le pouvoir du peuple a vaincu le pouvoir des chars », s’est réjoui dans l’hémicycle le Premier ministre Binali Yildirim, après l’annonce du résultat, 346 votes pour contre 115. « Les droits et les libertés fondamentaux sont suspendus », a regretté sur son compte Twitter Sezgin Tanrikulu, du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate, principale formation d’opposition). « En ce moment de réconciliation de la société sur son opposition au coup d’État, y avait-il besoin de l’instauration de l’état d’urgence ? » a demandé à l’Assemblée Meral Danis Bestas, députée du Parti démocratique des peuples (HD), une formation kurde. « L’état d’urgence décrété en 1987 a été prolongé 46 fois », a-t-elle fait valoir. La formation du président Erdogan, le Parti de la justice et du développement (AKP), dispose d’une majorité absolue (317 élus sur 550). Le parti d’action nationaliste (MHP, droite, 40 élus) avait dit son intention de voter l’état d’urgence.
L’état d’urgence donne des pouvoirs étendus à l’exécutif en lui permettant de prendre des décrets ayant « force de loi », selon la Constitution. Le président turc réfute toute atteinte aux libertés fondamentales et rejette les critiques en provenance de l’étranger, relevant que la France a prolongé de six mois l’état d’urgence sur son territoire après l’attentat de Nice survenu le 14 juillet dernier sur la promenade des Anglais. « Nous resterons un système démocratique parlementaire, nous ne reculerons jamais là-dessus », a souligné le président Erdogan mercredi soir sur Al-Jazeera. L’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) a prévenu que cet « état d’urgence ne pouvait pas légitimer des mesures disproportionnées, comme parmi d’autres, la récente interdiction de voyager pour leur travail, imposée aux universitaires ».
Comment l’état d’urgence est-il décrété?
Il est décidé par le Conseil des ministres sous la présidence du chef de l’État, en cas d’« indications graves sur des actes généralisés de violence ayant pour but la destruction de l’ordre démocratique » sur tout ou partie du territoire. Après publication au Journal officiel, cette proclamation de l’état d’urgence doit être validée par le Parlement, une formalité, tous les partis d’opposition ayant apporté leur soutien au président Erdogan après le coup d’État manqué et aucune voix discordante ne s’est fait entendre depuis.
Combien de temps peut-il durer ?
L’article 120 de la Constitution prévoit que l’état d’urgence n’excède pas six mois. Le Parlement a le pouvoir de le prolonger par période de quatre mois renouvelables, ou de le lever. Mercredi soir, le président Erdogan a annoncé qu’il serait instauré pour trois mois. Mais jeudi, le vice-Premier ministre Numan Kurtulmus a assuré que le gouvernement souhaitait lever « l’état d’urgence aussi vite que possible ». « Si les conditions reviennent à la normale, nous pensons que cela prendra un mois à un mois et demi au maximum », a déclaré le responsable, souhaitant qu’il n’y ait « pas besoin d’extension supplémentaire ».
Quelles mesures concrètes sont prévues ?
La Constitution turque n’entre pas dans le détail sur ce sujet. Son article 15 précise que dans plusieurs circonstances, dont l’état d’urgence, « l’exercice de droits fondamentaux et de libertés, peut être partiellement ou entièrement suspendu », « tant que les obligations en termes de loi internationale ne sont pas violées ».
Durant cette période d’état d’urgence, le Conseil des ministres, sous la présidence du chef de l’État, peut « émettre des décrets ayant force de lois » qui seront publiés au Journal officiel et soumis le jour même à l’accord de l’Assemblée. Selon les analystes, les décisions qui seront prises en relation avec l’état d’urgence peuvent limiter la liberté de manifester, de circuler librement, peuvent conduire à un contrôle des médias. Numan Kurtulmus a toutefois précisé qu’il n’y aurait « clairement pas » de couvre-feu imposé.
« Ce n’est pas une imposition de la loi martiale », a-t-il dit.